Prison ferme pour l'affaire du niqab

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:33

Le prévenu est actuellement en prison, où il purge une peine de quatre mois pour des faits d'outrage et violences sur des personnes dépositaires de l'autorité publique, le tout en récidive. Car le jeune homme n'en est plus à son premier débordement et celui du 30 janvier dernier aura été particulièrement remarqué.
Alors que les policiers demandent à sa femme de retirer son niqab pour procéder à son contrôle d'identité dans la galerie marchande du centre commercial de Vals près Le Puy, le prévenu entre dans un état de fureur et profère insultes et menaces, pointant son poing à plusieurs reprises envers les gardiens de la paix qui essuient au passage quelques crachats. Le tout est confirmé par la vidéosurveillance de la grande surface et finalement par le prévenu à la barre.

"Je vais tous vous fumer [...], je pisse sur la police et sur les lois françaises"
Il ne va cependant pas tout reconnaître d'emblée. Simplement les insultes, pas les menaces. "Quand je suis énervé, je postillonne", se justifie-t-il à propos des crachats. Les dépositions concordantes des quatre policiers assermentés rapportent notamment les propos suivants : "je vais te claquer, [...] je vais tous vous fumer [...], je m'occuperai de vous, regarde bien mon visage, je me souviendrai du tien, [...] je vais te tirer fils de bâtard [...], je m'occuperai de vous" et enfin "je pisse sur la police et sur les lois françaises. Je vous pisse à la raie"... Voilà pour la poésie.
A la barre, le prévenu explique : "on m'avait contrôlé deux jours plus tôt, j'étais énervé". Mais son avocat reconnaît tout de même qu'il est difficile de contester les dépositions de quatre policiers qui sont très concordantes. Notons également qu'il a été retrouvé à son domicile une liste avec les noms et coordonnées de plusieurs policiers qui l'avaient interpellé ces derniers mois. Des velléités de vengeance?

Plusieurs relaxes prononcées
Mais le prévenu était poursuivi pour une pléiade de délits : des violences conjugales, le vol de la voiture de sa femme, de ses pièces d'identité et de ses moyens de paiement, la contrainte du port du voile, l'incitation à la rebellion, l'apologie du terrorisme et enfin d'autres menaces et insultes proférées à l'encontre d'un surveillant de la maison d'arrêt du Puy.
Concernant l'apologie du terrorisme, il a déclaré aux policiers lors d'un contrôle à Saint-Etienne : "il ne faut pas s'étonner qu'il y ait des actes comme ça", trois jours seulement après les attentats terroristes à Paris du 7 janvier. Pour son avocat, "rien ne démontre qu'il y ait un lien avec les actes terroristes et quand bien même, ça n'a rien à voir avec l'apologie. Si l'on dit par exemple qu'il ne faut pas s'étonner qu'il y ait des accidents de la route, on n'en fait pas l'apologie". Après délibérations, le tribunal a suivi la défense et a prononcé la relaxe pour ce délit.
Idem pour l'incitation à la rebellion, lors de l'altercation dans le centre commercial de Vals-près-le-Puy, car les propos qu'il a tenus étaient en arabe et n'ont donc pas été saisis par les policiers. "Faute de preuve, on ne peut pas condamner", appuie l'avocat de la défense, qui rappelle que son client a toujours dit qu'il invitait simplement les passants à poursuivre leur chemin et à ne pas s'arrêter. Là encore, le tribunal a suivi la défense en prononçant la relaxe.

"Ces poursuites sont une offense à sa femme et à son intelligence"
Le prévenu était également poursuivi pour la contrainte du port du niqab, le procureur de la République du Puy-en-Velay, Jacques Louvier estime que c'est "une forte incitation de la part de son mari qui l'injure et la violente régulièrement. Elle n'avait pas le droit de sortir de chez elle donc on peut se demander quelle était sa liberté de porter le niqab ou non. D'ailleurs, depuis qu'elle est séparée du prévenu, elle ne le porte plus". L'avocate de la jeune femme, qui s'est portée partie civile pour les violences subies, considère qu'il ne l'a pas forcé : "elle portait le niqab pour lui, par amour, pour lui faire plaisir, et elle sera prochainement jugée pour ça, mais on ne peut pas nier l'emprise qu'il exerçait sur elle".
Pour la défense en revanche, "ces poursuites sont une offense à sa femme et à son intelligence car on fait fi de ses déclarations, où à quatre reprises elle dit qu'elle le portait librement et sans contrainte. Beaucoup ont manifestement du mal à le comprendre mais elle avait fait des recherches sur Internet et consulté l'avis de divers savants, elle avait aussi lu des livres à ce propos avant de prendre sa décison. C'est un acte réfléchi". Le tribunal a de nouveau suivi la défense et prononcé la relaxe pour ce délit.

