Handicapé après un accident de moto : " J'ai eu la chance de ne finir que paraplégique"

Par Ombéline Empeyta Brion , Mise à jour le 02/05/2023 à 11:00

Aloys Chevalier, 20 ans, est paraplégique depuis trois ans suite à un accident de moto. Étudiant en BTS au lycée Simone Weil, ses camarades de Terminale ont organisé, jeudi 27 avril, une journée de sensibilisation aux dangers routiers dans le cadre de leur projet pédagogique. Le but : récolter des fonds pour qu'il puisse changer de fauteuil roulant. Nous l'avons rencontré. INTERVIEW (lien vers sa cagnotte à la fin)

16 juillet 2020. Dix-neuf heures. Aloys, âgé alors de 17 ans à l'époque, rentre comme à son habitude de son entraînement à la salle de sport avec ses amis, au guidon de sa moto. Mais ce soir-là, sa vie va prendre un tournant. Il nous raconte. 

Comment s'est passé l'accident ? 

« C'était un après-midi d'été, j'étais avec mes copains et on allait faire du sport. En rentrant, j'ai pris ma moto 125 et j'ai pris la route pour rentrer chez moi, à la maison. Puis j'ai perdu le contrôle de ma moto et j'ai heurté un mur. Et là, tout s'est enchaîné très vite. J'ai compris rapidement que c'était grave et qu'il fallait agir vite. Je me suis rendu compte que j'avais un poignet cassé avec une fracture ouverte. Rapidement, je me suis rendu compte que j'avais perdu l'usage de mes jambes parce que je n'arrivais plus à bouger et j'avais une énorme douleur au dos. »

Directement, tu as su qu'il y avait quelque chose qui clochait ?  

« Quasiment directement. Mais de là, j'ai vraiment perdu le contrôle de la situation. J'ai voulu appeler ma maman et les pompiers, mais impossible d'attraper mon téléphone dans ma veste à cause de la fracture ouverte. J'étais tout seul sur une route déserte à Usson-en-Forez, la nuit était en train de tomber. Il n'y avait que moi, c'était assez effrayant. Puis j'ai crié de toutes mes forces et par chance, un jeune homme du village sorti fumer une cigarette m'a entendu crier à l'aide. Il est venu en courant. De là, il a appelé les pompiers et ma maman. »

Tu es allé où après ? 

« J'ai été endormi sur le lieu de l'accident parce que j'avais très, très mal, d'énormes douleurs, surtout au dos. Les poignets, ça allait encore. J'ai été héliporté à l'hôpital Nord à Saint-Etienne. Et de là, j'ai passé 48 h endormi et subi trois opérations dans le dos, le poignet droit et le gauche. Deux jours après, je me suis réveillé. »

« J'ai ouvert les yeux et je ne sentais plus mes jambes »

Comment a été le réveil et la prise de conscience de ton état ? 

« J'ai ouvert les yeux et j'ai vu ma mère et ma tante dans la chambre. Ça m'a rassuré de les voir, mais j'avais encore très mal. J'avais le souvenir de l'accident donc je savais que c'était grave. J'étais shooté à la morphine, mais je ne sentais plus mes jambes. Très vite, les médecins sont venus m'expliquer la situation. J'avais la moelle épinière ultra-compressée, qui avait paralysé mes jambes. Ils m'ont annoncé que ça allait être très compliqué de pouvoir remarcher un jour. Ça a été difficile à l'accepter, me dire que je n'allais plus jamais pouvoir marcher. Après, je ne voulais pas non plus me laisser abattre et m'acharner sur mon sort. Je voulais surmonter cette étape pour avancer dans la vie. J'étais encore jeune, j'avais de la force, j'étais plutôt dynamique. Mais je sais que ma vie allait changer. »

Et après, tu as dû faire de la rééducation ? 

« J'étais en soins intensifs quand je suis arrivé et j'y suis resté deux semaines. Par la suite j'ai intégré le service neurologie de l'hôpital Nord jusqu'au 27 août. De là, j'ai été transporté à Bruges, à côté de Bordeaux, dans un centre de rééducation. Il a fallu tout réapprendre. Réapprendre à manger à cause de mes poignets cassés, avec mes plâtres, donc je n'ai plus mangé tout seul. Apprendre à se servir du fauteuil, à vivre avec au quotidien, être autonome, prendre une douche seul ou me faire à manger. Ça n'a pas été simple. »

 

Tu regrettes ta vie d'avant ? 

« Oui et non. À l'époque, j'étais plutôt dynamique, je faisais beaucoup de moto avant et du coup, il a fallu faire des concessions. Ne plus penser motos, motos, motos et voir la vie autrement. J'ai beaucoup grandi suite à mon accident. On se rend compte que la vie est courte et qu'il faut en profiter au maximum. 

« Moi, je pensais que ça n'arrivait qu'aux autres et finalement la réalité m'a rattrapé ».  

Tu comprends que du jour au lendemain ta vie peut basculer. Moi, je pensais que ça n'arrivait qu'aux autres et finalement la réalité m'a rattrapé : ça n'arrive pas qu'aux autres! »

Tu gardes espoir de remarcher un jour ? 

J'ai eu un espoir parce que forcément, en fonction des lésions, certaines personnes peuvent récupérer de la mobilité. Moi, je n'ai pas eu cette chance, certainement parce que la moelle épinière était très compressée. On m'a dit que c'était définitif. Après, on va dire que j'ai la chance d'être jeune et d'être bien. La médecine évolue beaucoup,il y a donc, quand même toujours cet espoir que la médecine évolue, avec l'installation de puce entre le cerveau et la moelle épinière. Mais pour le moment, je sais qu'il faut que je vive avec ça. J'avance. 

