Nouveau barrage de Poutès : l'innovation pour sauver les saumons sauvages

Par Laetitia Dubois lun 23/05/2022 - 17:00 , Mise à jour le 23/05/2022 à 17:00

Le barrage de Poutès était accusé d’avoir accéléré le déclin du saumon sauvage. EDF a dû se résoudre à engager des travaux sur l’un de ses barrages pour sauver le poisson migrateur. Les travaux sont quasiment terminés, le barrage était ouvert au public pour quelques visites guidées exceptionnelles ce samedi 21 mai.

Dans le Haut Allier, les travaux au barrage de Poutès sont maintenant achevés. Depuis fin 2021, le barrage est reconfiguré pour permettre la libre circulation des dernières populations de saumons sauvages pendant trois mois par an tout en maintenant environ 85% de la production d'hydroélectricité.

"En 1991, au pied du barrage, ne restaient que cinq saumons sauvages, il fallait faire quelque chose !", Roberto Epple, Président de SOS Loire Vivante

Un barrage qui devient "transparent"

Le saumon sauvage dans la Loire

Au début du XXe siècle, près de 5.000 saumons étaient capturés chaque année dans la Loire. Moins d’un siècle plus tard, le chiffre ne dépassait pas la centaine.

Pendant des années, le barrage de Poutès, situé non loin du Pont d'Alleyras, était un obstacle quasi infranchissable ; "En 1991, au pied du barrage, ne restaient que cinq saumons sauvages, il fallait faire quelque chose !" explique Roberto Epple, Président de SOS Loire Vivante. Après trois ans de travaux, le barrage hydroélectrique permet désormais aux saumons de continuer leur chemin. Avec le nouvel aménagement, ll'Allier a retrouvé son lit et le saumon migrateur peut circuler librement pour regagner ses frayères. Trois mois dans l’année, le nouveau barrage ouvrira ses vannes pour laisser passer le saumon de l’Atlantique venu se reproduire dans les eaux froides des Gorges de l’Allier, il devient "transparent". En contrepartie, durant cette période, l’ouvrage ne produira pas d’électricité. C’est cette solution qui a été retenue par EDF, les décideurs locaux et les associations environnementales, afin de préserver l’espèce et favoriser sa migration, tout en maintenant une production suffisante d’hydroélectricité : "Mais malgré tout, l'usine de monistrol d'Allier reste le producteur le plus important d'énergies renouvelables en Haute Loire", précise Sylvain Lecuna, délégué territorial pour EDF hydraulique.

Sylvain Lecuna, EDF et Roberto Epple, SOS Loire vivante
Sylvain Lecuna, EDF et Roberto Epple, SOS Loire vivante Photo par Laetitia Dubois

1941
La Compagnie électrique de la Loire et du Centre met en service le barrage de Poutès. Il fait partie de l’aménagement hydroélectrique de Monistrol-d’Allier.

1956
À la suite de la nationalisation des entreprises de production, transport et distribution d’électricité, EDF devient concessionnaire de l’aménagement.

1986
EDF investit dans l’installation de l’un des premiers ascenseurs à poissons de France pour permettre la migration des saumons.

1991
Les associations de défense de l’environnement SOS Loire Vivante et Robin des bois protestent pacifiquement dans l'usine EDF de Monistrol-d’Allier contre le barrage de Poutès qu’ils désignent comme un obstacle à la migration du saumon.

1994
Mise en place d’un moratoire interdisant la pêche au saumon dans le bassin de la Loire et lancement par l’Etat du Plan Loire grandeur nature qui intègre la construction de la plus grande salmoniculture d’Europe (le Conservatoire national du saumon sauvage) à Chanteuges (43) ainsi que le démantèlement des barrages EDF de Maisons-Rouges sur la Vienne et Saint-Etienne du Vigan sur l’Allier.

1998
Le barrage de Saint-Etienne du Vigan situé sur l’Allier en amont de Poutès est détruit. La suppression de Poutès devient alors une option réelle pour les associations.

2002
L’État anticipe la date anniversaire de la concession de Poutès et enclenche le processus de renouvellement.

2004
Les associations de protection de l’environnement lancent une campagne nationale pour le démantèlement de Poutès suite au lancement du processus de renouvellement de concession par l’État.

2006
L’enquête publique de renouvellement obtient un avis favorable sous réserves, alors qu’une étude commanditée par l’État auprès de ses experts recommande la suppression de Poutès. Chaque partie prenante campe sur des positions qui semblent alors inconciliables.

2008
Les élus forment une association de soutien au barrage de Poutès.

2009
La situation bloquée depuis plusieurs années, les premières réflexions autour d’un projet d’aménagement alternatif sont lancées entre tous les acteurs (association, élus, EDF). Les élus manifestent pour le maintien du barrage devant la préfecture du Puy en Velay.

2010
Suite au Grenelle de l’environnement, SOS Loire-Vivante, le WWF, le North Atlantic Salmon Fund (NASF), l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), la fondation Nicolas Hulot, le Comité National de la Pêche Professionnelle en Eau Douce (CONAPPED), les hydroélectriciens, l’Association Nationale des Élus de la Montagne (ANEM) et l’ Association des Maires de France (AMF) signent la « Convention d’engagement pour le développement d’une hydroélectricité durable » en cohérence avec la restauration des milieux aquatiques, incluant une solution d’excellence pour le barrage de Poutès.

