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Pollution à Loudes : 570 000 euros de la « Com » d’Agglo pour Sabarot

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 15/12/2022 à 20:30

Plusieurs fois l’épais dossier a terminé sur les tables des tribunaux durant l’année 2022. Qui est le véritable responsable de la pollution à Pralhac ? Les entreprises de la ZA de Combe à Chaspuzac, avec la société Sabarot en premier lieu, ou l'Agglo du Puy ? Rien n’a été défini finalement.

Par contre, la collectivité a cédé. Elle propose 570 000 euros à Sabarot Wassner pour construire sa propre station d’épuration. En contrepartie, l’entreprise renoncerait à tout recours juridiques présents et futurs contre la « Com » d’Agglo.

Peut-être est-ce la fin de ce long bourbier où se débattaient depuis plus d’un an et l’entreprise Sabarot, et la Communauté d’Agglomération, et les habitants de Pralhac et de Fontannes. Depuis le mois d’octobre 2021 et jusqu’à la fin mars 2022, les « Pralhacois » de Loudes ont baigné dans les odeurs nauséabondes d’une pollution organique causée par la saturation d’effluents dans un système d’épuration sous-dimensionné.

D’après les analyses effectuées, les rejets sont composés notamment de l’eau de cuisson issues de l’entreprise Sabarot Wassner, structure installée comme d’autres dans la Zone d’Activité de la Combe côté Chaspuzac.

Des transferts de déchets vite dépassés

D’après la Communauté d’Agglomération et le tout récent protocole d’accord qui est passé ce jeudi 15 décembre 2022 en délibération du Conseil Communautaire, c’est la collectivité elle-même qui « a constaté en août 2021 un risque de saturation de sa station d’épuration (le lagunage de Fontannes, Ndlr). »

Pour éviter un débordement, elle aurait « durant plusieurs mois tenté de trouver des solutions palliatives comme (…) le détournement provisoire des eaux vers sa nouvelle station de Pralhac (Loudes, Ndlr) ». Malgré tout, le dispositif ne s’avère pas à la hauteur de la quantité d’effluents rejetés et est victime de la fameuse pollution organique.

Un marathon judiciaire

Ensuite ? Place aux marteaux des tribunaux. Se rejetant sans cesse la patate chaude par le biais des médias, la société Sabarot et la Com d’Agglo s’engagent alors dans une bataille judiciaire. Le 23 mars 2022, la CAPEV annule l’arrêté du 14 novembre 2019 autorisant l’entreprise de céréales à rejeter ses eaux industrielles dans le réseau communautaire.

Le 4 mai, les deux géants s’expliquent entre les murs de la Cour d’Appel de Riom. Le lendemain, l’ordonnance est rendue et donne raison à Sabarot et son Directeur Antoine Wassner. La justice exige de la collectivité ponote « à mettre en place, en urgence, une solution temporaire, adéquate et palliative de traitement des effluents de la ZA de la Combe afin de renforcer la capacité de traitement du lagunage de Pralhac, notoirement sous-dimensionné ».

Selon le protocole d’accord, l’entreprise Sabarot Wassner a indiqué un préjudice total de 1 499 829 euros généré par un arrêt de sa production entre avril et juin 2022 et la mise en place d’un transfert par camion de ses effluents à la station d’épuration de Chadrac.

Après ce premier camouflet de justice, l’Agglo remonte aussitôt au créneau en faisant appel de cette ordonnance. Mais elle se prend de nouveau un mur le 24 mai 2022 toujours sur les mêmes bancs de la Cour d’Appel de Riom pour « vice de procédure ». Entre temps, le 19 mai 2022, la société Sabarot a saisi le Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand afin que la collectivité soit condamnée à indemniser l’entreprise de la totalité des préjudices renseignés.

Petit retour en arrière...
L'ordonnance rendue le jeudi 5 mai à la Cour d'appel de Riom exige de la collectivité ponote à trouver des solutions rapides et efficaces afin de résorber et contenir la pollution. Pour s’assurer que l’Agglo s’active sur le sujet, elle lui permet un délai d’un mois pour trouver une issue « sous astreinte de 1 000 euros par jour calendaire de retard ».

« Ils avaient un mois entre le 5 mai et le 6 juin pour exécuter les obligations prescrites dans la dernière décision de justice, rappelait Maitre Soleilhac, l’avocat des habitants de Pralhac, de Mauriac et de la Fédération de Pêche Haute-Loire, dans un précédent article. Nous avons encore attendu un mois de plus pour qu’ils aient vraiment le temps de faire ce qu’il fallait. Vu que leurs réalisations sont très éloignées des prescriptions de l’ordonnance, nous allons lancer et déposer au mois de juillet 2022 une procédure qui s’appelle la liquidation d’astreinte ». Elle permet la mise en route des paiements qu’une entité doit s’acquitter en suivant une ordonnance de justice.

