Au pas de l'âne : et si vous retrouviez un peu de lenteur pour les vacances ?

Par JPo , Mise à jour le 18/05/2025 à 12:00

Et si cet été vous choisissiez de ralentir ? Pas de bouchons, pas de files d'attente à l'aéroport, aucun bruit. Juste un sentier, un sac léger et un âne pour compagnon de voyage. En Haute-Loire comme ailleurs, la randonnée avec un âne réinvente des vacances plus lentes, plus sobres, plus vraies. Entre bivouacs rustiques et paysages à couper le souffle, ces vacances pas comme les autres offrent une pause salutaire dans un monde trop pressé. Ça vous tente? Suivez-nous !

Ils braient et se dandinent  lorsque vous pénétrez dans leur enclos, sur les hauteurs de Saint-Jeures. Vous fixent d'un regard mélancolique. Du genre qui en a vu passé des chemins caillouteux et des vies à trimer. Vous observent patiemment, un soupçon d'ironie dans les yeux.  La tête basse et l'oreille fine, ils surveillent, l'air de rien, les premiers jacquaires de l'année qui performent sur le GR 65 et la Via Gebennensis. Ils s'appellent Papillote, Blanchette, Pompon, Vick ou Babar. Ce sont les "ânes des sucs", un troupeau de bestioles dédiées à la  randonnée.  Certains d'entre-vous ne verraient sans doute en eux  que les représentants d'une espèce rustique, têtue et totalement bébête. Mais détrompez vous. Les ânes c'est génial ! Surtout en vacances. Rencontre avec Alain Michel, ânier de son état, à l'occasion du printemps de l'âne. 

" Les ânes des Sucs ", un troupeau de bestioles dédiées à la randonnée Photo par jfp

Alain Michel ou "La passion des grandes oreilles" 

Originaire des monts du Lyonnais, comme il aime à le rappeler, Alain Michel à toujours eu, aussi loin qu'il s'en souvienne " la passion des grandes oreilles" : " je suis issu d'une famille d'agriculteurs. Ma vie, gamin, c'était les travaux des champs avec ma famille". Mais lorsque son père fait le choix de la mécanisation et de la rentabilité dans les années soixante, en investissant dans un tracteur, le jeune Alain lui préfère la compagnie de son grand-père et de ses deux chevaux de trait : " l'ancien, il travaillait comme un artiste. On était loin des gestes répétitifs et pressés de mon père sur son tracteur. Avec lui, on était dans un autre tempo, dans une certaine lenteur qu'on a perdue aujourd'hui. Il fallait, écouter, attendre, sentir les animaux. C'est eux qui imposaient leur rythme à notre travail et à notre journée. A ses côtés, j'ai appris la patience, le respect de la terre et l'amour des animaux". 

" C'était apaisant de le voir brouter

Adulte, Alain Michel s'oriente dans les assurances et s'installe à Yssingeaux, " sur une propriété avec beaucoup de terrain à entretenir". Pas question pour autant de céder aux sirènes de la modernité. Pas de tondeuse ni de débroussailleuse. Des animaux. Rien que des animaux : " j'ai d'abord opté pour des moutons, puis j'ai pris un âne. Je l'ai appelé Kopeck. Il bossait comme un chef. Efficace et discret. Sans bruit. Sans pollution. C'était apaisant de le voir brouter.  Ça me calmait après une journée de boulot. C'était peut être lent, pas toujours nickel, mais accepter que tout ne soit pas toujours propre, laisser pousser un peu plus d'herbe que son voisin c'est pas forcément mal. Bien au contraire". 

" Les brosser, marcher avec eux, les observer, c'est simple mais puissant, on devient philosophe " 

Un deuxième âne rejoint bientôt Kopeck. Alain se prend de passion pour ces animaux au caractère bien trempé : " j'ai beaucoup appris à leur contact. J'ai appris à me poser en adoptant leur rythme, lent, et réfléchi. Les brosser, marcher avec eux, les observer ruminer, c'est simple mais puissant, on devient philosophe.Ils ont vite fait partie de la famille, c'étaient les meilleurs amis de mes enfants. Ils tiraient leurs luges quand ils étaient gamins et je crois qu'ils les ont aidé à grandir sereinement".

Lorsqu'arrive l'âge de la retraite, Alain dispose enfin du temps nécessaire pour tenter de transmettre sa philosophie de la lenteur. Il se retire du côté du Haut-Lignon, s'improvise auto-entrepreneur et prend la tête de sa fine équipe aux grandes oreilles.

L'ânier, Alain Michel Photo par jfp

A bas le turbo, vive le pas de l'âne !