"Il n'y a que les montagnes qui ne se croisent pas"
Pour les autres délits en revanche, il a été reconnu coupable. D'abord pour les menaces et outrages envers les quatre policiers ponots, qu'il a presque intégralement reconnus. L'avocate de ces derniers a souligné "leur stoïcisme et leur sang froid", dans cette affaire, où ils ont "respecté le protocole". Elle a demandé 2 000 € de dommages et intérêts pour chacun des policiers outragés avant de rappeler : "les noms et coordonnées des policiers retrouvés à son domicile, je ne crois pas que c'était pour s'excuser... Il voulait simplement mettre ses menaces à exécution".
Quant aux menaces proférées contre un gardien de prison, la défense considère que le délit est caractérisé seulement s'il s'agit d'une menace de délit ou de crime, ce qui n'est pas le cas dans la déclaration retenue : "il n'y a que les montagnes qui ne se croisent pas". La relaxe est donc plaidée alors que pour l'avocate du surveillant pénitencier, une demande 800 € de dommages et intérêts est formulée. Celle-ci déplore au passage la quinzaine d'incidents relevés en moins d'un mois à la maison d'arrêt du Puy, "qui ne veut plus de lui tant il est un élément perturbateur, y compris pour les autres détenus". Elle s'appuie également sur une lettre d'excuse rédigée par le prévenu pour étayer son propos.

Une mâchoire démontée pour leur voyage de noces
Reste enfin le principal délit pour lequel il était poursuivi : les violences habituelles infligées à sa femme. Elle a fini par porter plainte après avoir passé la nuit aux urgences avec une ITT (interruption totale de travail) de huit jours. Selon ses dépositions, le prévenu la frappait régulièrement depuis le début de leur relation, notamment pour leur voyage de noces où elle a cru qu'il lui avait démonté la mâchoire. "Pour moi, ce ne sont pas des violences conjugales", se défend-il face aux magistrats, "je me suis juste défendu, j'ai essayé de la calmer. On a déjà eu des disputes mais je ne l'ai jamais frappée".
Pourtant, aux urgences, outre les blessures qu'il vient de lui infliger, notamment des marques de strangulation, on constate des hématomes précédant ces violences et attestant de violences antérieures. "Je ne frappe pas les gens comme ça, surtout une femme sans défense", déclare-t-il à la cour qui reste dubitative car ses descriptions ne correspondent pas du tout au certificat médical et la victime énonce de nombreux faits, très précis et circonstanciés.

Quand elle regagne son domicile, elle ne trouve que quelques vêtements déchirés
Au moment de plaider, son avocate a évoqué "un cas d'école" en matière de violences conjugales, avec une femme "souffrant de carences affectives" et "totalement sous l'emprise" du prévenu : "il choisissait lui même ses vêtements, ses loisirs, ses fréquentations ou ses sorties". Au moment où elle porte plainte, son mari quitte le territoire pour regagner l'Isère dont il est originaire. Mais il embarque avec lui tous les moyens de paiement de sa femme, ainsi que ses pièces d'identité et sa voiture. Pour le procureur de la République, "ce n'est pas un acte manqué, c'est un moyen de conserver son emprise sur elle".
Quand elle regagne son domicile, elle ne trouve que quelques vêtements déchirés. Il lui aura fallu le soutien d'une association pour se reconstruire. Aujourd'hui, elle ne porte ni le voile, ni le niqab. Elle travaille (elle est encore en période d'essai et n'a pas souhaité s'absenter pour cette audience, "par peur de recroiser le prévenu", assure son avocate), elle a quitté le domicile conjugal et la procédure de divorce est amorcée. Son avocate a demandé une indemnité de 4 000 € pour le préjudice corporel et de 5 000 € pour le préjudice moral.

"On dirait qu'il y a dans ce dossier une circonstance aggravante : celle d'être musulman"
Le procureur de la République, Jacques Louvier, avait requis une peine de trois ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis. Au moment de prendre la parole, l'avocat de la défense s'est offusqué : "à bien écouter le procureur, on dirait qu'il y a dans ce dossier une circonstance aggravante : celle d'être musulman. Il n'y a que trois infractions dans cette affaire, le reste n'est que de l'acharnement du parquet".
Si le tribunal l'a suivi en prononçant la relaxe sur plusieurs délits, pour le vol de sa femme, il a été reconnu coupable, bien que son conseil ait argumenté : "dans la précipitation, il a pris par mégarde tous les papiers de sa femme, qui étaient rangés ensemble comme elle l'a confirmé. Il n'y a donc pas intention de vol". Tentant enfin d'atténuer un peu les violences conjugales, il a demandé au tribunal de prononcer une peine moins disproportionnée que les réquisitions du procureur (trois ans de prison, dont deux ans ferme).

Un an d'emprisonnement dont la moitié avec sursis
Après délibérations et peu avant 20 heures, le jugement a été rendu. Le prévenu a bien été relaxé pour l'incitation à la rebellion, l'apologie du terrorisme et le port forcé du niqab à sa femme. En revanche, il a été reconnu coupable pour les violences habituelles et le vol de sa femme, ainsi que pour les menaces et outrages envers des personnes dépositaires de l'autorité publique.
Il a donc été condamné à une peine d'un an d'emprisonnement dont la moitié est assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans. Il aura l'obligation de travailler et d'indemniser les victimes, ainsi que l'interdiction d'entrer en contact avec son ex-femme et de se rendre en Haute-Loire. Le parquet a décidé de faire appel.
Enfin, les parties civiles ont été jugées recevables. Le prévenu devra indemniser le gardien de prison de la somme de 400 € et chacun des quatre policiers de 500 € pour le préjudice moral. Quant à l'indemnisation de son ex-femme, l'affaire a été renvoyée sur intérêt civil pour en déterminer la somme.

Maxime Pitavy

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