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Les six jours de l’Enduro en Haute-Loire: entre enthousiasme et dégoût

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 27/06/2022 à 06:00

ISDE ou International Six Days Enduro. Tel est l’événement de sport mécanique phare de l’année 2022. 650 enduristes, 34 nations représentées, 1,7 millions de budget, 100 000 personnes attendues entre le 29 août et le 3 septembre. « Ce sont les jeux olympiques en la matière ! », assurent les organisateurs.
Mais aussi 780 000 km cumulés parcourus, 400 tonnes de CO2 relâchées, 600 km de chemins labourés. « Un coup de poignard pour l'écosystème du territoire », s’insurgent les associations de défense de l’environnement.

Lors de la conférence de presse qui s’est tenue vendredi 24 juin dans le théâtre du Puy-en-Velay, deux sujets revenaient régulièrement sur la scène. Les retombées positives des Six jours de l’Enduro et l’environnement.

Organisateurs, élus et partenaires dans le théâtre du Puy pour présenter les ISDE.
Organisateurs, élus et partenaires dans le théâtre du Puy pour présenter les ISDE. Photo par Nicolas Defay

Cette compétition internationale qui a lieu du 29 août au 3 septembre 2022 mais dont l’organisation s’étale en fait sur 10 jours va regrouper 650 enduristes amateurs et professionnels de 34 pays différents, 3 000 personnes pour le staff, 100 000 visiteurs espérés, la création d’un paddock éphémère à Loudes de 70 000m²(point départ de toutes les courses), la création d’un terrain à Loudes également éphémère pour le « Cross Final », la mise en place de 2 000 barrières tout autour, la préparation de 600 km de chemin dans le Gévaudan, le Haut-Allier, l’Emblavez et jusqu’à la Bastide en Lozère (48), la participation de 600 bénévoles.

« Si le budget est d’environ 1,7 millions d’euros, les retombées économique sont estimées à 3,5 millions d’euros ! Ceci sans compter l’apport des visiteurs dans les 100 communes traversées par les compétiteurs ! » Vincent Rigaudias, Président de la ligue AuRa Motocyclisme 

Vroum, vroum...

Les ISDE se déroulent du 29 août au 3 septembre en Haute-Loire.
L'événement est gratuit.
Tous les départs se font à partir du paddock à Loudes.
Samedi 27 août à 20h, défilé des Nations dans la vieille ville + show free style avec Kenny Thomas, présentation des équipes, concert de Motel au Breuil.
Toutes les infos sur le déroulé des ISDE, les parcours, les points forts, sont à retrouver sur ce SITE.
La page Facebook, c'est par .
Instagram, par ICI.

« Nous avons là 13 spéciales sur 13 tracés différents. C’est une première ! »

Fiers, organisateurs et partenaires défendent avec énergie cette 96ème édition des Six jours de l’Enduro.

Sébastien Poirier, Président de la FFM (Fédération française de Motocyclisme), présent en visioconférence partage : « Les ISDE, c’est la Mecque de l’enduro. Et l’édition 2022 en Haute-Loire s’avère être une édition incroyable ! Quand d’habitude il y a un maximum de 11 spéciales qui empruntent souvent plusieurs fois les mêmes parcours, nous avons là 13 spéciales sur 13 tracés différents. C’est une première ! »

Il continue : « L’impact économique sera énorme et les commerçants vont nous remercier ». Il termine en ces mots : « Et pour ce qui est de l’environnement, nous avons appris à le respecter selon les règles en vigueur ».

« L’enduro a été créé dans le Brivadois. De ce fait, l’enduro est dans nos tripes, nos chair, nos gènes et notre histoire. Je n’ai jamais loupé une course d’enduro et je serais bien évidemment présent aux Six jours ». Jean-Pierre Vigier, député de Haute-Loire

Les enduristes effectueront 200 km par jour pendant les 6 jours de la compétition.
Les enduristes effectueront 200 km par jour pendant les 6 jours de la compétition. Photo par DR

« Eux (les enduristes) respectent l'environnement », selon Jean-Pierre Vigier

Parmi les partenaires et élus à la conférence, le député Jean-Pierre Vigier partage un argument qui ferait grincer des dents les associations écologiques. « Ce sont les enduristes qui tracent les chemins et qui évitent leur disparition. Eux respectent l’environnement. Ce sont également eux qui ont préparé les sentiers, mis en place des passerelles au-dessus des cours d’eau, balisés les forêts ».

À ses cotés, Marie-Pierre Vincent, déléguée aux sports au Conseil départemental, ajoute : « Ça demande du travail de respecter l’environnement. Mais vous le faites tellement bien avec tous ces chemins que vous ouvrez ».

« Les minorités qui émettent des critiques sur la tenue de l’événement ne voient pas ce que font les enduristes pour la nature. Ils sont en train de faucher les prés, préparer les sentiers, ouvrir les chemins. Tout ça, dans un respect absolu de l’environnement ». Roland Lonjon, Agglo du Puy

« Nous souhaitons œuvrer dans le dialogue et pas en systématique opposition »

Dominique Gauthier, co-Président du comité ISDE 2022, est conscient de la colère que les associations de défense de l’environnement expriment. « On a beaucoup travaillé avec eux au cours de deux réunions. Je peux vous confirmer que tout s’est bien passé et que nous souhaitons œuvrer dans le dialogue et pas en systématique opposition. »

Il continue : « On va tout faire pour respecter les règles que l’État nous impose, éviter les zones sensibles et les secteurs sujets à l’érosion, faire des ponts au-dessus des rivières, et bien d’autres choses ».

