Veine Verte : Chadrac prépare la fin du monde

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:59

----L'environnement qui nous entoure et qui nous est cher -- celui de la Haute-Loire -- nous l'évoquons ici, de manière engagée, comme chaque dernier vendredi du mois, dans notre chronique Veine Verte.
Cette tribune d'opinion n'a pas vocation à représenter l'avis de la rédaction.-----« Une autre fin du monde est possible »
C’est sous ce titre en forme de pirouette que s’ouvrira le festival chadracois les samedi 16 et dimanche 17 novembre 2019. Qui aurait imaginé, voilà encore quelques années, un festival consacré à la disparition de la vie sur Terre ? Il faut dire que les révélations glaçantes sur le sujet se répandent comme une traînée de poudre depuis quelques mois sur la Toile et ailleurs : sécheresses bibliques (suivies de pluies diluviennes), disparition fulgurante des abeilles, des oiseaux et des mammifères sauvages (la faune sauvage représente 2 % de la faune en France), agonie des sols assassinés par le labour et la chimie, invasion du plastique et des pesticides jusque dans l’eau de pluie, fonte des glaces et du permafrost, explosion des inégalités, bulle financière, etc. « Les systèmes tiennent plus longtemps qu’on ne le pense mais s’effondrent plus brutalement qu’on ne l’imagine », paraît-il. Certes, dans l’Antiquité déjà, de vieux barbons barbus, brandissant un doigt crochu, annonçaient d’une voix éraillée l’Apocalypse. Mais si, cette fois, c’était la « bonne » ?

Dans le mur en klaxonnant
A la boulangerie, à la médiathèque, au bistrot, à l’épicerie, tout le monde le dit : nous allons « droit dans le mur ». Loin de freiner, nous y allons même gaiement, pied au plancher... ou alors en klaxonnant à tue-tête dans le fol espoir que le mur s’écarte du chemin !, raillent certains. Dans les couloirs de l’Atelier des Arts du Puy-en-Velay, une vieille dame soupire, sans que l’on sache si c’est du lard ou du cochon : « C’est long, tout de même, ces fins de civilisations… » Tout le monde le sent plus ou moins confusément : nous sommes à l’orée d’une dégradation plus ou moins brutale de nos conditions de vie. Toutes les solutions au mal qui nous ronge sont pourtant connues, et à la portée de chacun – boycotter la Chine et les produits industriels plastifiés (si personne ne fait marcher l’industrie, l’industrie ne marche plus !), manger bio et local, consommer moins, beaucoup moins, se déplacer moins et moins loin (rappelons-nous qu’à une époque pas si lointaine on passait ses vacances à une heure de train… aujourd’hui c’est la Thaïlande ou le Bénin), passer au « zéro déchet », rejoindre un mouvement de désobéissance civile, cultiver un bout de jardin… Se mettre en mode urgence, en somme. Et qu’importe que les Chinois ne s’y mettent pas, il faut bien commencer quelque part. Nul besoin de sauver le monde, il suffit que chacun sauve son petit patelin.

CARTE: Où faire ses achats en vrac en Haute-Loire ?

Génération YouTube
Leurs vidéos font un tabac sur YouTube, média polluant mais diablement efficace. Tous annoncent le gouffre ou s’y préparent. Il y a là Greta Thunberg, bien sûr, la jeune Suédoise à tresses conspuée par l’ancien monde, adulée par le nouveau, Pablo Servigne, le charismatique et séduisant collapsologue (la collapsologie est l’étude transdisciplinaire de l’effondrement), Arthur Keller, le spécialiste des systèmes complexes, Gaël Giraud, l’analyste financier au verbe clair, Jean-Marc Jancovici, la sommité des questions énergétiques au débit mitraillette et aux arguments massues (dites adieu à l’éolien), Barnabé Chaillot, le bricoleur de génie féru d’autonomie, Maxime de Rostolan, le porte-étendard des « Fermes d’Avenir » fondées sur les lois saines de l’agroécologie, Claude et Lydia Bourguignon, deux microbiologistes qui se battent avec l’énergie du désespoir pour enrayer la mort des sols en accompagnant les agriculteurs vers de meilleures pratiques, ou encore Damien Dekarz, star absolue de la permaculture aux allures de Che, dont les vidéos sont désormais suivies par des centaines de milliers de Français – dans la dernière en date, il plante des « forêts comestibles » sans bourse délier…

