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Antenne 4G à Mazeyrat : « J’ai préféré sauver mes bêtes »

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 28/09/2022 à 15:00

Des larmes ce matin dans le Gaec du Coupet, à Mazeyrat d’Allier. L’exploitant Frédéric Salgues a décidé de se séparer de la quasi totalité de son cheptel, victime d’une mortalité accrue depuis l’installation à proximité d’un relais 4G au mois de juin 2021. « À quoi bon regarder mes vaches tomber les unes après les autres sans que rien ne bouge », se résigne-t-il triste et amer.

16 mois. Durant ce laps de temps, une cinquantaine de bêtes sont mortes dans des circonstances inexpliquées. Une production de lait qui s’effondre. Des analyses par dizaines pour inspecter le sol, la nourriture, le lait, le matériel, le bâtiment. Des autopsies des cadavres. Des expertises qui ne trouvent rien et excluent toutes les causes possibles du mal. Seules les ondes de l’antenne 4G implantées à 250 mètres de la ferme échappent aux contrôles.

L’expertise de l'antenne est bien prévue...mais dans six mois

Sont-elles à l’origine du désastre en cours ? Impossible de le savoir sans une investigation approfondie et officielle. Pourtant, au fil des audiences en justice où l’avocat du Gaec a croisé maintes fois le fer avec ceux des opérateurs téléphoniques, la décision d’une expertise avait été mandatée le 23 mai 2022. Pour cela, le relais devait être coupé au plus tard le 23 août pendant deux mois afin de constater un changement ou non du comportement des bêtes.

« Ils ne couperont jamais l’antenne. Ils y vont à coup de massue pour nous détruire moralement, physiquement, financièrement. Nous en avons trop bavé et nous sommes fatigués maintenant ». Frédéric Salgues

Mais au mercredi 17 août, soit 6 jours avant la date tant espérée par les agriculteurs, le Conseil d’État casse l’ordonnance du 23 mai du tribunal administratif de Clermont-Ferrand concernant l’arrêt de l’antenne. Si l’expertise peut encore se faire, ça sera avec les ondes. En début de cette semaine, Frédéric Salgues appelle le Tribunal judiciaire du Puy pour savoir où en est l’enquête sur le sujet. Il apprend, dépité, que l’expertise est prévue...dans six mois.

« Ils jouent avec le temps, sans arrêt et nous n’en pouvons plus, souffle-t-il. Ils m’ont dit qu’ils voulaient missionner un autre vétérinaire et refaire encore des analyses que nous avions déjà faites. Ça suffit. Nous sommes à bout à présent ».

La famille Salgues lors d'une audience au Tribunal judiciaire du Puy-en-Velay.
La famille lors d'une audience au Tribunal judiciaire du Puy-en-Velay. Photo par Nicolas Defay

« Les petits veaux sont terriblement affaiblis et personne n’en veut »

Frédéric Salgues a, ce mercredi 28 septembre, vu partir une première partie de son cheptel. « J’ai trouvé un important négociant qui fait de l’export à l’international, confie-t-il. J’en vends 50 aujourd’hui. Toutes des génisses. La semaine prochaine, il revient pour un autre voyage. »

Il ajoute la gorge serrée : « Au final, je vais garder une petite cinquantaine de bêtes sur mon exploitation qui comptait à la base 200 animaux. Les petits veaux sont terriblement affaiblis et personne n’en veut. On va les garder et on verra bien. Notre troupeau sera composé d’une trentaine de vaches et des veaux restants ». Une autre trentaine de vaches iront à l’abattoir, totalement vides de lait.

« Quand on amène les génisses ailleurs, elles produisent deux fois plus de lait. Dès qu’on les met dans nos prés à Siaugues, elles reprennent vie. Elles redeviennent des vaches normales ». Frédéric Salgues

« Nous n’allons sûrement pas faire plaisir à nos détracteurs aussi facilement »

À la mention d’une victoire des opérateurs téléphoniques Orange, Free, SFR, Bouygues et de l’État (Bruno Le Maire avait lui aussi exigé la casse de l’ordonnance du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et de rejeter ainsi la demande du Gaec du Coupet), Frédéric Salgues serre les poings. « Malgré le fait que nous nous séparons de presque toutes nos bêtes et que nous arrêtons notre production de lait, le Gaec n’est pas mort ! Et il ne le sera pas avant un moment. Nous n’allons sûrement pas faire plaisir à nos détracteurs aussi facilement. »

Il continue : « La liquidation judiciaire n’est pas pour demain et la banque nous suit pleinement là-dessus. Nous allons nous concentrer sur du travail à l’extérieur, faire des cultures, faire autres choses. Le Gaec du Coupet est toujours en vie ! »

Dans la ferme du Gaec du Coupet, à Mazeyrat d'Allier.
Dans la ferme du Gaec du Coupet, à Mazeyrat d'Allier. Photo par Nicolas Defay

« On ne peux pas faire souffrir des bêtes éternellement »

Avec la vente des animaux et d’une partie du matériel, ils pourront rembourser les fournisseurs « extrêmement patients avec nous depuis le début », souligne-t-il. Et en dépit de cette profonde déchirure, Frédéric Salgues nuance les choses. « Au bout d’un moment, il faut être responsable. Je ne sais pas si nous faisons le bon choix. Mais on ne peux pas faire souffrir des bêtes éternellement. J’ai préféré les sauver. Dans ma famille, cette décision a soulagé tout le monde ».

« Ma priorité, c’est ma famille avant tout »

Nathan Salgues, le fils de Frédéric, avait pour projet de reprendre la ferme. « Cette hécatombe l’a logiquement refroidi, partage son père. Cela ne l’a toutefois pas écœuré de la profession et il travaille à présent dans l’exploitation agricole de mon beau-frère. Il va mieux. Ma fille aussi ». Il termine en ces mots : « C’est un vrai coup de poignard d’assister à tout ça surtout après tout ce que nous avons enduré. Mais ma priorité, c’est ma famille avant tout ».

Un soulagement pour les animaux et pour la famille exploitant du Gaec du Coupet.
Un soulagement pour les animaux et pour les exploitants au Gaec du Coupet. Photo par Nicolas Defay