Plan loup, une question de vie ou de mort

Par Clara Serrano , Mise à jour le 02/12/2023 à 06:00

Le loup. Il est beau, intelligent, mystique et en 1937, il avait totalement disparu du territoire français. Depuis, l'espèce s'est fait une nouvelle jeunesse, mais le prochain plan loup 2024-2027 devrait décider de son droit de vie ou de mort. Un consultation publique est ouverte à tous. On vous donne donc les clés pour vous faire votre propre opinion.

Plus polémique, tu meurs. Et c'est le cas de le dire, puisque la question devrait porter sur les loups le droit de vie ou de mort. 

Alors qu'il est nouvellement émis tous les cinq ans, le nouveau "plan national d'actions loup et activités d'élevage" devra l'être pour la période 2024-2029. Mais cette fois, le contexte est tout particulier, avec des enjeux majeurs, à la fois économiques, sociaux et environnementaux. Ainsi, le ministère de la transition écologique et des solidarités a choisi d'organiser une consultation publique, ouverte à tous du 14 novembre au 7 décembre.

À vos claviers donc, puisque ce plan loup concerne chaque citoyen. Mais avant ça, voici quelques clés pour en comprendre les tenants et les aboutissants. 

Que dit le projet déposé au gouvernement ?

À ce jour, plus de 6 000 participations ont été recensées, pour ou contre ce projet de PNA Loup. Celui-ci est disponible sur le site de la consultation et est structuré autour de quatre grands axes : connaissance de l'espèce et statut juridique, prévention et gestion des attaques, importance de l'élevage et du pastoralisme, gouvernance et communication. 

Parmi les nouveautés proposées par ce projet, certaines sont plus ou moins fortes. Voici quelques exemples. 

D'abord, le premier axe propose, entre autres, d'adopter un plan pluriannuel de recherche, pour répondre à la question de l'effet des tirs sur la dynamique de prédation et sur les populations de loups. Il comporte également d'étudier les apports écosystémiques de la présence lupine et les effets des mesures de protection sur la biodiversité.

Gare au grand méchant loup

Le second axe propose, lui, d'aller au delà du financement des trois grands moyens de protection actuels (clôture, chiens de protection du troupeau et gardiennage) pour de nouveaux moyens de protection, de nouveaux accompagnements des éleveurs et des bergers (brigades de bergers au-delà des parcs nationaux, développement des analyses de vulnérabilité, etc.). On y trouve également la volonté de modifier le protocole de tirs dans une logique de simplification, d'indemniser de façon plus juste la valeur des animaux, en tenant compte de l'inflation, de mieux prendre en compte les pertes indirectes, de poursuivre l'amélioration des procédures d'indemnisation et la dématérialisation des constats, avec la création d'une application mobile dédiée.

Par ailleurs, l'axe 3, dédié à l'importance de l'élevage et du pastoralisme propose, lui, d'évaluer l'impact des élevages et du pastoralisme sur les milieux ruraux par un observatoire de l'élevage.

Enfin, le dernier axe compte parmi ses propositions la coordination des différents plans d'actions grands prédateurs (loup, lynx, ours).

Les agriculteurs, le c** entre deux chaises

Parmi les premiers concernés par ce plan national d'actions loup et activités d'élevage, les loups bien-sûr, et les éleveurs. Bien qu'ils étaient « très inquiets en début d'année », les agriculteurs ont remarqué une baisse du nombre d'attaques de loups sur le bétail en Haute-Loire en 2023. Cela ne veut cependant pas dire qu'il n'y en a pas eu, et cela révolte les agriculteurs du département et du pays. 

« Nous ne sommes pas contre leur présence, mais elle doit être contrôlée et ont ne doit pas leur apprendre à venir se servir dans nos élevages. Le loup a sa place dans la nature, et nous souhaitons avoir notre place dans la société », explique Philippe Chatain, secrétaire général de la FDSEA 43. En effet, en tant qu'animal opportuniste, le loup se dirigera plus naturellement vers les animaux d'élevage, ne pouvant pas fuir, que vers les bêtes sauvages se terrant dans les forêts. Ce qui entraine de nombreuses victimes, parfois indirectes et difficiles à protéger.

Des conséquences invisibles

Outre les bêtes tuées, la présence du loup a proximité des terres d'élevage entraine chez le bétail du stress, pouvant causer pertes de fertilité ou de productivité, perte d'un bébé ou encore comportements anormaux. Elle entraine également beaucoup de contraintes pour les agriculteurs, dont le stress, la vigilance permanente, les coûts dus aux pertes d'animaux mais aussi à la protection des troupeaux, etc.

