Veine Verte : mesures d'urgence (Opinion)

dim 22/03/2020 - 12:24 , Mise à jour le 27/11/2020 à 09:04

----L'environnement qui nous entoure et qui nous est cher -- celui de la Haute-Loire -- nous l'évoquons ici, de manière engagée, comme chaque fin de mois, dans notre chronique Veine Verte. Cette tribune d'opinion n'a pas vocation à représenter l'avis de la rédaction.-----À l'heure actuelle, l'essentiel de l'approvisionnement alimentaire du pays est assuré par des camions qui sillonnent l'Hexagone et l'Europe en tous sens et en permanence. Le trafic poids-lourds n'en finit plus d'augmenter, aggravant sérieusement la pollution et le dérèglement climatique. Sans les supermarchés, à la ville comme à la campagne, c'est la disette. La solution serait que tout le monde achète bio et local, afin de favoriser un tissu dense de petits producteurs faisant pousser près de chez nous des denrées de qualité, tout en régénérant les sols et les écosystèmes. Hélas, même dans notre chère Haute-Loire, ce n'est pas le cas. Loin, très loin de là.

> Lire aussi : Résilience alimentaire : le Sénat vote non (13/12/2019)

Le potager au cœur de l'autonomie
Reste la solution individuelle, celle du potager permacole. Si l'on n'a pas la main verte ou si l'on débute, on pourra miser sur les légumes perpétuels (chénopode Bon-Henri, cardon, tétragone, livèche, chou Daubenton, ail rocambole...), ceux qui se ressèment tout seuls (fève, arroche, amaranthe, pourpier...) et les "faciles" (côte de bette, potimarron, concombre, épinard…), sans oublier les petits fruits (cassis, aronie, framboise...), les lianes (vigne, kiwi, mûre sans épine…) et l'indispensable verger ("Même si c'était le jour du jugement dernier, je planterais quand même un pommier", disait Martin Luther King). En complément, pour améliorer l'ordinaire et faire le plein de vitamines, il est bon de connaître également les plantes sauvages comestibles de chez nous, au moins les incontournables aux mille bienfaits (ortie, tilleul, pissenlit, panais, consoude, mouron blanc, pourpier sauvage, nombril de vénus...).

N'achetez pas de graines ! Demandez à un jardinier qui cultive des variétés reproductibles. Il se fera une joie de vous en donner. Et, à votre tour, quand viendra l'heure de récupérer les graines de vos légumes et les noyaux de vos fruits, vous pourrez en distribuer autour de vous. En d'autres termes, pour peu que l'on possède un petit lopin de terre, une bonne partie de la nourriture dont on a besoin pour vivre nous est gracieusement offerte par Dame Nature. Encore faut-il vivre "au vert", c'est vrai, et la crise actuelle vient rappeler une fois de plus que le bonheur est dans le pré : les villes sont des ogres qui dévorent toute l'énergie de la planète et la vident de sa substantifique moelle…

Être prêt, juste au cas où…
Les pays du Nord préparent assidûment leurs citoyens aux situations de crise aiguë. En France, c'est plus léger, mais le ministère de l'Intérieur recommande tout de même (depuis belle lurette) à chaque citoyen de posséder, prêt à servir, un kit d'urgence permettant de "tenir" trois jours avec sa famille. L'armée diffuse également, entre autres, des vidéos sur les techniques de survie afin de rappeler aux civils que le confort opulent dans lequel nous vivons ne sera peut-être pas éternel, la crise actuelle prenant ici des airs d'exercice grandeur nature.

Ode à la Fernande
À tout seigneur, tout honneur, parmi le matériel de base de l'autonomie en temps de crise, citons d'abord la cuisinière à bois, surnommée parfois "la Fernande" dans nos campagnes. C'est la clé de voûte de l'autonomie. Elle permet à la fois de se chauffer et de faire la popote sans se soucier du contexte ou des fournisseurs d'énergie. À la belle saison, elle peut être remplacée utilement par le four solaire, une autre merveilleuse incarnation du génie humain.