6 oct. 2011
La ministre de l’Environnement annonce officiellement la reconfiguration du barrage de Poutès sur les bases du projet proposé. Un consensus est enfin trouvé, marquant la fin du conflit et débutant la phase active de co-construction entre les différents partenaires. Le projet Nouveau Poutès est lancé.

2014
EDF dépose sa demande de renouvellement de concession auprès de l’État. Un modèle physique est construit au laboratoire hydraulique de EDF Lab à Chatou – en région parisienne – afin d’affiner les choix techniques qui permettront la libre circulation des poissons.

2015
Début de l’enquête publique de renouvellement de concession de l’aménagement de Monistrol-d’Allier. L’Enquête publique donne un avis positif. EDF prépare un dossier de demande de travaux pour la construction du Nouveau Poutès.

2017
EDF prend la décision d'entreprendre les travaux de réaménagement du barrage.

2019
Début des travaux qui vont se poursuivre pendant 3 années

2022
Le Nouveau Poutès est terminé

"Auparavant, le barrage faisait 20 m de haut, là il en fera 7. Les poissons s’égaraient dans la retenue qui faisait 3,5 km de long. Avec le nouveau barrage, elle sera réduite à 400 m", Sylvain Lecuna, délégué territorial pour EDF hydraulique.

Un parcours du combattant qui aboutit positivement

Après deux décennies de lutte et d’échanges qui furent parfois houleux entre les différents protagonistes, le projet voit le jour. " Le barrage sera inauguré en septembre, précise Sylvain Lecuna. Auparavant, il faisait 20 m de haut, là il en fera 7 ". La retenue d’eau sera ainsi moins importante : "Les poissons s’égaraient dans la retenue qui faisait 3,5 km de long. Avec le nouveau barrage, elle sera réduite à 400 m", se réjouit le responsable d’EDF.

Carte Vallée de l'Allier - Barrage de Poutès.png
Acheminement de l'eau jusqu'à Monistrol d'Allier Photo par EDF

Le voyage du saumon sauvage

Les poissons qui naissent au creux des rivières du Massif central parcourront en effet 10.000 à 12.000 km dans leur courte existence, d’où leur qualificatif de « migrateur ». Cinq ans environ d’une vie bien remplie, le temps de descendre les 1.000 km de rivière qui les séparent de l’estuaire de la Loire, puis de nager vaillamment jusqu’au Groenland afin de s’y gaver de poissons et de krill… avant de revenir à l’endroit exact où ils sont sortis de l’œuf, pour s’y reproduire à leur tour.

Le Nouveau Poutès est aujourd'hui le symbole d'un compromis trouvé au profit de l'environnement : "Je pense que c'est ça qui est particulièrement intéressant. On peut coopérer même si au début, on a des avis très différents. Ici, on a réussi, on est contents", insiste Roberto Epple. Dix-huit millions d’euros ont été investis dans ce chantier. En contrepartie, l’exploitant a prolongé de cinquante ans son contrat de concession.
"Poutès, c’est l’outil de production d’énergie renouvelable le plus important du département. Grâce à cette solution, nous allons pouvoir préserver 85 % de la production d’énergie, se félicite Sylvain Lacuna. Ce qui représente l’équivalent de la consommation en électricité à l’année de la ville du Puy-en-Velay. "

 

Le saumon : une espèce fragile

Mais les barrages ne sont pas les seuls obstacles au parcours des saumons sauvages : "Le dérèglement du climat pourrait fragiliser encore plus l’espèce", selon un militant présent lors de cette visite. Afin de connaître plus exactement son comportement : "On va équiper les poissons de radio émetteur pour vérifier que tout va bien", précise Sylvain Lecuna. De plus, EDF travaille en collaboration avec de nombreux protagonistes dont le Conservatoire du saumon sauvage à Chanteuges, qui prévient les services d'EDF du moment d'ouverture des vannes, calé sur la période de migration des saumons, à la fin du printemps et à l'automne.

Au début du XXe siècle, près de 5.000 saumons étaient capturés chaque année dans la Loire. Moins d’un siècle plus tard, le chiffre ne dépassait pas la centaine.
Près d'une soixantaine de personnes sont venues visiter le barrage en deux fois ce samedi Photo par Laetitia Dubois

 

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Vos commentaires

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3 commentaires

mi

mer 25/05/2022 - 12:03

oui je suis content : le problème est que d'un côté on veut sauver le saumon et de l'autre côté la LPO protège les cormorans  : ceux ci  vont bien se régaler, les tacons n'auront pas beaucoup de chance .

fr

mar 24/05/2022 - 23:39

contrairement à ce que certains disent parfois, les associations environnementales sont dans leur rôle quand elles s'opposent à des projets destructeurs de la nature. 

Et elles préfèrent être associées dans la négociation pour trouver une solution acceptable, comme dans ce cas avec SOS Loire Vivante

m.

mar 24/05/2022 - 20:40

Avec de la concertation, du dialogue et des gens intelligents ça marche. Merci a tous ceux qui ont travaillé dans ce sens.