A sa manière, sans jamais le revendiquer, Alain Michel est subversif et militant. A l'heure des autoroutes de l'information, de la sacralisation de la vitesse et de l'hyper rentabilité, il propose un autre modèle. A contre-courant. Avec des mots d'ordre bien à lui : lenteur,  contemplation et proximité avec la nature. Randonner avec un âne , puisque c'est ce qu'il propose désormais, " c'est pas juste une histoire de logistique ou une nouvelle animation touristique". C'est bien plus que cela.

" Apprendre à ralentir, à se reconnecter avec la nature "

C'est une manière nouvelle d'habiter le monde : " Un âne ça marche très lentement. Il ne faut pas compter avancer à plus de 3 kilomètres par heure . Ça permet d'apprendre à ralentir, et donc à regarder autour de soi, à écouter, à sentir, à se reconnecter avec la nature. Son pas s'impose au vôtre. On ne peut pas le presser. On ne peut pas l'obliger. On doit s'ajuster ou renoncer. Et si vous parvenez à vous ajuster, c'est là que vous redécouvrez vraiment ce qu'est la liberté". 

C'est une aventure écologique, respectueuse du vivant. De la mobilité douce en version sabot pour partir à la découverte des chemins ruraux: " Un âne ça mange de l'herbe pas du lithium ou du diesel. Ça tombe jamais en panne et avec lui, sans GPS, vous découvrirez la nature environnante comme vous ne l'avez  vue avant. En plus du Saint-Jaques ou du Stevenson que tout le monde connait, la Haute-Loire, les Cévennes, l'Ardèche ou la Lozère ont développé des itinéraires balisés spécifiquement pour ce type de randonnées en lien avec des éleveurs ou des loueurs d'ânes comme moi. Vous développerez un rapport particulier avec cet animal pendant votre périple, vous en apprendrez beaucoup sur le vivant et l'espèce animale et aurez envie de prendre soin d'eux ".

" Se débarrasser du superflu " 

Et puis la randonnée, façon Alain, c'est une école de la sobriété et de la sagesse : " partir avec un âne, c'est se débarrasser du superflu. On ne prend que l'essentiel, on accepte les imprévus et on apprend à cohabiter avec des bestioles qui nous résistent parfois"

" Ils restent là, à ne rien faire" Photo par jfp

Un animal qui sait dire non mais qu'on peut éduquer 

Effectivement.  Contrairement à d'autres espèces animales , les ânes, eux savent dire non et ne s'en privent pas.  L'ânier dispose de nombreuses anecdotes pour l'illustrer : " lorsque je suis allé chercher mon premier âne, Kopeck, dans une ferme près de chez moi, il ne voulait pas venir et m'a déboité l'épaule. Lorsque je suis allé bosser le lendemain, j'avais le bras en écharpe. J'ai dit à mes collègues que j'étais l'heureux propriétaire d'un équidé, il se sont bien moqué de moi. Par la suite, en hiver, pour faire plaisir à mes gosses, je voulais qu'il tire leur luge. Chaque fois que je m'approchais de lui, il se couchait immédiatement. Ça a du caractère ces bestioles vous savez. Sans prévenir, ils peuvent s'arrêter. Ils réfléchissent, les ânes. Ils se demandent si c'est utile. Si c'est nécéssaire. Si c'est le bon moment, et souvent ils décident que c'est non. Alors ils restent là, à ne rien faire".

​​​​​​​" C'est juste un animal plus prudent, plus intelligent et plus libre " 

Mais heureusement, un âne ça s'éduque : " ça ne se dresse pas comme un cheval, mais ça s'éduque". Et les ânes de randonnée sont  bien éduqués. Aucune inquiétude à avoir pour Alain : " l'âne à mauvaise réputation, c'est vrai. On dit qu'il est têtu. Qu'il est lent. Qu'il est borné. Mais en réalité c'est  juste un animal plus prudent, plus intelligent et plus libre que la moyenne des animaux domestiqués.On ne lui fait pas faire n'importe quoi . Il faut être patient et faire preuve de respect et de constance. Il n'obéit pas aveuglément. Il teste et il observe. Il juge. Et si ce qu'on lui demande ne lui parait pas censé, il ne bougera pas. De manière générale il faut faire preuve de douceur et de coopération et vous obtiendrez tout de lui".

Sauf exception : " si l'âne résiste trop, il est quand même temps d'utiliser les gros moyens. C'est pas compliqué, mais ça peut prendre du temps, il faut s'imposer et ne jamais céder. Pour que Popeck finisse par tirer les luges de mes gosses,ca m'a pris plusieurs heures. Il a fini par céder, mais j' avais perdu ma journée". Il faut juste prendre son temps. 

Prêt à sauter le pas ? C'est par ici

 

 

 

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