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Discothèques : un bien triste anniversaire
Cela fait aujourd’hui un an que les discothèques sont fermées en France à cause de la pandémie mondiale. Un an de fermeture forcée sans aucun répit pour les boîtes de nuit. Aucune rentrée d’argent qui s'ajoute à un sentiment d'incompréhension et d'injustice, chacun survit comme il le peut, sans pour autant oublier la clientèle.
Le 13 mars 2020, cela nous fait remonter à une époque d’ignorance quant au virus et à ses conséquences, une période inédite puisque le 13 mars fut marqué par la mise en vigueur du premier confinement. Les bars et restaurants languissent des longs mois de fermeture et comptent les sous à la fin de chaque mois. Ces derniers ont eu une trêve estivale leur permettant d’ouvrir sous les beaux jours et de sortir un petit peu la tête de l’eau. Mais les discothèques, elles, subissent un arrêt forcé depuis aujourd’hui un an non-stop.
Le monde de la nuit qui ne voit plus la lumière du jour
Le monde de la nuit reste dans l’ombre, ne voit plus la lumière du jour, est cloîtré dans le noir… Nombreuses sont les formules et métaphores que l’on peut employer pour dire que ce monde des discothèques reste l’oublié de cette crise sanitaire. Aujourd’hui signe le triste anniversaire des un an de fermeture des boîtes de nuit. En effet, on entend beaucoup moins parlé de ce secteur qui est néanmoins majeur dans le paysage culturel national. Les gérants de ces établissements regrettent que rien n’est fait pour leur donner l’espoir de rouvrir un jour. « Le gouvernement communique beaucoup pour rassurer les bars et restaurants, qui souffrent aussi beaucoup il faut le rappeler, mais nous, on a l’impression qu’on nous dit « vous avez vos aides, vous êtes content, maintenant on verra pour vous plus tard », ce qui est aberrant et nous conforte dans ce sentiment d’injustice » déplore Léandre Faure, propriétaire du Métro Club, à Espaly-Saint-Marcel.
Il est vrai que les boîtes de nuit ne sont pas connues pour la distanciation des gens. Cependant, les gérants assurent que des mesures sanitaires peuvent être mises en place, même au sein des boîtes de nuit, comme l’avait démontré Les Cimes, boîte de nuit située à Raucoules, gérée par Jonathan Houriez, par le biais d’une vidéo sur leur page Facebook, montrant ce que pourrait donner une soirée en discothèque sous protocole sanitaire.
Des inégalités qui pèsent lourd sur le moral
Au même titre que les établissements de débit de boisson ou de restauration, les boîtes de nuit ont bien évidemment le droit à des aides de la part de l’État. Mais ces aides réservent aussi leur lot de d’inégalités et d’injustice, selon certains propriétaires. Par exemple, sur la période de janvier à juin 2020, le gérant du Métro indique qu’il a perdu en moyenne 8 000 € chaque mois malgré les aides. Aujourd’hui, il affirme cependant que ces aides se sont stabilisées depuis l’été et qu’il parvient aujourd’hui à ne plus perdre d’argent, faute d’en gagner, grâce aux aides qui couvrent dorénavant ses frais fixes.
« Les gens ne le savent pas forcément mais ces aides ne tombent pas directement dans notre poche », Léandre Faure
Cependant, pour Jonathan Houriez, les aides subviennent à 75 % de ces charges fixes. C’est là qu’une autre inégalité est relevée. « Les aides que l’on reçoit ne sont pas forcément proportionnelles aux différentes sociétés », affirme Jonathan Houriez. « Concrètement, je touche aujourd’hui 6 500 € d’aides par mois. Mais ces 6 500 € d’aides n’ont pas la même valeur pour un gérant qui a une boîte de 200 m² que pour une boîte de 800 m2 » ajoute Léandre Faure. « Je conçois que ces aides soient pour tout le monde, et qu’il faut un cadre, mais c’est vrai que ça manque beaucoup d’équité » déplore Jonathan Houriez. Les aides allouées aux discothèques peuvent aller jusqu’à 15 000 € par mois, tant que cela n’excède pas 20 % du chiffre d’affaire. « Le problème pour nous, c’est que nous nous situons juste entre ces deux seuils », indique Jonathan Houriez. « Les gens ne le savent pas forcément mais ces aides ne tombent pas directement dans notre poche. Il faut savoir que nous avons pleins de frais, que ce soit les loyers, les factures d’électricité ou d’eau… et que ces aides sont là justement pour combler ces frais » informe Léandre Faure.
