Protéger les enfants des dangers invisibles des réseaux sociaux

Par Nadia MEYER , Mise à jour le 12/11/2025 à 06:00

Temps de lecture : 6 minutes

Sous la pression du numérique, beaucoup de parents sous-estiment encore les risques : cyberharcèlement, systèmes addictifs, exploitation des données personnelles... Comment alors accompagner leurs enfants dans un univers qu’ils n’ont pas connu ?

Dans le cadre de la journée nationale de lutte contre le (cyber-)harcèlement du jeudi 6 novembre, l'association Justice et Partage a organisé le mardi 4 novembre une conférence sur le sujet, au Puy-en-Velay dans la salle Daniel Balavoine de Guitard. C'est ainsi que l'intervenant, Sacha Grossman de l’association e-Enfance, a livré des clés concrètes pour aider les familles à relever ce défi devenu incontournable.

« 37 % des jeunes ont déjà été harcelés ou cyber-harcelés, c’est 5 millions d’enfants qui vont à l’école la boule au ventre », rappelait Samuel Comblez, directeur général adjoint de l’association e-Enfance.

L’objectif était d’offrir aux parents des outils concrets pour comprendre et accompagner leurs enfants dans l’usage des réseaux sociaux.

Ce fut une conférence riche et dense. Parmi la cinquantaine de parents, d'enfants et de professionnels présents, certains avaient annoncé partir avant la fin... tous sont restés jusqu'au bout.

Apprendre à "nager” dans le monde numérique

Apprendre à utiliser les réseaux, c’est comme apprendre à nager. On commence dans le petit bassin, en sécurité, accompagné. Puis on avance vers le grand, là où l’on n’a plus pied, jusqu'à devenir autonome. Les réseaux sociaux, comme l’eau profonde, nécessitent un accompagnement progressif pour éviter la noyade dans un océan d’informations.

Sacha Grossman répond aux questions
Une conférence riche et vivante, en interactions régulières avec le public Photo par Nadia Meyer

Messageries, jeux, plateformes de divertissement… Tous ont un point commun : ils sont gratuits, accessibles à tous et ouverts sur le monde entier. Mais comme le rappelle Sacha Grossman,

« Si c’est gratuit, c’est toi le produit. »

Les plateformes vivent principalement de la publicité ciblée, par la revente des données personnelles de leurs utilisateurs : photos, messages mêmes privés ou éphémères, stories, actions, habitudes, pages suivies, amis... En les utilisant, vous donnez votre accord.

Elles ont donc besoin de l’attention des utilisateurs. Pour la capter, elles exploitent les biais cognitifs et le fonctionnement du cerveau, créant des systèmes addictifs : notifications, défilements infinis, systèmes de récompenses... Sacha alerte : « Ces mécanismes ne laissent rien au hasard. Ils nous rendent littéralement accros. »

Des enfants conscients mais coincés

Grâce au dispositif Phare notamment, les enfants sont aujourd'hui très informés et au courant des dérives et conséquences possibles. Mais ils ne sont pas armés pour y faire face tout en craignant la réaction des adultes qui souvent empirent la situation malgré eux.

Les jeunes ne sont pas naïfs. « Ils savent qu’ils y passent trop de temps. », rapporte Sacha. Certains confient : « J’arrive pas à m’en passer. », « Je ne sais pas quoi faire d’autre. », « J’ai peur de m’ennuyer. ». Le problème n’est pas l’ignorance, mais le manque d’alternatives.

Et la pression sociale est forte :

« Ne pas être sur les réseaux, c’est risquer d’être exclu. », explique l’intervenant.

Les réseaux sont pourtant interdits avant 13 ans en France, et soumis à l’autorisation parentale jusqu'à 15 ans.

Des risques bien réels

Selon le baromètre 2025 de e-Enfance

  • 35 % des jeunes ont été touchés par le harcèlement, dès l’école primaire : + 11 points en seulement un an.
  • 18 % par le cyberharcèlement.
  • 41 % des jeunes cyberharcelés le sont via WhatsApp, dont 25 % sur des groupes WhatsApp de classe.

Cyberharcèlement, grooming (des adultes se faisant passer pour des enfants), doxxing (vol et divulgation de données personnelles), cybercriminalité, fake news, contenus violents, haineux ou inappropriés… les dangers sont multiples.

Conséquences potentielles : violence, anxiété, insomnies, troubles divers (attention, alimentation, sommeil, identité, croissance...), perte de repères, d’empathie, narcissisme, misogynie, déviance sexuelle, addiction, la FOMO, peurs multiples... pouvant amener au pire.

Ces chiffres déclaratifs, donc bien en dessous de la réalité, montrent l’urgence d’une vigilance accrue et d’un accompagnement éclairé. Les parents ont un rôle-clé : comprendre, dialoguer, encadrer.

10 réflexes essentiels pour les parents

  1. S’informer sur les réseaux fréquentés par son enfant et les adapter à son âge (ex. PEGI pour les jeux vidéo)
  2. S’intéresser à ce qu’il y fait, sans juger.
  3. Établir une relation de confiance par le dialogue et l'empathie.
  4. Prendre au sérieux les problèmes qu’il vous confie. Son environnement n'a rien de comparable à ce que vous avez connu.
  5. Préférer le cadre clair et/ou le contrôle parental à l’interdiction.
  6. Faire réaliser le temps passé sur les écrans à l'aide d'applications.
  7. Encourager les pauses régulières lors des jeux vidéo pour faire retomber la pression.
  8. Montrer l’exemple avec sa propre utilisation.
  9. Respecter son intimité.
  10. Trouver un équilibre entre contrôle et liberté.

Sacha proposait un système de tickets pour responsabiliser et autonomiser :

  • 1 ticket = 30 minutes
  • 1 semaine = 10 tickets
  • L’enfant peut les utiliser quand il veut selon des plages horaires définies (4 PAS*)
  • S’il les utilise tous le lundi, il devra attendre la semaine suivante pour récupérer ses tickets.
  • Ils se responsabiliseront ainsi eux-mêmes très rapidement pour mieux en profiter.

Ces chiffres ne sont que pour l’exemple ; ils sont à adapter par chaque famille.

* Retrouvez des outils concrets sélectionnés par e-enfance.

Quelques ressources pour agir

Le réflexe 3018

Numéro et tchat gratuits, anonymes et confidentiels avec psychologues, juristes et experts du numérique.

Pour obtenir de l'aide, signaler, demander le retrait de contenus, sécuriser des preuves...

Victimes, témoins, harceleurs, parents, entourage, ayons le réflexe 3018.

  • À installer sur le téléphone de l’enfant, en évidence et lui en expliquer l'utilité.
  • Laisser hors contrôle parental, en accès libre.

« Le jeu vidéo et le multimédia sont désormais reconnus comme le dixième art. », rappelait Sacha.

Plutôt que de les diaboliser, apprenons à les comprendre et à en explorer les côtés positifs. Et n'oublions pas : l’entourage reste, à ce jour, plus influent que les écrans.

Note : vidéo d'il y a à peine 1 an... Aujourd'hui ce sont plus de 11 enfants par classe de 30 qui sont touchés.

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