L'agriculteur précise : « Ce que les gens doivent comprendre, c'est que plus le nombre de loups augmente, moins il y a d'agriculteurs. On n'élève pas des animaux pour nourrir les loups. Cela représente pour nous un coût colossal, un temps conséquent et un impact énorme sur le moral. » Déjà victime d'une importante crise de renouvellement des générations, l'agriculture est en effet marquée par des contraintes physiques, financières et morales importantes.

« Cela ne donne pas du tout envie de devenir agriculteur pour les jeunes. Pourquoi travailler si c'est pour que tout soit détruit ? » questionne Philippe Chatain.

Puis il raconte : « Cela me rappelle un agriculteur qui a subit récemment deux attaques de loup. Un jour, il m'a confié qu'il se sentait obligé de vivre comme si les loups n'existaient pas, sans quoi il ne tiendrait pas. Je pense d'ailleurs que si une troisième attaque venait à se produire, il ne poursuivrait pas en tant qu'agriculteur. Pourtant, il est encore jeune. »

Ainsi, à l'approche de l'émission du nouveau plan loup, les agriculteurs « avancent l'idée de pouvoir défendre les troupeaux ». La mise en place de clôtures, de chiens de protection de troupeau et de bergers coûte très cher aux agriculteurs et est, selon Philippe Chatain, inefficace et surtout « souvent impossible ».

L'Europe retourne sa veste

En septembre dernier, alors que l'Europe considérait jusqu'alors le loup comme protégé, la présidente de la commission Européenne Ursula von der Leyen a déclaré que les autorités locales et nationales étaient exhortées de prendre des mesures, si nécessaire, pour réduire « la concentration des meutes de loups, devenue un danger pour le bétail et potentiellement pour les humains ».

Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a ainsi réagit sur X (anciennement Twitter).

 

Quel rôle dans l'écosystème ?

Différentes études ont montré l'utilité du loup dans son écosystème.

D'abord, ils régulent certaines espèces comme les cerfs ou les sangliers qui, en surnombre, pourraient nuire à la biodiversité.

Ils nourrissent également cet écosystème puisqu'ils répartissent les carcasses de leurs proies sur de larges zones, permettant aux charognards (aigles, lynx, belettes, etc.) de se nourrir plus facilement.

Enfin, tuer un chef de meute reviendrait à encourager les autres loups du groupe à attaquer les élevages. Se dispersant et se retrouvant donc seuls, les loups se dirigent vers une nourriture plus facile d'accès.

La révolte des associations de protection environnementale

Comme pour le précédent plan, le gouvernement a confié au Conseil national de la protection de la nature (CNPN), la mission d'établir un avis concernant le projet de plan présenté. En 2018, l'instance présentait un avis positif mais émettait déjà de nombreuses réserves et regrettait un plan dédié plus à la protection de l'élevage contre le loup qu'à la conservation de l'espèce et à son rôle dans l'écosystème. 

Cette fois, le conseil s'étonne de trouver un « document non finalisé, qui ne comporte aucun objectif général ni d'enjeux en termes de conservation du loup, aucune analyse critique des activités d'élevage ni des raisons de leurs réelles difficultés autres que la présence du loup, ne comporte pas de fiches actions avec indicateurs, évaluation financière, etc. Et trop souvent des descriptions trop générales. »

Le rejet du Conseil national de protection de la nature

Le rapport se conclut ainsi : « La perspective d'un déclassement de l'espèce des textes européens et l'engagement affiché de l'État dans la démarche, créent un précédent inacceptable dans la politique des PNA, qui à lui seul occulte toutes les autres actions du plan, pourtant déjà largement engagées dans le domaine de la cohabitation avec l'élevage et le pastoralisme, et que notre instance a toujours soutenues. Cela constituerait une brèche dans le domaine de la protection de la faune sauvage, avec le risque de l'effet boule de neige sur d'autres espèces de grands prédateurs tels que l'ours ou d'autres espèces sur le fondement d'une cohabitation déclarée impossible. C'est, pour le cas présent, un signal négatif fort de la place que notre pays accorde aux grands prédateurs au moment de l'adoption de la nouvelle stratégie pour la biodiversité. »

« Pour l'ensemble de ces raisons, le CNPN, sans autre examen détaillé, émet un avis défavorable à l'unanimité (23 votes exprimés) au projet de plan national d'actions loup et activités d'élevage. »

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