Lessive de lierre et vieux fourneaux
Certains Altiligériens jugent qu’il est trop tard pour redresser la barre et que l’heure est venue de se préparer – en devenant autonomes. À cet égard, la Haute-Loire n’est pas mal placée pour revenir à une autonomie salutaire, ne serait-ce que partielle. Certes, nos printemps ne changent guère de nos hivers et faire du maraîchage tient chez nous de la gageure. Mais nous sommes tous paysans de souche, au moins dans l’âme. La plupart des Altiligériens savent manier la chignole et le merlin. Si un jour l’électricité ou le pétrole venaient à manquer (les réserves de pétrole restent considérables, mais de moins en moins accessibles), on reviendra à l’huile de coude (la seule énergie renouvelable qui vaille) et au bon vieux système D. Les plus « çavapétistes » d’entre nous astiquent déjà le fourneau à bois de l’arrière-grand-mère – celui qui survivrait à une guerre nucléaire – installent des récupérateurs d’eau de pluie aux quatre coins de leur bicoque (avec les systèmes de filtration ad hoc), pratiquent assidûment la permaculture et produisent eux-mêmes leurs semences, maîtrisent l’art du levain et de la lactofermentation, font des stocks de papier hygiénique, lavent leur linge à la lessive de lierre, savent que la racine du panicaut se mange et que la reine des prés calme la douleur… Surtout, ils ont tissé ou étoffé un réseau d’entraide – c’est là, savent-ils, qu’est la clé en situation de survie : malheur à l’homme seul, vae soli ! Catastrophe ou pas, disent-ils, ce mode de vie n’offre que des avantages : plus sain, plus économique, plus solidaire, plus respectueux de l’environnement, infiniment plus riche de sens, aussi. Nul besoin de gadgets prêts-à-jeter et de voyages aux antipodes pour être heureux – connaître son bout de vallée, sa faune, ses arbres, ses sources, ses habitants, c’est déjà merveilleux.

Des fusils dans les villages
Le bruit court que, dans certains villages du département, certains auraient même ressorti la pétoire du grand-père (celle qui n’a jamais été déclarée mais qu’on a gardée dans un coin du grenier, au cas où la guerre reviendrait…). Personne évidemment pour le dire à haute voix, mais l’inquiétude en est là. Que disent nos élus de ces inquiétudes ? Au-delà des mesurettes et du badigeon de verdure habituels, rien, le fond reste le même : on s’entête à vouloir booster le « pouvoir d’achat » (et donc la consommation) et « dynamiser le territoire » à coups de zones commerciales ou industrielles, de routes, de parcs éoliens qui ne serviront à rien, de ronds-points… et de quelques pistes cyclables pour faire bien. Jusqu’au bout, on s’étourdira de grands travaux. Quand le bâtiment va, tout va. Dans un même département, deux mondes.

Festival des Mauvaises Herbes, samedi 16 et dimanche 17 novembre 2019 à la Maison Pour Tous de Chadrac : concerts, conférences, trocs de semences, ateliers enfants, etc.

Voir le programme détaillé du festival  > ici

Oumpah-Pah



Précédemment dans Veine verte

Requiem pour une poubelle (25 mai 2018)

Ode à nos paysages
(28 juin 2018)

Oui-Oui et l'Éolienne magique
(19 septembre 2018)

Retour à la case marché
(22 octobre 2018)

Le chasseur de serpents
(22/11/2018)

Un verger pour royaume
(21/12/2018)

Zones humides au régime sec
(19/01/2019)

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(20/02/2019)

Verdun dans les sous-bois
(19/03/2019)

Le pèlerin sédentaire
(26/04/2019)

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