Un symbole de résilience

 

Tu as l'air de beaucoup relativiser sur ta situation ?

« J'ai eu cette chance d'avoir toujours été soutenu par mes amis et ma famille que je remercie évidemment d'être là et d'avoir été là pour moi. J'ai perdu mon père dans un accident de moto, cinq ans auparavant. Alors, je me dis que j'ai beaucoup de chance de ne pas y être resté.  

« J'ai la chance d'être en vie et de n'être que paraplégique. »

« Dans le centre de rééducation, l'avantage, c'est qu'on a l'impression d'être au plus bas, mais on voit qu'il y a bien pire que nous. Cela nous permet de relativiser, et de voir la chance que nous avons malgré tout, celle d'être en vie et de n'être que paraplégique. »

 

Tu essayes aujourd'hui de vivre une vie normale ? 

« Oui ! J'ai mon appartement et je vis seul. Je conduis et j'ai ma voiture adaptée. Je vois mes amis, je vais en soirée et au lycée. Je veux être le plus autonome possible. J'ai même repris la moto sur piste. Je voulais reprendre la vie à ma façon, comme je pouvais ».

Tu ne ressens pas trop de discrimination depuis ton accident, dans la vie de tous les jours ou au travail ?

« Je ne l'ai jamais vraiment ressenti. Parfois, quand on passe dans la rue, dans les magasins, il y a des regards qui peuvent être insistants. Mais avec le temps, on apprend à vivre avec et on n'y fait plus attention. Pour le moment, je n'ai pas eu tellement de difficultés à trouver mon stage à cause de mon handicap, j'espère que ça va continuer comme ça. »

Et pour trouver un appartement adapté par exemple, ça a été compliqué ?

« Ça oui, mais par chance, j'ai trouvé un appartement sur le Puy complètement adapté.Cela dépend des villes, mais il est vrai que c'est assez difficile de trouver. Les places sont rares. »

Et ça a un coût aussi, j'imagine ? 

« Je pensais que lorsque nous étions handicapés, tout était pris en charge de base. Mais les fauteuils roulants par exemple,   pris en charge à 100 % par la Sécu ne sont pas très pratiques, ils sont plutôt lourds et difficiles à manier. Un fauteuil comme j'ai aujourd'hui vaut entre cinq et 6 000 € et la prise en charge est plutôt minime. Il y a un gros reste à charge. Aujourd'hui, j'ai beaucoup grandi depuis l'accident, du coup, le fauteuil n'est plus vraiment adapté à mon gabarit. »

Ce mercredi 26 avril 2023, la 6ᵉ Conférence Nationale du Handicap s’est tenue à l’Élysée. Lors de cet événement, le président Emmanuel Macron a dévoilé une série de 70 nouvelles mesures ayant pour but d’améliorer la vie quotidienne des personnes en situation de handicap. Parmi elles : le remboursement intégral des fauteuils roulants, qu'ils soient manuels ou électriques, dès 2024. Actuellement, la Sécurité sociale rembourse au maximum 5 200 euros pour l’achat d’un fauteuil roulant électrique.

Une journée de sensibilisation et une vente de gâteau pour récolter des dons

Les terminales ST2S de Simone Weil ont organisé à l'occasion de cette journée, jeudi 27 avril, une vente de gâteaux à l'initiative de Aloys. L'après-midi, les autres classes de terminale de l'établissement ont participé durant une heure à des ateliers de sensibilisation autour de l'alcool, les stupéfiants et de quiz pédagogiques. Au total, 160 élèves ont pu participer à ces ateliers. 

Parcours d'Ethil de simulation à l'état d'ébriété à Simone Weil. Photo par Ombéline Empeyta Brion

Aujourd'hui, tu sensibilises les jeunes sur les accidents de la route. 

« Je fais partie de l'association Vivre et conduire. Je cherche à sensibiliser pour surtout dire que ça arrive à tout le monde. Tout le monde peut être concerné, qu'on prenne des risques ou pas dans la vie, cela peut arriver du jour au lendemain. Moi, il n'y avait pas de stupéfiants, pas d'alcool. Et pourtant, c'est quand même arrivé. D'où l'importance de sensibiliser là-dessus et de répéter de ne pas prendre le volant quand on boit ou on fume. Vraiment, c'est une de mes priorités. »

Aloys et Maryse Masclaux, présidente de Vivre et Conduire
Aloys et Maryse Masclaux, présidente de Vivre et Conduire Photo par Ombéline Empeyta Brion

Quel est le conseil que tu pourrais donner aux jeunes ? 

« Surtout de faire attention aux autres. Ça peut arriver à tout le monde. Ce n'est pas parce que l'on se sent invincible, que l'on croit connaître son véhicule, que l'on pense le maîtriser que cela ne peut pas arriver. Moi ça m'est arrivé et je le vis bien, mais ce n'est pas la vie que j'aurai rêvé. Maintenant, j'avance, mais je ne souhaite à personne de vivre un accident comme ça ».

Avec la vente de gâteaux, les lycéens ont pu récolter environ 200 euros durant la journée. Pour continuer à récolter des fonds, ils ont aussi ouvert une cagnotte à retrouver ici.

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