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Pour que nos étoiles réapparaissent enfin

Par nicolas@zoomdici.com mar 18/01/2022 - 06:30 , Mise à jour le 19/01/2022 à 12:08

Selon un sondage effectué sur Zoomdici le 14 janvier 2022 concernant la pollution lumineuse, 68 % des participants souhaiteraient l’extinction totale des lumières de villes la nuit. Pourtant, seulement 34 communes sur les 257 que compte la Haute-Loire possèdent le label « Villes et villages étoilés », précieuse distinction qui préserve la qualité du ciel nocturne.

S’allonger dans l’herbe et se laisser happer par l’immensité de la nuit qui s’étire au-dessus. Le premier réflexe ? C’est trouver l’étoile polaire en repérant tout d’abord la Grande Ourse. L’astuce est de reporter la distance du côté de la casserole 5 fois vers le haut. Alpha Ursae Minoris se trouve là, brillante comme un phare au milieu d’un océan d’infinis. Et puis il y a Orion, chasseur de l’hiver, colossal et magnifique, traquant en vain Artémis le Scorpion, caché de l’autre côté de la voûte céleste.

Et si le ciel de printemps est clément, si aucun nuage ne s’invite au spectacle, alors elle apparaît. La Voie lactée. Notre propre Galaxie. L’arche d’une beauté saisissante se dévoile à qui prend encore le temps de se noyer en elle. Elle s’enroule toute fine autour de la constellation de Persée pour se grandir au-dessus du Cygne, de la Lyre et de l’Aigle. En retombant vers le sud, elle drape enfin le Sagittaire, Ophiuchus et le Scorpion, d’un essaim de lumières sans âge. Vision somptueuse et vision effrayante, vision qui nous rappelle à quel point nous sommes si petits sur notre navire bleue, égarés dans cette mer sans limite.

Sondage sur la pollution lumineuse en Haute-Loire

Du 14 au 16 janvier, Zoomdici a publié sur son site une enquête portant sur la nécessité ou pas de " Réduire les éclairages de villes la nuit".
Sur les 1 124 participants :

  • 765 (68%) sont favorables pour "Eteindre toutes les sources de lumières nocturnes à une heure donnée".
  • 247 (22%) sont pour "Les laisser totalement allumées pour la sécurité"
  • 112 (10%)  pencheraient pour "Etablir un roulement, une nuit et non l'autre"

« Le changement le plus radical que les êtres humains ont fait à leur environnement »

Malheureusement, s’évader ainsi parmi les étoiles devient de plus en plus difficile. La pollution lumineuse envahit nos terres et donc notre ciel. Dans les villes très urbanisées, il est presque impossible de distinguer les constellations les plus marquées comme la Grande Ours, Cassiopée ou celle du Lion.

Dans les communes plus rurales, le halo de lumière généré par l’éclairage artificiel des lampadaires, des commerces et zones industrielles détériorent, certes, moins la qualité visuelle nocturne mais empêche de s’abandonner pleinement à cette beauté quotidienne.

D’autre part, cette pollution perturbe profondément la faune et notamment les oiseaux migrateurs. « L'introduction de la lumière artificielle représente probablement le changement le plus radical que les êtres humains ont fait à leur environnement », dira Christopher Kyba, scientifique au Centre allemand pour les géosciences à Postdam.

En France, 2 milliards d'euros sont dépensés annuellement pour l'éclairage public. En 2014, les communes confirmaient à l'Aderne que c'était leur 1er poste d'investissement et qu'il représentait 40% du coût de l'électricité communale. 

« C’est une sacrée aubaine de posséder une nuit noire comme ici »

Devant ce constat que nous subissons presque tous, des municipalités ont décidé de réagir. En France, elles sont actuellement 722 à être labellisées Villes et Villages étoilés de 1 à 5 étoiles. En Haute-Loire, 34 sont en possession de cette brillante distinction sur 257 communes (soit 13%). Sanssac-l’Église a l’immense fierté de brandir ce label avec mention trois étoiles depuis 2 ans maintenant.

« L’ancienne municipalité et moi-même ne faisions pas la course au label, explique Jean-Yves Béraud, maire de la commune. On recherchait à la base un moyen de faire des économies d’énergie. Toutefois, nous étions sensibles à retrouver une certaine qualité nocturne. Sanssac n’est pas connu pour être un laboratoire de la voûte céleste. Il n’y a pas de télescope implanté comme à Saint-Julien-Chapteuil. Il n’empêche que c’est une sacrée aubaine de posséder une nuit noire comme ici ».

Comme 14 communes altiligériennes, Sanssac possède trois étoiles du label.
Comme 14 communes altiligériennes, Sanssac possède trois étoiles du label. Photo par Marjolaine Fournet-Fayard

Villes et Villages étoilés, c'est quoi ?

Pour tout savoir sur ce label, son obtention, la différence entre la 1ère et 5ème étoile, l'évolution nationale des communes lauréates... vous pouvez vous rendre sur le site très complet de l'ANPCEN.

« Il n’y a pas plus de cambriolages qu’avant contrairement à ce que certains redoutaient »

Pour cela, la commune n’y est pas allée de main morte. « De 23 heures à 5h30, tous les lampadaires sont éteints à l’exception de ceux à proximité de la salle socio-culturelle, souligne le maire. Nous avons gardé ce secteur actif car des concerts, du théâtre et des animations y sont organisés. Les passages piétons se devaient être visibles pour la sécurité de tous. Autrement, la commune est plongée dans le noir ».

