Cani-culture (Episode 3) : « Il va peut-être falloir songer à changer complètement de branche »

Par Macéo Cartal , Mise à jour le 06/08/2022 à 06:00

Dans cette série Cani-culture, nous allons à la rencontre des agriculteurs et éleveurs qui subissent de plein fouet la canicule et la sécheresse. Après les élevages de volailles et porcins, nous nous intéressons à l’élevage bovin ainsi que la culture céréalière avec Lionel Couriol, agriculteur à Saint-Germain-Laprade.

Nous l’avons vu dans les précédents épisodes de cette série Cani-culture, les volailles comme les porcs pâtissent de la sécheresse et des fortes chaleurs qui durent depuis plusieurs semaines. Les bovins aussi sont impactés par cette sécheresse, mais cela est notamment dû à l’état des sols, et donc des cultures. Lionel Couriol est agriculteur Bio à Gagne, sur la commune de Saint-Germain-Laprade. Membre associé de l’EARL de Peynastre, il est éleveur bovin et agriculteur céréalier.

Des sols secs

Sur l’exploitation, 25 % représente la culture céréalière, et le reste est en herbe, notamment pour nourrir les bêtes. Lionel Couriol nous explique que les vaches sont particulièrement impactées par cette chaleur. En effet, comme pour nous, la chaleur coupe l’appétit de ces bovins. « Elles mangent moins, et donc elles font moins de lait. Donc la croissance des petits veaux va être fortement retardée, ce qui fait qu’ils ne vont presque rien peser à l’automne quand il va falloir les vendre […] et c’est d’ailleurs pareil pour les génisses, qui prennent moins de muscles et se développent moins », explique l’agriculteur. 

Le sol est aussi sec que le désert
Le sol est aussi sec que le désert Photo par M.Cartal

Nourrir au fil

Les vaches sont sur une parcelle où l’agriculteur délimite une zone avec du fil électrique. Chaque jour, il agrandit petit à petit la zone pour que les bovins puissent manger en ration.

Par rapport à une année normale, Lionel Couriol enregistre une baisse de plus de 25 % de la récolte d’herbe. « En plus, nous n’avons quasiment pas de deuxième coupe, avec les trèfles », déplore-t-il. L’agriculteur bio explique aussi qu’il avait planté sept hectares du Sorgho du Soudan, utilisé pour le fourrage, qui n’est pas encore sorti. Une situation qui le contraint alors à faire du rationnement, en nourrissant ses bêtes au fil chaque matin. « Je suis obligé de faire ça car sinon elles sont capable de tout manger d’un coup […] puis elles ont de la paille à volonté, mais ça ne nourrit pas », ajoute Lionel. En effet, le sol est sec, très sec, et les cultures qui sont sorties semblent bien maigres pour nourrir ces bovins.

« Ça représente facilement au moins deux heures de travail en plus chaque jour »

Le fourrage

Le fourrage est la plante, ou un mélange de plusieurs plantes utilisé pour l’alimentation des animaux d’élevage.

Pour Lionel Couriol, il n’y a pas véritablement de solution miracle. Pour lui, tout se joue sur une anticipation fortement accrue « Le problème avec cette baisse de récolte, c’est qu’il faudrait non-seulement récolter le fourrage pour l’hiver mais il va falloir aussi le faire pour l’été suivant, pour avoir un maximum de stock ! », expose-t-il.

L’organisation du calendrier se voit alors complètement chamboulée. Il a par exemple dû vendre certaines bêtes au mois de juillet au lieu du mois d’octobre pour anticiper les réformes de printemps. Il est amené donc à devoir engraisser ses génisses en intérieur avec le stock d’herbe de l’année dernière. En automne, il fera des échographies sur les bêtes pour vérifier leur état et si elles sont « pleines », et ainsi prévoir un engraissement dans la foulée dans le cas contraire. 

Là aussi en termes de solution, il n’y a pas vraiment de large choix qui s’offre à notre agriculteur « Je ne me vois pas acheter du fourrage, car je suis loin d’être tout seul dans ce cas. Tout le monde va vouloir en acheter, donc les prix vont énormément augmenter », s’inquiète Lionel Couriol.

Beaucoup (beaucoup) d’eau en moins

Et forcément, qui dit sécheresse dit manque d’eau. Une vache boit environ 80 litres d’eau quand il fait chaud. Jusqu’à présent, Lionel Couriol était indépendant en eau en s’alimentant sur des sources naturelles autour de son exploitation. Aujourd’hui, ces sources sont presque toutes à sec, ce qui oblige alors notre agriculteur à se brancher sur le réseau de la commune de Saint-Germain-Laprade. « L’eau est le principal problème », confie-t-il. Même chose pour les cultures céréalières, même si les récoltes de l’automne dernier n’ont pas été si décevante, la tendance est tout de même à la baisse. « Je ne peux pas arroser, il y a beaucoup trop de surface. Et puis je n’ai pas de retenue d’eau non plus », explique-t-il.

En 25 ans de métier, Lionel Couriol n’avait pas encore rencontré une telle sécheresse. Dû au changement climatique, les fortes chaleurs ne sont pas les seules risques encourus par les agriculteurs. De nouveau phénomènes météorologiques font s’accentuer, comme la grêle, qui a fait beaucoup de dégâts il y a quelques semaines dans le département « J’ai eu deux hectares qui ont été détruits à 95 %, mais il y en a d’autres qui ont quasiment tout perdu », s’inquiète Lionel. Pour le moment, aucune aide n’est encore mise en place, et l’avenir peut paraître incertain. « Si les autres années sont comme celle-ci, je ne sais pas comment ça va faire. Il va peut-être falloir changer de culture, voire même complètement de branche, qui sait », conclut alors Lionel Couriol.

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1 commentaire

lun 08/08/2022 - 13:19

Nos grand-parents utilisés le fil au pacage avant vous, car il n'avaient pas 100 hectares mais 10 au plus , quand je vois le gaspillage de certains, trois vaches dans un pré, elles piétinent l'herbe, les prairies sont mal entretenues.Finalement cette année, les agriculteurs auront compris ce que sait la pénurie... A méditer..