Une concurrence déloyale qui passe mal
Comme nous le rappelions, les discothèques font partie du seul secteur, culturel, qui n’a pas pu ouvrir ses portes une seule fois depuis maintenant un an. Grosse injustice selon eux à laquelle vient s’ajouter un « acte malhonnête » de la part de certains établissements. « Pendant la période estivale, on a vu des bars faisant un boulot qui n’était pas le leur, en entassant des gens avec de la musique et en se transformant en boîte de nuit. Nous on nous dit de rester fermer en application de la loi, et personne n’est venu faire appliquer la loi dans ces lieux » dénonce Agnès Faure, gérante du complexe du Kripton Club, à Yssingeaux. « Non seulement ils font notre boulot, mais en plus ils le font mal. Moi je pourrai proposer des sandwichs ou des boissons comme un bar, ça me coûterait moins cher, mais ce n’est pas mon boulot. Je laisse la vente à emporter à ceux dont c’est le métier, aux petits restaurateurs qui survivent grâce à ça. Je reste à ma place » défend Jonathan Houriez.
Le prix des boissons en boîte de nuit
Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi les boissons en boîte de nuit sont si chères ? Non il ne s’agit pas d’un caprice de patron de boîte de nuit, plein aux as, comme on peut le voir dans de nombreux films. Cela résulte tout simplement des taxes sur les boissons. Les gérants de boîtes de nuit payent en effet des taxes plus élevées que les gérants de bar.
Les deux gérants pensent également que ces abus auraient fortement influencés sur la deuxième vague de coronavirus. « Nous avons fermés, respectés à la lettre toute les consignes, en prenant sur nous. Les trésoreries sont fortement impactées. Et encore, heureusement que nous avions une trésorerie importante et que les aides nous permettent de rentrer dans nos frais, je pense aux autres discothèques qui ont très peu de trésorerie ou qui viennent de s’installer, on les empêche de travailler c’est aberrant ! » s’exclame Léandre Faure.
Les DJ : ceux qui font vivre le monde de la nuit
Forcément, qui dit boîte de nuit, dit performers et DJ qui viennent mettre l’ambiance propre aux discothèques. Ces derniers sont donc aussi tout naturellement frappés par la crise. Les platines de mixages de boîtes de nuit étaient leur scène et les clients de la boîte, leur public. Au même titre que les autres artistes, les voilà privés de leur métier depuis maintenant un an. Gauthier Lecoq, alias Gotlec, est DJ résident aux Cimes, il indique avoir aujourd’hui perdu 75 % de son salaire. « C’est dur comme pour tout le monde, heureusement je travaille dans un fast-food à côté, mais concrètement, je suis passé de 3 000 € à 1 000 € par mois, ce qui permet de survivre » indique le jeune DJ.
« Je suis passé de 3 000 € à 1 000 € par mois », Gauthier Locoq
Cependant, il reste réaliste et même optimiste « La chance que j’ai par rapport aux patrons de boîte de nuit c’est que je n’ai pas autant de charges qu’eux, je n’ai pas à mettre en jeu mes biens comme c’est le cas malheureusement pour certains » nous dit-il. Ce dernier rappel qu’on ne vit pas forcément de ce métier et qu’il est fait par la passion. La grande majorité ont un autre travail en plus de leur activité artistique.
Des lives pour entretenir le lien avec la clientèle
Les boîtes de nuit ne génèrent plus aucun revenu. « Je ne me verse pas de salaire. J’ai la chance d’être avec ma femme qui travail et qui nous permet de vivre » ajoute Jonathan Houriez. Léandre Faure ne touche également plus d’argent de son « bébé » comme il surnomme affectueusement le Métro. Le complexe du Kripton, à Yssingeaux, regroupe la discothèque ainsi qu’un établissement de restauration qui propose, entre autres, des burgers et des pizzas, présents bien avant la crise sanitaire La crise a alors amené la gérante à développer encore plus les livraisons et les ventes à emporter. « Les revenus générés par la restauration, plus les aides pour la discothèque nous permettent de rejoindre les deux bouts, tout en sachant que les revenus du restaurant ne comblent pas ceux de la boîte de nuit » explique Agnès Faure. En plus de la catégorisation salle de danse et débit de boisson (discothèque), la discothèque Les Cimes possède également la catégorisation débit de boisson et restauration, en d’autres termes, un bar. Et plus précisément un bar de nuit. Cette catégorisation a donc permis aux Cimes de proposer ce service durant la trêve estivale.
