Derrière l’uniforme et les gyrophares, des hommes et des femmes

Par Nicolas Defay , Mise à jour le 13/01/2023 à 12:00

Les pompiers. Un corps de métier pour sauver notre corps à toutes et tous, n’importe où et dans n’importe quelle situation. Du bébé pas encore né aux dernières heures d’une longue existence. Dans le feu, le sang et les pleurs. Ces veilleurs de vie sont aussi des hommes et des femmes, gardant en leurs chairs toutes ces histoires, ces drames et ces sourires.

Sauver des vies. Pas beaucoup de métiers peuvent se targuer de faire ça. Les sapeurs pompiers sont de ceux-là, œuvrant au quotidien, à notre service et quel que soit notre profil, notre religion, notre couleur de peau, notre âge. En Haute-Loire, ils sont 1 700 dont une centaine de professionnels. Au cours de l’année 2022, il a été recensé environ 16 000 interventions des pompiers entre les frontières des terres altiligériennes.

Quand un journaliste décrit un accident, il aligne simplement les éléments que lui donne le chef des pompiers en charge de l’intervention. Les informations sont froides, aiguisées, taillées au carré, formulées pour donner simplement les circonstances et les conséquences. Les lecteurs lisent ensuite ce rapport où chaque mot est pesé pour qu’ils apprennent factuellement ce qu’il s’est passé à ce moment-là, comment et pourquoi.

Par contre, sous cet amas de mots, il y a les pompiers. Ce sont eux qui ont sorti cet enfant inconscient de la carcasse d’une voiture maculée de sang, récupéré ce corps froid et sans vie flottant dans une rivière, massé des minutes durant un cœur éteint pour le rallumer, conduit à toute vitesse une personne avec sa jambe en charpie...Pendant que le journaliste écrit son article et que le lecteur le découvre, le pompier rentre chez lui. Les véritables images dans sa tête. Les cris encore dans son cerveau. L’odeur du feu sur sa peau.

« Pompier, le meilleur métier du monde ? Pour moi qui voulait faire ça depuis tout petit, c’est effectivement le cas ! Du moment que l'on fait un métier qui nous donne le sourire chaque jour, c’est gagné. Je fais ce métier car j’aime les gens, tout simplement ». Rémi Charra

Défier les quatre éléments

« Le métier de pompier a beaucoup évolué au fil du temps, explique Rémi Charra, 32 ans, pompier professionnel au Puy-en-Velay et volontaire dans la caserne de Dunières. Nous faisons beaucoup de secours à la personne, de l’accident de la route à l’assistance toute simple comme le relevage d’une personne âgée par exemple. »

Il précise aussi : « Nous avons beaucoup de spécialités comme les plongeurs, les risques chimiques, le sauvetage déblaiement ou encore comme moi qui suis dans le groupe de reconnaissance et d’intervention en milieu périlleux (Grimp) »

Rémi Charra, l'un de cent pompiers professionnels de la Haute-Loire.
Rémi Charra, l'un de cent pompiers professionnels de la Haute-Loire. Photo par Nicolas Defay

« La vie de caserne a cette faculté de donner une solidarité très forte entre les agents »

La journée d’un pompier d’après Rémi Charra est occupée par de nombreuses séances de sport, de manœuvres d’entraînements, de répétition de gestes de secours mais aussi du contrôle des véhicules et du matériel. Cette journée qui commence à 8 h le matin pour se terminer 24 heures après est alors ponctuée des interventions à l’extérieur. « La vie de caserne a cette faculté de donner une solidarité très forte entre les agents, souligne Rémi Charra. Nous nous encourageons constamment et nous sommes toujours là quand une équipe revient d’une intervention compliquée ».

« L’accouchement avait commencé, là, devant nous, dans un contexte extrêmement défavorable »

À la question de savoir si quelques histoires ont justement marqué Rémi Charra, ce papa de deux petits garçons répond. « Oui. Même si j’essaie de ne plus penser aux situations tristes. Je tente de garder que le positif ».

