Vogue du Puy : '''Je ressens de la tristesse et un désarroi total'''

, Mise à jour le 27/11/2020 à 09:08

« Je peux vous assurer que les poutres métallique sont bien plus lourdes au démontage qu’au montage, image Rudy Bonnet-Gros, patron de Big Apple, une des attractions phares pour les enfants. Je ressens de la tristesse et un désarroi total à vrai dire. Nous sommes des artisans de la fête. Ce qui nous donne de l’énergie, ce sont les sourires et le regard des gens. Aujourd’hui, nous sommes profondément blessés. » Il ajoute : « Notre métier, c’est notre passion. Et nos manèges sont nos bébés. Ne pas les voir tourner est vide de sens. »
Depuis le début de l’année, Rudy Bonnet-Gros n’aura effectué qu’une seule date complète en France en raison du confinement et des restrictions sanitaires.

Casse-tête pour la scolarisation des enfants
« Pour l’instant, je n’ai constitué que 20 % de mon chiffre d’affaire annuel, précise Rudy Bonnet-Gros, habitué à installer son attraction depuis plus de 20 ans à la vogue du Puy. C’est une hécatombe pour payer mes charges. » Camions, carburants, salaires des employés, emplacements des manèges et des caravanes…si l’activité a été amputée de trois semaines au Puy-en-Velay, soit les trois-quarts de l’événement, les frais restent quant à eux bien présents.

À cela se superposent d’énormes soucis logistiques comme la scolarisation des enfants par exemple. « Chaque année est en général la copie conforme de la précédente, décrit l’artisan. Donc, les enfants vont dans les mêmes écoles en fonction de notre programme de déplacement. Pour ma part, j’ai trois garçons dont un qui au CP et un autre en école primaire. Ils sont tous les deux scolarisés à Sainte-Cécile à Vals-prés-le-Puy. Puisque nous faisons partir le manège samedi (31 octobre, Ndlr) et que nous suivons avec les caravanes lundi 2 novembre, nous recevrons une certification de radiation à ce moment-là pour les enlever prématurément de cette école. Nous devrons après les scolariser bien plus tôt que prévu à Joyeuse (Ardèche), lieu de notre résidence ».

Dernière date de l’année : Nice
Pour certains forains comme Rudy Bonnet-Gros, une fois la Vogue du Puy-en-Velay achevée, ils se dirigent d’habitude à Nice pour une dernière date qui durent six semaines. Mais en plus des directives de confinement qui mettent à mal la possibilité d’un tel maintien, l’attentat terroriste survenu jeudi 29 octobre dans la cité niçoise semble anéantir tous les espoirs.
« Après l’attentat du 14 juillet 2016 sur la Promenade des anglais, nous avons pu nous installer au mois de décembre à Nice, se rappelle Rudy Bonnet-Gros. Mais c’était avec des conditions très particulières où il fallait s’équiper à nos frais de tout un arsenal de protection comme des GBA ( bloc profilé en béton armé, Ndlr), de vigiles et d’autres éléments. Alors, j’ai du mal à imager cette édition 2020 envisageable ».


Les statues de la fontaine du Breuil semblent observer le manège que font les forains à démonter...leurs manèges. Photo Nicolas Defay/Zoomdici.fr

Fête foraine interdite, attroupements dans les magasins autorisés
Rudy Bonnet-Gros ne comprend pas pourquoi la fermeture de la fête foraine du Puy a été décidée si hâtivement alors que les gens se ruent dans des lieux clos telles que les grandes surfaces. « Encore une fois, nous avions tout prévu pour contrer le plus efficacement possible la transmission de l’épidémie, insiste-t-il. Il y avait du gel hydroalcoolique à profusion, la police municipale pour le bon port du masque, du désinfectant pour les attractions, les distances de sécurité matérialisées au sol….et tout ça en extérieur. »

Les forains ont été invités à Paris jeudi 29 octobre pour s’exprimer sur leurs incompréhensions et leurs inquiétudes. « Personne ne nous a entendus, regrette-t-il. Notre combat n’était pas de rester forcément ouvert mais celui de bénéficier du même traitement que les parcs d’attractions en France. Le parc Astérix, pour ne citer que lui, est resté ouvert jusqu’au confinement et affichait complet tous les jours ».

Comme un silence assourdissant
Rudy Bonnet-Gros et ses employés mettent environ trois jours pour monter la structure de Big Apple et moins de douze heures pour la désassembler. Lentement, précieusement, ils ôtent chaque os de cet imposant squelette métallique, chaque articulation, chaque ligament pour les ranger dans des caisses sur mesures qu’ils fermeront pour un temps indéfini. Et malgré la concentration de ces hommes et femmes affairés à rendre la place du Breuil esseulée, une drôle d’atmosphère s’installe à la place. Comme un silence assourdissant.

Nicolas Defay

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