Synthétique intercommunautaire : est-ce une chimère ?

mar 13/03/2018 - 17:36 , Mise à jour le 27/11/2020 à 08:51

Depuis des années, plusieurs clubs de football de l'agglomération du Puy exercent un pressing sur les élus dans l'espoir d'obtenir un terrain de foot synthétique qui serait intercommunautaire et donc partagé avec d'autres clubs et financé (en partie) par l'agglo. On peut citer pêle-mêle Arsac, Brives-Charensac, Blavozy, Chadrac, Espaly-Saint-Marcel, Polignac, Saint-Julien-Chapteuil ou encore Saint-Paulien, même si la petite couronne du Puy est davantage pressentie afin de faire participer un maximum de scolaires. Mais les élus savent bien faire tourner le ballon et pour l'instant, aucun de ces clubs n'est parvenue à décrocher une subvention qui lui permettrait de financer un tel projet.
Joint par téléphone, Eric Raveyre, vice-président de la communauté d'agglomération du Puy en charge du sport, a reconnu qu'il y avait bien "un réel besoin", tout en tempérant : "c'est effectivement inscrit dans le projet de territoire mais il n'y a rien d'acté dans l'immédiat, nous avons une forte demande mais aucun choix n'est encore établi". Notons bien que le projet de rénovation du synthétique de Massot, actuellement en lambeaux, est à la charge de la Ville du Puy et n'entraverait en aucun cas ce projet communautaire. 

"S'il n'y a plus d'impôt, il n'y a plus de service"
Si le besoin d'un terrain synthétique est inscrit dans le projet de territoire, aucune garantie pour autant : il s'agit d'un "catalogue de ce qui serait nécessaire de faire", selon la définition du Président Michel Joubert, "soit directement par l'agglo, soit par les communes, avec éventuellement des aides de l'agglo". Mais les nécessités ne manquent pas sur le territoire, selon le chef de l'exécutif de l'agglo, qui tranche : "ce n'est pas un projet prioritaire pour nous".
----"En période de vache grasse peut être..."
Si Michel Joubert concède qu'il "existe une réelle demande", il tempère ce besoin : "il n'est peut être pas si avéré puisqu'aucune commune n'a lancé le projet", faute de moyens. "En période de vache grasse peut être pourrions-nous financer mais aujourd'hui, c'est très compliqué", ajoute-t-il.-----Pour justifier sa position, il rappelle les baisse de dotations de l'État qui vont contraindre la collectivité à revoir son programme, tout en rappelant que l'on demande aux collectivités de réduire leurs dépenses. "Je vous rappelle que notre DGF (ndlr : dotation globale de fonctionnement) a perdu 35 % en trois ans et on n'a plus de recettes fiscales nouvelles avec la suppression de la taxe d'habitation", déclare l'élu, qui travaille depuis plusieurs semaines sur le budget 2018 afin de trouver des postes où faire des économies. "S'il n'y a plus d'impôt, il n'y a plus de service", ironise-t-il.

Des financements... et des orientations politiques
Une complainte que nous pouvons entendre mais qui mérite quelques éclaircissements car la collectivité dispose tout de même d'un budget et ce sont bien les orientations politiques qui permettent à certains projets d'éclore, et d'autres non. Nous citons alors par exemple le projet de Saint-Vidal, qui a suscité une vive polémique lorsque l'agglo a décidé de lui allouer 300 000 euros, pour mettre l'élu en contradiction avec ses propos.
Il s'en défend : "c'est un projet emblématique, novateur, il en faut un, pas deux ou cinq, mais on le finance en espérant qu'en complément du Puy de Lumières, ça fera rester les touristes sur le territoire" (rappelons que faire de la Haute-Loire une terre de destination et non plus une terre de passage demeure le leitmotiv des élus depuis bien des années dans leur stratégie touristique). Autre exemple : l'Atelier des Arts, qui affiche une perte de deux millions d'euros par an, en fonctionnement, ce qui permettrait à titre d'exemple de financer cinq synthétiques.

"Des équipements structurants, ça c'est notre job ! Des terrains de foot, non"
Pour appuyer son propos, l'élu développe : "aujourd'hui, on est dans la recherche de l'efficience et notre objectif, c'est de financer des équipements d'envergure pour l'attractivité des territoires et qui doivent se traduire par une amélioration de l'activité économique derrière", en référence à des événements où l'agglo a mis la main à la poche comme le Puy de Lumières, la venue du Tour de Francela construction de la Vague ou encore la réalisation d'équipements "structurants" comme le CFA de Bains ou l'IUT du Puy, sans oublier le contournement du Puy, "important pour tout le territoire" et pour lequel l'agglo a mis quatre millions d'euros sur la table.
"Ça c'est notre job ! Des terrains de foot, non", insiste-t-il tout en reconnaissant que la collectivité peut éventuellement donner des fonds de concours pour les communes qui portent le projet "mais pour moi, ce sont les équipements stratégiques qui doivent être ciblés". Au prochain conseil, les élus vont présenter le pôle numérique à côté de l'IUT, pour développer les entreprises du numérique. "Là c'est notre rôle. On ne peut pas mettre sur un même plan un terrain de foot à Chaspuzac ou à Saint-Vincent avec un tel projet", image-t-il.