Dans un communiqué, les membres de France Nature Environnement expriment leur désarroi devant autant d'apports financiers confiés par la Région, le Département, l'Agglo du Puy et la Ville ponote, à l’événement des Six jours de l'Enduro.

"Mesdames et Messieurs les élus, arrêtez votre politique de l’autruche !

Nous apprenons avec consternation que, pour permettre l’organisation de l’ « International de l’enduro », avec ses kilomètres de circuits de motos dans une nature préservée, pour partie dans des espaces classés Natura 2000, vous avez voté :

  • une subvention de 150 000 € en tant que membre du Conseil Régional Rhône-Alpes
  • une subvention de 90 000 € en tant que membre du Conseil Départemental de Haute-Loire
  • une subvention de 50 000 € en tant que membre de la Communauté d’Agglomération du Puy-en-Velay
  • une subvention de 10 000 € en tant que membre du Conseil Municipal du Puy-en-Velay.

Alors que :

  • l’énergie fossile devient une denrée rare et de plus en plus chère, particulièrement le pétrole
  • qu’il nous faut réduire impérativement notre consommation de pétrole
  • que le combat contre le changement climatique devient une urgence absolue
  • qu’il nous revient, en tant qu'adultes, de montrer à nos enfants que nous sommes capables de changer nos comportements pour assurer leur avenir

vous faîtes le choix de consacrer l’argent de nos impôts à promouvoir un loisir énergivore, polluant et bruyant, l' « International de l’enduro », dans votre département de Haute-Loire du 29 août au 3 septembre.

Ce faisant, vous affichez :

  • votre aveuglement en ne changeant rien pour préserver l’avenir si menacé de nos enfants
  • votre mépris des engagements nécessaires pour préserver l’environnement
  • votre surdité face aux demandes de ne plus encourager des pratiques discréditées par nombre de nos concitoyens.

Mesdames et Messieurs les élus , quand allez-vous arrêter de soutenir le monde d’avant ?"

20 fois le tour de la Terre

650 enduristes effectuant 200 km par jour, le tout multiplié pendant 6 jours, cela fait un total de 780 000 km parcourus au total. « Soit 20 fois le tour de la Terre à vol d’oiseau ! », se désole un membre de la FNE (France Nature Environnement).

Ce dernier pose la question : « Est-ce que c’est bien raisonnable de pratiquer encore ce sport polluant à notre époque, une époque d’agonie pour notre planète ? Quelles seront les conséquences pour la flore et plus encore pour la faune des mois après le passage de toutes ces motos ? »

Un sportif à moto évoluant en pleine nature.
Un sportif à moto évoluant en pleine nature. Photo par Page Facebook ISDE

50 km de zone Natura 2000 autorisés à être traversés par les compétiteurs

D’après la FNE, un espace de 50 km classé Natura 2000 est concerné par différents tracés de la compétition. « Sur ce sujet, nous travaillons avec l’OFB (Office Français de la Biodiversité) et la DDT (Direction Départementale des Territoire), souligne l’enduriste Dominique Gauthier. Si effectivement il y a des contraintes environnementales à respecter plus ici qu’ailleurs, il n’y a aucune interdiction pour nous de les traverser à moto ».

Il précise aussi : « Nous avons l’appui de l’État. Les agents nous surveillent de près mais ils nous accompagnent pleinement dans le projet. Pour l’instant, nous n’avons reçu aucune contre indication ».

Les organisateurs ont promis de remettre en état tous les chemins après la compétition.
Les organisateurs ont promis de remettre en état tous les chemins après la compétition. Photo par Page Facebook ISDE

400 tonnes de CO2 rejetées dans l'air

Sans connaître la source du chiffre suivant, les organisateurs annoncent que la compétition va générer 400 tonnes de CO2 dans l’air. « Nous avons trouvé une parcelle de 17 000 m² pour planter des pins Laricio de Corse afin de compenser en partie les dégradations faites à l’atmosphère, annonce Dominique Gauthier. Ce projet est amorcé et va se finaliser dans les jours à venir ».

Certains sites comme consoglobe.com ou Myclimate.org comparent 1 tonne de CO² avec des choses qui nous parlent plus.

Selon Myclimate, qui se base sur les données de l'Office Fédéral de l'Environnement de la Confédération Suisse, une tonne de CO² correspond à 3 300 kilomètres en voiture à essence (6 000 km avec une diesel) ou un vol en avion entre Francfort New York ou encore une montgolfière de neuf mètres de diamètre pour un volume de 380 m3.

Pour consoglobe.com et hellocarbo.com, qui rappellent que cette unité de mesure est adoptée mondialement comme unité de référence des plans climats, 1 tonne de CO² est l'équivalent de 500 m3 de gaz ou 380 litres de mazout, 190 allers-retours Paris-Bordeaux en train, la fabrication de 1,8 tonnes de papier (ou 218 341 feuilles de papier), la production de 2 208 litres d'eau en bouteille ou encore l'utilisation d'une box internet pendant 4 années.

« Jamais nous ne laisserons tomber nos bécanes et notre passion »

Quand la FNE et les autres associations vertes insistent pour dire que c’est un sport du passé en totale contradiction avec les changements climatiques à l’œuvre, le passionné répond : « Chacun son point de vue. Nous, nous voulons continuer notre sport. Peut-être que dans un avenir proche tout sera à l’électrique. À ce moment-là, nous utiliserons des engins électriques. Mais jamais nous ne laisserons tomber nos bécanes et notre passion ».

À pleine vitesse juste à coté du lac de Naussac à Langogne.
À pleine vitesse juste à coté du lac de Naussac à Langogne. Photo par DR