« Ce sont des artistes il ne faut pas l’oublier », Jonathan Houriez
Cependant, les discothèques comptent bien faire entendre qu’elles ne sont pas encore mortes et enterrées, et proposent très régulièrement des lives sur leurs pages Facebook. Par exemple, le DJ du Métro propose un mix en live tous les samedis de 21h à 22h, là où d’autres en proposent un peu plus rarement. « Cela a très bien marché au début, aujourd’hui les choses s’essoufflent un peu… On sent que les gens ont besoin de venir en boîte » indique le DJ Gotlec. Quoi qu’il en soit, les DJ et gérants de discothèques sont tous d’accord sur un point : ces lives se font bénévolement et sont là pour les clients. « Cela permet aussi aux DJ d’exprimer leur art, car ce sont des artistes il ne faut pas l’oublier » précise Jonathan Houriez. Ce dernier travaille beaucoup avec Radio Scoop, qui fait beaucoup d'interview des DJ et que de temps de mixage pour ces derniers.
Pour l'occasion de des un an de fermeture, ce samedi 13 mars, les discothèques vont proposer des lives spécifiques. Pas question de fêter ce triste anniversaire, mais bien de se servir de cette date symbolique pour montrer que le monde de la nuit n'est pas mort et que les boîtes de nuit sont bien vivantes. Le DJ des Cimes va proposer un live Facebook samedi à partir de 21h. Concernant le Kripton, ce n'est pas une soirée mais une après midi entière consacrée à une dizaine d'artistes.
Mais ici encore, les discothèques souffrent d’une nouvelle inégalité. Depuis l’automne, les lives de ces DJ sont coupés et supprimés sous prétexte de droit d’auteur. Or, les gérants paient continuellement auprès de la SACEM notamment, les droits d’auteur. « Les DJ jouent ce qu’ils veulent, et je paye toujours généreusement la SACEM » déplore Léandre Faure. C’est également le cas pour Jonathan Houriez et les Cimes. La vérification prenant trop de temps et étant difficile de vérifier vite, la plateforme a ainsi préférer couper les lives, coupant les DJ dans leur élan au beau milieu de leurs prestations.
Un avenir encore trouble
L'avenir du Métro Club
De nombreux bruits de couloirs ont couru au sujet de l’avenir du Métro. Certains disent que le club a fait faillite, d’autres qu’il est en vente. Mais Léandre Faure tient à faire taire les rumeurs. « C’est bien moi le propriétaire, et je compte bien le rester encore longtemps. Je serai bel et bien là pour la réouverture ! » assure-t-il.
Si les rumeurs disent vrai, en corrélation avec ce que semble essayer de dire le Gouvernement, sans en être sûr, un retour progressif à une vie plus normale, avec réouverture des bars et restaurants sous protocole sanitaire, devraient peut-être arriver d’ici la fin du printemps. Un espoir pour Jonathan Houriez. Pour Agnès Faure, « ouvrir en septembre pourrait être bien, d’autant que l’état d’urgence sanitaire est signé jusqu’au 1er juin » indique-t-elle. Pour Léandre Faure, qui est plus pessimiste (ou réaliste ?), une réouverture des discothèques ne semble pas possible avant le début de l’année 2022.
Le DJ Gauthier Lecoq (Gotlec) se pose aussi des questions quant à l’avenir « Si ça se trouve, le métier de DJ ne sera plus d’actualité d’ici un an, les boîtes de nuit vont peut-être devoir réfléchir a une gestion différente… On ne sait pas comment ça va se passer » s’interroge-t-il. Agnès Faure craint quant à elle que les abus et concurrences déloyales observés durant l’été ne se reproduisent si jamais ils ne peuvent pas ouvrir. Quoiqu’il en soit, chacun est dans les starting-blocks et se dit prêt à rouvrir dès que possible.
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