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"Nous sommes sous perfusion alimentaire" : la résilience, enjeu brûlant des années futures

Par . . mar 04/10/2022 - 15:30 , Mise à jour le 04/10/2022 à 15:30

Les canicules, la sécheresse, les changements climatiques amènent de nouvelles conditions qui rendent certaines zones actuelles peu à peu inexploitables pour l’agriculture. Face à ce constat, le groupe « Résiliacteurs 43 » veut construire des « îlots de résilience ». Objectif : repenser les modèles d’approvisionnements alimentaires.

D’après le GIEC, 8 % des terres agricoles actuelles deviendront climatiquement inadaptées d’ici 2100, et jusqu’à 30% selon le scénario le plus pessimiste. Les rendements des principales cultures telles que le maïs, le soja, le riz et le blé sont ainsi déjà impactés : selon les estimations, il y a eu une perte de 9 à 10% de la production totale de céréales entre 1981 et 2010.

Fort du bilan de cette étude et des modèles scientifiques qui nous disent que les crises actuelles ne sont pas prêtent de s’arrêter, mais d’être de plus en plus fréquentes et intenses, que le groupe « Résiliacteurs 43 » est né.

« Au menu des emmerdes, nous ne sommes qu’à l'apéro ! »

« Nous sommes sous perfusion alimentaire. On a seulement 2 % d’autonomie alimentaire en France. C’est-à-dire que 98 % de notre alimentation provient de l'étranger. Dans le même temps, 97 % de ce que l'on produit sur notre territoire est envoyé ailleurs ! Il y a des perfusions dans les deux sens. Et s'il y a un problème lors de l'approvisionnement par exemple, cela crée des conflits d'intérêts. On a transformé notre territoire en Ephad à ciel ouvert. On s’est volontairement enlevé notre autonomie », a lancé Stéphane Linou, spécialiste du lien entre approvisionnement alimentaire et sécurité nationale, et intervenant régulier pour le groupe "Résiliacteurs 43".

« L’enjeu ce n’est pas d’être à 100 % autonome, car ce n’est pas envisageable, mais le but, c’est de recréer de filet de sécurité alimentaire par territoire », a analysé le pionnier du mouvement locavore (mouvement qui prône la consommation de nourriture produite dans un rayon restreint autour de son domicile) qui aimerait s’éloigner le plus possible des 2 % actuels d’autonomie alimentaire.

« Pour des raisons de sécurité, il va falloir rediversifer les productions sur nos territoires. L’hyperspécialisation de nos régions et départements; on est arrivé au bout !» a ajouté Stéphane Linou.

L'exemple de la moutarde : le nouvel or jaune

En France 95%, des pots de moutarde de nos supermarchés étaient issus d'importations. Depuis la fin du mois de mai, les Français ont plus de mal à trouver ces pots dans nos magasins. En cause : les épisodes de sécheresse qui ont frappé le Canada, premier exportateur de graines de moutarde brune, et le conflit en Europe de l’Est qui rend impossible l’exportation des graines produites par la Russie et l’Ukraine. 

Alors qu’aucune date ne précise le retour à la normale des livraisons de moutarde, les productions françaises ont doublé pour pallier ce manque. La filière a été relancée et devrait permettre de limiter la casse à court terme. En Bourgogne, par exemple, principal producteur de graines de moutarde sur notre territoire, plus de 6.000 tonnes ont déjà été récoltées au début de l'été, c'est 2.000 de plus que l'année passée.

Dès l'année prochaine, les moutardiers pourraient donc voir leurs besoins être satisfaits à hauteur de 40% grâce aux graines françaises, soit environ 15.000 tonnes. Alors que certaines projections tablaient sur un retour à la normale en 2024, les pots de moutarde pourraient donc être de retour dès le mois de janvier prochain rapporte Luc Vandermaesen, président de l'Association moutarde de Bourgogne dans un entretien avec BFM Business.

À noter, tout de même, que la production française ne suffira pas à assouvir tout le marché.

La formation des élus comme solution

En janvier 2022, Les Résiliacteurs ont organisé la première venue de Stéphane Linou afin de former une vingtaine d’élus. À l’issue de cette formation, deux communes, Lapte et Saint-Germain-Laprade, ont décidé d’inclure le risque de rupture d’approvisionnement alimentaire dans leur Plan Communal de Sauvegarde.

« Enrichir le plan communal de sauvegarde, c’est un dispositif qui existe pour les risques inondation ou encore incendie. L’idée, c’est de l’enrichir avec le risque de rupture d’approvisionnements alimentaire. Une fois qu’on a fait ça, on peut se lister des actions à mettre en place comme par exemple réserver des terrains pour l’agriculture, réserver des terrains partagés, augmenter les stocks à la cantine, mettre en place des ateliers cuisines, enfin tout un tas d’action individuelle et collective qui peut augmenter la résilience alimentaire du territoire », a-t-il expliqué.

En attendant, la sensibilisation aux risques reste un bon moyen de prévenir des plaies actuelles rappelle Stéphane Linou. Distributions de supports papiers sur la résilience alimentaire, performances de rue, diffusion de films, organisations de débats… permettent d’agir et d’informer le monde.