Il y a 10 ans, le sang et l'horreur au Chambon-sur-Lignon (1/2)

Par Nicolas Defay , Mise à jour le 15/11/2021 à 06:30

Mercredi 16 novembre 2011, la peur, la violence et la mort. Ainsi est cette date inscrite à jamais dans l'histoire de la commune comme un souvenir que tous voudraient oublier. Agnès Marin, 13 ans, est assassinée par un autre élève du lycée Cévenol dans un contexte effroyable.

Rien.
Dans cette forêt tranquille où les feuilles d’automne drapent doucement les chemins de jaune et d’orange, rien n’indique qu’ici s’est déroulé un acte d’une violence inouïe. Il y a 10 ans demain. Il y a 10 ans, le 16 novembre 2011. Et cette sensation de contraire, ce paradoxe entre le paisible instant présent et celui de ce drame perpétré ici-même, provoque un sentiment de malaise. Comme si la scène décrite tant de fois dans les médias se rejouait devant nous, quelque part là-bas entre les arbres et les feuilles qui ne cessent de recouvrir la terre.

Agnès Marin aurait eu 22 ans aujourd’hui. Mais son existence a croisé celle de Matthieu Moulinas. Et sa courte histoire s’est achevée ce mercredi 16 novembre de cette année 2011 après avoir été attachée à un arbre, battue, lacérée à coups de couteau, violée et calcinée à deux pas du lycée où ils étaient tous les deux scolarisés.

Elle ne reviendra pas ce jour-là

Elle a 13 ans. Lui en a 17. Ce mercredi-là, ils partent ensemble dans la forêt jouxtant leur école. D’après le rapport de l’enquête, le garçon voulait lui montrer à quoi ressemblaient des champignons hallucinogènes. Et naïve comme une jeune fille de son âge face à un « grand » du lycée, elle accepte sans savoir que Matthieu Moulinas avait déjà agressé et violé une adolescente un an plus tôt dans le Gard. Que devait-elle ressentir ce jour-là ? De la fierté qu’un garçon de première s’intéresse à elle ? L’excitation mêlée à la peur d’un rendez-vous ? Elle devait marcher tout sourire, les pommettes rougies par le froid de novembre, sa respiration formant des souffles d’embrun à chaque seconde dans ces bois colorés. Elle ne reviendra pas ce jour-là.

Plaque commémorative d'Agnès Marin.
La mémoire d'Agnès Marin se cache entre 2 bâtiments à l'abandon. Photo par Nicolas Defay

La population du Chambon présente en nombre pour retrouver Agnès

Une fois son crime établi, Matthieu Moulinas utilisera un bidon d’essence à Zippo pour tenter d’enlever toutes traces de son ignoble crime. Il brûle alors le corps sans vie, percé de 17 coups de lame infligés sur le thorax et le visage de sa camarade. Et comme si de rien n’était, il rentre.
Mais l’absence de la collégienne à l’étude du soir puis au dîner des pensionnaires suscite très vite l’inquiétude de leurs amis. Les étudiants commencent à fouiller les 10 000 m² du lycée, les environs du domaine et la forêt voisine.

De bouche à oreille, l’alerte investit le bourg du Chambon, générant un important flot de personnes qui se joignent aux recherches. Le meurtrier lui-même grossit les rangs. Malgré la participation en masse de la population, des 150 gendarmes dépêchés sur place et de la ronde des hélicoptères, le corps carbonisé d’Agnès Marin n’est retrouvé que le vendredi 18 novembre, à trois kilomètres du lycée, selon les indications de Matthieu Moulinas finalement passé aux aveux.

Seize mois avant le meurtre d’Agnès Marin, déjà condamné pour viol

Le lendemain de la disparition d’Agnès, Matthieu Moulinas est placé en garde à vue. Les policiers chargés de l’enquête prennent alors connaissance de son casier judiciaire. Avec stupeur, ils découvrent que le garçon a été condamné à une peine de prison quelque temps plus tôt suite au viol et à l’agression d’une ex-camarade d’école primaire le 1er août 2010. Après seulement quatre mois enfermé dans une maison d’arrêt, il en ressort sous contrôle judiciaire. Et en dépit de son passé inquiétant, le lycée Cévenol accepte tout de même son inscription. « J’aurais été au courant de la nature exacte des faits reprochés à Matthieu, je ne l'aurais pas admis dans mon établissement », se défendra le directeur de l’établissement, Philippe Bauwens.

Si le collège/lycée traversait depuis le début du nouveau millénaire des problèmes financiers, cette affaire terminera de l’achever complètement. Le 11 juillet 2014, l'établissement ferme une dernière fois ses portes, après 76 ans d'existence et l’accueil de 25 000 élèves.

Des promoteurs chinois ont racheté le domaine mais ne sont plus revenus depuis 2 ans.
Des promoteurs chinois ont investi un temps les lieux, à présent déserts. Photo par Nicolas Defay

Prison à perpétuité avec des compagnons de cellules aussi violents que célèbres

Le 28 juin 2013, alors âgé de 19 ans, Matthieu Moulinas est condamné à la réclusion à perpétuité. Le lendemain de cette annonce, les avocates de la défense annoncent faire appel de cette décision. Le 7 février 2014, les parents d'Agnès Marin portent plainte contre l'État pour « faute lourde » afin de faire la lumière sur les responsabilités de chacun et notamment sur les lacunes du suivi judiciaire du meurtrier.

À partir du 29 septembre 2014 et pour une durée de 10 jours, Matthieu Moulinas est rejugé en appel à la cour d'assises des mineurs du Puy-de-Dôme à huis clos. Le 10 octobre 2014, la cour d'assises du Puy-de-Dôme confirme en appel la peine de réclusion criminelle à perpétuité. Le meurtrier purge sa peine dans la maison centrale d’Ensisheim en Alsace, là où sont ou ont été enfermés les pédophiles Michel Fourniret et Christian Van Geloven, et les tueurs en série Émile Louis, Francis Healme, ou encore Guy Georges.

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