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Saugues

'''Dans notre rôle de commerçant apparaît aussi celui d’un lien social'''

, Mise à jour le 27/11/2020 à 09:04

Pour entrer dans la boucherie le vendredi matin, jour du marché, on doit faire la queue sur la rue car il est spécifié sur la porte que parmi les nouvelles règles de distanciation sociale, une seule personne est admise dans le magasin. A l’intérieur, le magasin apparait tout à fait identique à la normale si ce n’est que Julien Bonhomme arbore un large masque sur le visage. Le patron, le regard franc, est calme et posé, de ces commerçants qui inspirent immédiatement confiance. L’étal est parfaitement rangé, les prix mis en avant et surtout l’origine locale des produits. Dans la partie gauche d’une vitrine en L , on trouve l'espace réservé aux produits traiteurs. Tout donne envie.

Julien Bonhomme est entré dans la trentaine. Son entreprise aussi est jeune puisqu’il a repris la boucherie de la place Limozin au centre de Saugues en 2014. Six ans c’est presque l’âge de raison pour une entreprise, celui où l’on veut évoluer, mais c’est aussi une phase statistiquement critique.
Les choses n’ont pas vraiment changé mais rien n’est tout à fait pareil
Si on a dû changer des choses ? « Eh bien, réfléchit rapidement Julien Bonhomme, dans nos métiers où on travaille le frais et spécialement en boucherie, les normes sanitaires étaient déjà rigoureuses tant au niveau de la préparation à l’arrière du magasin qu’en amont pour l’achat de la viande. On est donc au point depuis longtemps. Les vitrines et les étals répondent à des critères d’hygiène et de propreté auxquels le client est habitué. Donc de ce point de vue, on n’a pas changé grand-chose. On a juste poussé un peu plus encore le nettoyage, on porte un masque en servant les clients mais on en utilisait déjà en atelier et on change plus souvent de gants. On se lave un peu plus souvent les mains aussi. Mais comme je pense chacun de nous. A la caisse, j’ai fait installer une séparation de plexiglass en même temps que mon voisin le pharmacien qui m’a soufflé que ça serait une bonne chose pour limiter encore plus les risques ».
Le chiffre d’affaire a baissé mais une nouvelle clientèle pour compenser en partie
Le jeune patron nous explique ensuite que depuis le début du confinement, le chiffre d’affaire a baissé surtout parce qu’il n’y a plus de demandes de repas traiteur (repas de mariage, banquet de classe, etc.). Il n’y a plus, non plus, les pèlerins du chemin de Saint-Jacques alors que la saison donnait l’impression de commencer fort. En revanche, la clientèle a évolué. « Je vois des clients que je ne voyais pas avant. Certains clients, comme les femmes avec leurs enfants ou les personnes vraiment isolées, viennent à la boucherie parce que pour eux le supermarché c’est un problème ».
Au-delà, l’accent est mis sur le conseil, ce qu’on ne trouve pas, ou moins, en grande surface. « Et même je vais vous dire, il y en a qui, même s’ils ne prennent pas de grandes quantités, tardent un peu pour discuter, des produits bien sûr, mais aussi d’autres choses. On prend des nouvelles. Oui, c’est sûr, on discute peut-être un peu plus qu’avant, on est un lien social ».

Le manque à gagner, il faut essayer de le compenser par d’autres moyens. « On réfléchissait à se lancer dans la vente en ligne de produits de qualité, ça nous a poussé à passer le pas plus rapidement. Depuis un mois, je fais des colis de viande que j’expédie sur Clermont-Ferrand et ça a l‘air de bien prendre. Les citadins sont en recherche de qualité et d’authentique, c’est incontestable ».
« Nous, on est resté dans notre rôle, mais un grand coup de chapeau aux professions liées à la santé, du médecin jusqu’aux ASH ».
Julien Bonhomme relativise son travail et ses inquiétudes financières que d’autres commerces connaissent décuplées. En boucherie, au moins, les magasins sont restés ouverts. « Il faut espérer qu’après ça, les gens gardent ce réflexe de mieux consommer et nous maintiennent leur confiance. En revanche, les gens qui travaillent à l’hôpital, il faudra leur tirer un véritable coup de chapeau. Nous ce qu’on fait c’est juste notre travail, on n’est pas soumis au danger, il a juste fallu s’adapter, mais eux vraiment ils méritent. Ils ont montré, mais c’est aussi le cas de pleins d’autres professions, que les métiers qu’ils font, c’est plus que d’utilité publique, c’est fondamental ! Ça aura bien mis en valeur les professions de santé mais aussi ceux qui travaillent au ménage et à la propreté. Ça aura montré que ce ne sont pas des sous métiers, loin de là !»

T.C.

Cet article s'inscrit dans notre série de portraits de travailleurs mobilisés mais oubliés pendant cette crise sanitaire.
Ont déjà été publiés :
Face au virus, les agents de sécurité modifient leur activité (21/04/2020) - portrait d'Alain Soleilhac, vigile à intermarché Chadrac.
''On ne sait pas si on aura encore du travail à la fin'' (24/04/2020) - portrait d'Anaëlle Brunet, vendeuse en boulangerie au Puy-en-Velay.

Tous les deux jours, Zoomdici donnera un coup de projecteur à une profession différente.

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