Mais comme tout humain, il est parfois compliqué  de faire le ménage dans sa tête. « Je me souviens surtout de cette intervention à laquelle deux collègues et moi-même avons été confrontés l’année dernière. Nous partions à l’origine pour un simple malaise d’une femme dans le centre-ville du Puy. Quand nous sommes arrivés, la dame était en fait enceinte de six mois et visiblement avec un accouchement imminent. »

Il continue : « À ce moment-là, nous avons pris conscience de l’urgence de la situation. Nous avons donc tout de suite averti le médecin régulateur pour nous envoyer une équipe du SMUR (Structures Mobiles d'Urgence et de Réanimation). Mais il était trop tard. L’accouchement avait commencé, là, devant nous, dans un contexte extrêmement défavorable ».

« Un papa pompier qui porte un petit blessé dans ses bras pense forcément à ses enfants. En cet instant, il faut mettre de côté sa vie de famille, souffler, serrer les dents et se lancer. Il faut sauver cet enfant en se plongeant uniquement dans les gestes techniques éprouvés ». Rémi Charra

« Le temps qu’on l’extrait, elle tombe alors en arrêt cardio-respiratoire »

Rémi Charra, la voix parfois éraillée par son récit, déroule le reste de cette histoire : « Pour couronner le tout, il est arrivé quelque chose d’improbable. La petite prématurée de 6 mois est sortie encore confinée dans la poche des eaux, accrochée au placenta de sa mère. Ça n’arrive quasiment jamais selon les médecins ! »

Son regard se perd dans son souvenir : « Ça allait trop vite ! Notre cerveau n’est pas programmé pour absorber et analyser tout ça d’un coup ! Mais c’est dans ces moments là qu’on se raccroche à ces gestes que nous avons répété et répété des centaines de fois à la caserne. »

Rémi Charra développe de nouveau : « Nous avons sorti la petite de la poche des eaux. Le temps qu’on l’extrait, elle tombe alors en arrêt cardio-respiratoire. Il faut savoir qu’elle tenait sur la paume d’une main, toute frêle et si fragile. On a penché le bébé en avant, frictionné son dos comme on pouvait. Elle s’est mise à cracher de l’eau et son cœur est aussitôt réparti. C’était juste fou cette intervention ! »

Pourquoi dit-on ?…

Pourquoi appelle-t-on les pompiers, sapeurs pompiers ? Autrefois, les sapeurs étaient des soldats chargés de creuser des sapes, c'est-à-dire des trous dans les fortifications ennemies pour qu'elles s'effondrent. Ils avaient d'autres missions dangereuses comme de faire sauter les ponts ou éteindre des incendies.

« Plus de bruit, plus personne. La retombée a été terrible »

Mais le choc des émotions n’était pas encore terminé. Une fois à l’hôpital, c’est le silence qui a percuté de plein fouet les pompiers. « Au service des urgences pédiatriques, deux médecins ont pris le bébé d’un côté, sa maman de l’autre. Et la porte s’est fermée devant nous. Quelques temps avant, nous étions dans l’ambulance avec cette petite vie que nous avions rallumée, dans une atmosphère saturée d’adrénaline, dans le vif, dans le stress absolu. Et puis d’un coup, mes deux collèges et moi nous sommes retrouvés dans le sas de l’hôpital, seuls, vides, plus rien. Plus de bruit, plus personne. Sans savoir ce qu’il allait advenir des deux victimes ».

Il souffle : « La retombée a été terrible. Le genre de sensation très dure à encaisser ».

Mais comment absorber ce genre de choses ? « La réponse est subjective, lance Rémi Charra. Je suis papa et j’ai donc éprouvé un affect particulier pour cette intervention. Mais une chose est certaine. C’est qu’on peut compter sur les collègues. Ils sont toujours là. Cette solidarité n’a pas de prix. Elle n’a vraiment pas de prix ».

Le corps des pompiers possède également une cellule médico-psychologique composée de médecins, d’infirmiers et de psychologues qui peut être déclenchée tout de suite après une intervention particulière comme celle vécue par Rémi Charra.

« Pompier, le meilleur métier du monde ? Pour moi qui voulait faire ça depuis tout petit, c’est effectivement le cas ! Du moment où on fait un métier qui nous donne le sourire chaque jour, c’est gagné. Je fais ce métier car j’aime les gens, tout simplement ». Rémi Charra

Photo d'illustration. Photo par Archives

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