Il continue : « Les deux seuls commerces que nous avons à Sanssac, à savoir le café et la boulangerie, ne sont pas éclairés la nuit grâce au bon sens de leurs patrons. Et depuis que nous possédons une vraie nuit, il n’y a pas plus de cambriolages qu’avant contrairement à ce que certains redoutaient. Cette initiative a été accueillie majoritairement sans problème par la population ».

Et pour le patrimoine architectural dont les puissants projecteurs sont très souvent orientés de bas en haut, un choix qui met en valeur les édifices mais qui pollue d’autant plus les ténèbres du soir ? « Même traitement que pour les lampadaires, assure Jean-Yves Béraud. Que soit l’église ou le monument aux morts par exemple, il sont éteints à partir de 23 heures. Durant la période de Noël, les illuminations également s’arrêtaient à cette heure. »

« Dans le village, nous voyons bien plus clairement les étoiles à présent. Si vous possédez de simples jumelles, vous multipliez par mille le nombre d’étoiles à vos yeux. C’est magnifique ! Et j’encourage les gens à plus lever la tête au ciel pour constater ce spectacle saisissant que la nuit nous offre constamment ». Jean-Yves Béraud

Un spécialiste en conférence

Alain Mourlevat de l'ANPCEN (Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l'Environnement Nocturnes) sera présent le samedi 22 janvier après-midi à la MPT de Brives-Charensac lors du « Forum des initiatives, trucs et astuces pour le monde de demain » .

« On peut constater l’incroyable évolution des municipalités qui se rallient au mouvement »

Saint-Julien-Chapteuil a été la toute première à s’emparer de ce label étoilé en 2012. Dans sa lignée, 34 autres ont suivi ses traces. « Une a perdu son label récemment, nuance Alain Mourlevat, contact prioritaire de l’ANPCEN en Haute-Loire (Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturnes). Il s’agit de Venteuges. Mais on peut constater l’incroyable évolution des municipalités qui se rallient au mouvement ».

Le label étant remis en jeu tous les 5 ans, son renouvellement est prévu en 2024. « Je suis surpris qu’à chaque édition, les communes labellisées le restent, confie Alain Mourlevat. Et aussi que d’autres l’obtiennent comme cela sera sûrement le cas pour Saint-Pierre-du Champs et trois autres communes de Haute-Loire ».

« Des maires craignent que l’extinction générale des lumières la nuit encourage les incivilités. Mais c’est faux. Les brigands ne volent pas dans le noir complet. D’autre part, quoi de plus voyant qu’une lampe torche allumée dans un lieu sombre ? » Alain Mourlevat

Une étoile

  • Laussonne
  • Sainte-Florine
  • Saint-Romain-Lachamps
  • Lantriac
  • Saint-Maurice-de-Lignon

Deux étoiles

  • Saint-Juien-Chapteuil
  • Allègre
  • Saint-Christophe-sur-Dolaizon
  • Craponne-sur-Arzon
  • Blavozy
  • Chadrac
  • Collat
  • Coubon
  • Domeyrat
  • Goudet
  • Le Monastier-sur-Gazeille
  • Queyrières
  • Saint-Didier-sur-Doulon
  • Saint Ferréol d'Auroure
  • Saint Préjet d'Allier

Trois étoiles

  • Saint-Hostien
  • Saint-Etienne-Lardeyrol
  • Barges
  • Lissac
  • Le Brignon
  • Cayres
  • Chaspinhac
  • Cussac-sur-Loire
  • Polignac
  • Saint-Germain-Laprade
  • Saint-Pierre-Eynac
  • Vielprat
  • Sanssac l’Église
  • et Saint Haon

« L’option d’une baisse de la luminosité plutôt qu’une extinction »

Du côté des timides mais prêts à l’effort, Laurent Barbalat, maire de Loudes, s’engage à moderniser son éclairage public. « Pendant notre campagne électorale, nous avions mis en projet d’obtenir ce label, souligne-t-il. Depuis que je suis maire, j’ai ainsi rencontré le syndicat de l’électrification. Et après avoir discuté avec, je partirais plus sur l’option d’une baisse de la luminosité plutôt qu’une extinction. » Pourquoi ce choix et non l’autre ? « Pour la sécurité des habitants avant tout », lance le maire.

« Le gros problème des lumières nocturnes réside surtout du côté de la zone d’activité de Chaspuzac. Là-bas, il y a de grosses entreprises comme Sabarot, la Librairie Laïque ou la Maroquinerie. L’action de couper leurs éclairages ne peut être décidée que par eux-mêmes ». Laurent Barbalat

Gros budget pour grosse économie

D’après Laurent Barbalat, la mise en place de dispositif à led sur les 350 lampadaires de sa commune permettrait une baisse de 80 % de luminosité entre minuit et 6 heures, créneau horaire envisagé. « On garde donc de la lumière pour la sécurité, on fait un gain économique et on améliore la situation de la faune nocturne et la qualité de la nuit ».

Toujours selon ses données, le coût pour la modernisation de chaque lampadaire serait compris entre 500 et 800 euros (donc un budget de 175 000 à 280 000 euros pour le parc entier). « C’est un gros investissement !, admet le maire. Mais le syndicat de l’énergie participe tout comme l’Europe avec les aides LEADER. En tous cas, quand une lampe actuelle représente un coût de 90 euros d’énergie par an, celui des modèles avec leds ne serait plus que de 15 euros. Une sacrée économie pour la commune ! »

« Le choix des communes d’utiliser des leds pour leurs lumières de ville n’est pas le bon. Peut-être que, effectivement, il y a un gain d’énergie et économique. Mais la lumière émise est en grande partie ultraviolette. Elle est donc très agressive pour la faune mais également pour les humains ». Alain Mourlevat

La pollution lumineuse de l'Europe vue par satellite.
La pollution lumineuse de l'Europe vue par satellite. Photo par DR