La question de l'eau, pour ceux qui n'ont pas de source d'eau potable sur leur terrain, est au cœur de l'autonomie. Si un être humain en bonne santé peut tenir trois semaines sans manger, il ne tiendra que trois jours sans boire. Prévoir des cuves, des seaux et des bidons, donc, pour pouvoir faire le plein en cas de pénurie. Restera à filtrer cette eau : il existe différentes méthodes pour le faire, dont les plus populaires sont peut-être le filtre à gravité (le plus connu est le "Big Berkey") et le filtre micro-poreux en argile, fait maison. Aucune de ces solutions n'est idéale, mais c'est toujours mieux que de boire de l'eau croupie.

Parmi les recommandations d'usage, ajoutons le stock de denrées alimentaires (fruits et légumes de longue conservation, féculents, conserves, huile, sel, sucre, café, blé à moudre, etc.) – l'idéal étant d'avoir un jardin et une grainothèque bien fournie de semences reproductibles – les produits d'hygiène (papier toilette, savon, etc.) et une bonne armoire à pharmacie permettant de parer au plus pressé.

Le "low-tech" à l'honneur
Nous ne dresserons pas ici de liste exhaustive, mais citons tout de même les outils "low-tech" qui rempliront leur office quoi qu'il arrive (haches, scies, cordes, aiguilles, pinces, couteaux, fil de fer, pierre à aiguiser, toute la panoplie des fabuleux outils à manivelle…), et le petit matériel, le ruban adhésif, les piles, les lampes de poche, sans oublier l'une des inventions les plus révolutionnaires de l'histoire moderne… le briquet, dont il est toujours bon d'avoir un stock à la maison.

Comme en permaculture, la clé de l'autonomie en situation de crise est la diversité : il ne faut pas avoir un seul moyen d'éclairage, mais plusieurs, pas un seul mode de chauffage, mais plusieurs, pas une seule variété de pommier au jardin, mais plusieurs, etc. Au-delà de l'aspect matériel, l'important est de posséder les connaissances ad hoc : savoir quelle plante se mange, quelle autre soigne, savoir fabriquer sa lessive de cendre ou de lierre, savoir préparer des légumes lactofermentés, faire son levain, pailler un sol, greffer un arbre, etc. Certains livres apprennent même à soigner les caries avec les moyens du bord !

Ruée salutaire vers l'autonomie
Survivalisme, autonomie, çavapétisme, peu importe le nom qu'on donne à cette démarche en vérité. Il s'agit d'être capable de se débrouiller au moins partiellement sans les services de l'Etat, sans la voiture, sans les supermarchés… La beauté de la chose, c'est qu'en plus d'être ludique ce mode de vie permet de "reprendre la main" sur sa vie, de renouer avec l'essentiel, d'alléger drastiquement son empreinte écologique et de mesurer la valeur de son environnement immédiat. Ceux qui vivent dans un monde imaginaire ne sont pas ceux qui se préparent, mais ceux qui ne se préparent pas. Même s'il faut préciser que l'autonomie n'a de sens que si nous sommes nombreux à la pratiquer. Le plus nombreux possible. En réseau, de toute évidence.

Cette crise sanitaire débouchera-t-elle sur une ruée salutaire vers l'autonomie, qui aurait pour vertu de freiner un peu les sidérants ravages que nous infligeons à la nature tout en nous préparant au prochain coup dur, qu'il s'agisse d'une nouvelle pandémie ou d'une nouvelle catastrophe climatique, comme les sécheresses bibliques qui ont fait rôtir la planète ces derniers mois ? Une fois la crise sanitaire passée, combien d'édiles fraîchement élus se résoudront à prendre le problème à bras-le-corps et à rendre leur commune autonome, et donc résiliente face aux crises à venir, au lieu de se focaliser sur le prochain chantier inutile, dispendieux et clinquant qui tapera dans l'œil des électeurs ?

Oumpah-Pah

> Précédemment dans Veine Verte :

Requiem pour une poubelle (25 mai 2018)
Ode à nos paysages (28 juin 2018)
Oui-Oui et l'Éolienne magique (19 septembre 2018)
Retour à la case marché (22 octobre 2018)
Le chasseur de serpents (22/11/2018)
Un verger pour royaume (21/12/2018)
Zones humides au régime sec (19/01/2019)
Simple comme un reste au compost (20/02/2019)
Verdun dans les sous-bois (19/03/2019)
Le pèlerin sédentaire (26/04/2019)
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L'adieu au saumon (29/11/2019)
La loutre en sa rivière (18/12/2019)
Des municipales vert pâle ? (27/01/2020)
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