Une différence de coût très relative
Si le coût est souvent la boussole qui oriente la collectivité devant choisir entre une pelouse synthétyique ou naturelle, la différence est en fait infime car si la première est plus chère à l'achat, elle nécessite moins d'entretien par la suite. Selon cette étude de semencemag.fr, datant de 2011, dix ans d’utilisation génèrent un coût moyen de 460.000 € pour la pelouse synthétique et de 250 000 € pour le gazon naturel. Des chiffres à mettre au regard du nombre d’heures moyen d’utilisation annuelle. 
Un gazon naturel s’utilise à hauteur de 450h par an, contre 850h pour une pelouse synthétique… Ce qui permet d’aboutir à un coût total à l’heure d’utilisation pondéré sur dix ans de 55,56 € pour le gazon naturel et de 54,12 € pour la pelouse synthétique. Dans ces conditions, la pelouse synthétique devient rentable quand elle est utilisée quotidiennement 2h30.

----"Et pourquoi ça ne serait pas aux privés de financer les terrains de foot ?"
C'est la question que pose Michel Joubert, en référence aux métropoles de Lyon ou Marseille. "J'aimerais que les grosses entreprises de Haute-Loire le fassent mais elles n'ont peut être pas les moyens, ou en tout cas ça n'est pas dans leurs objectifs", regrette-t-il. "Il est tellement loin des préoccupations des sportifs", regrette-t-on du côté du monde associatif, "nous sommes des clubs amateurs ici, on a besoin de cet équipement, la méto le prouve ne Haute-Loire mais c'est un choix politique".-----Ce n'est pas un, mais dix terrains qui seraient nécessaires
"Un terrain de foot, selon mes informateurs, c'est dans les 500 000 euros", assure le Président de l'agglo (plutôt 400 000 euros selon nos sources). Si la collectivité devait en financer en partie, et non pas en réaliser, à la demande des communes, il faudrait que ces dernières en assument le financement et que ces communes acceptent de le partager avec une dizaine de clubs autour. 
"On ne va pas envoyer les jeunes de Craponne s'entraîner au Puy donc pour bien mailler le territoire, il n'en faudrait pas un mais une dizaine", voire plus avec toutes les équipes du bassin de l'agglo élargie. "Si elles s'y entraînent toutes, il ne tiendra même pas deux ans", prophétise-t-il. 

"Beaucoup de terrains de foot qui ne fonctionnent plus aujourd'hui"
Enfin, si la construction d'un terrain synthétique n'est pas la priorité de l'agglo, force est de constater qu'il s'agit d'un équipement qui permet de créer du lien social et de l'insertion, qui évite aussi le désoeuvrement de certains jeunes qui peuvent aisément basculer dans le vandalisme. Si les adolescent ne peuvent plus s'entraîner de décembre à février, certains arrêtent et peuvent basculer dans la délinquance . "Le territoire de l'agglomération n'est pas non plus privé de terrain de foot", se défend l'élu avant de développer un dernier argument.
On constate qu'il y a "beaucoup de terrains de foot qui se sont fait sur le périmètre de l'agglo et qui ne fonctionnent plus aujourd'hui". D'ailleurs, on assiste à de nombreuses fusions et ententes entre les clubs donc le maillage territorial est suffisant selon l'élu, qui conclut : "regardez, sur mon secteur, il y a une dizaine d'années, il y avait Loudes, Saint-Vidal, Vergezac, Saint-Privat et Saint-Jean-de-Nay. Aujourd'hui, il ne reste que les deux premiers".

Maxime Pitavy

  • Pour approfondir le sujet, deux autres articles :

État des lieux des pelouses synthétiques en Haute-Loire
Zoomdici fera le point dans les jours à venir sur ces structures en Haute-Loire, au nombre de huit aujourd'hui parmi plus de 160 stades. Toutes ces pelouses synthétiques sont implantées dans la première circonscription (Le Puy / Yssingeaux) mais deux autres projets sont en cours dans le département, dont un déjà voté du côté de Vergongheon, dans la deuxième circonscription.


Le synthétique de Massot en lambeaux : bientôt des travaux ?

Inauguré par Sidney Govou en 2009, jonché de trous, le terrain est carrément devenu dangereux pour les joueurs. Une étude est en cours pour le refaire d'ici 2019. Les joueurs l'arpentent de moins en moins car "il y a des lignes blanches qui s'enlèvent et des trous, ce qui représente un danger certain pour la sécurité des joueurs", souligne Christophe Mourier, le responsable des jeunes.
Le terrain n'est plus homologué et l'équipe fanion du Puy va jusqu'à Rosières pour s'entraîner sur une surface synthétique. "Une étude pour refaire la pelouse synthétique est en cours", nous assure l'adjoint aux sports de la mairie du Puy, "on espère pouvoir aller vite pour une mise en service dès 2019".
>> Lire le dossier en cliquant ici.

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