"Ce protocole n'impacte pas l'ordonnance pénale rendue"

Zoomdici a alors posé cette question à Maitre Soleihac : Dans l'éventualité d'une signature de ce protocole d'accord entre les deux parties, est-ce que cela annule la décision de justice concernant les 1 000 euros de pénalités quotidien et la liquidation d'astreinte ? "Non !, assure l'avocat. Ce protocole n'impacte pas l'ordonnance pénale rendue. Elle tend plus à prouver qu'à ce jour, ce qui avait été prescrit à la CAPEV n'a pas été réalisé." Il ajoute : "Le juge tranchera prochainement".

Après la guerre des tranchées, la détente

Le mois d’octobre 2022 a, toujours d’après le protocole d’accord, été le mois du dialogue et du compromis. « Pour clôturer définitivement ce litige et prévenir tout litige à venir, les parties se sont rapprochées et ont décider d’engager un processus de médiation. Plusieurs réunions ont été organisées ».

D’après les éléments renseignés sur le projet de délibération du Conseil Communautaire, la construction de la nouvelle station de l’entreprise Sabarot coûterait environ un million d’euros.

570 000 euros contre...

Du côté de l’Agglo, elle accepte d’indemniser la société Sabarot aux titres des préjudices subis en lui versant un chèque de 570 000 euros dans un délais de deux mois. La CAPEV renonce aussi aux sommes qu’elle aurait dû percevoir de Sabarot concernant ses rejets d’effluents dans la station d’épuration de Chadrac.

« Attention ! Rien n’est acté de notre côté ! »

Antoine Wassner, Directeur de la société Sabarot-Wassner, a partagé quelques mots sur le Protocole d’accord étudié durant le Conseil communautaire du 15 décembre 2022 au Puy. « Attention ! Rien n’est acté de notre côté !, prévient-il. Pour l’instant, je refuserai d'apposer ma signature tant que la Communauté d’Agglomération n’a pas plus avancé que ça ».

...la garantie de ne plus être poursuivi par Sabarot

L’entreprise Sabarot, quant à elle, devra « renoncer à tout recours contre la CAPEV (…) et à s’engager à réaliser, à ses frais, une unité de traitement de ses eaux usées dans un délai de 10 mois. Ce système sera autonome et donc totalement déconnecté du réseau public d’assainissement ».

Pour cela, la Com d’Agglo lui offre gracieusement une servitude sur huit terrains afin de construire une canalisation de 500 mètres de long entre sa future station d’épuration et la rivière du Say, lieu de déversement de ses effluents.

"J'interviens après l'énoncé dudit rapport par le vice-président Gobet, et la réaction de M. Barbalat, maire de Loudes. D'abord je souhaite signifier mon soutien et ma compréhension face à la colère de notre collègue. Elle témoigne d'un événement aux lourdes répercussions pour les habitants et pour l'environnement. Mais je suis aussi en colère et dans l'incompréhension. Lors du conseil d'agglomération de juin 2022, je vous posais directement une question en séance sur les faits rapportés relatifs à cette pollution lourde par la presse. Vous n'aviez alors aucune retenue pour dire que toute la responsabilité incombait à la société, que vous n'aviez rien à vous reprocher et que, bien plus encore, la société en cause allait voir ce qu'elle allait voir.

Quelques mois plus tard, je suis subjugué face à ce rapport et à cette somme de 570 000€ issu d'un protocole d'accord dans lequel vous reconnaissez votre responsabilite par conséquence.

Plusieurs questions se posent :

  • quels manquements dans le suivi des zones d'activité ?
  • quels process doit on mettre en œuvre pour ne plus que ça se produise ?
  • cela ne va t il pas créer un précédent pour les futures implantations ?
  • que mettrez vous en place pour les futurs dossiers relatifs au développement économique.

"J'aurais aimé échanger avec le VP en charge de ce dossier, M. Wauquiez, mais il est absent, comme toujours. Le président Joubert affirme alors que M. Wauquiez n'a en charge que le numérique. Or, ceci est faux et d'ailleurs bien apparent sur le site de l'agglomération. Celui-ci est donc absent, comme depuis 2 ans, et ceci malgré son indemnité annuelle de 15 000€".

Photo par Capture écran Com d'Agglo

Et au milieu coule une rivière

Et sur cette rivière navigue un maire. Celui de Loudes. Laurent Barbalat. Ce dernier a tenu en amont du Conseil communautaire à partager son très fort mécontentement quant au dénouement de cette histoire. « Tout se passe dans ma commune et je ne suis au courant de rien ! Sabarot et la Communauté d’Agglomération font leur petite affaire tranquillement sur un grave sujet qui touche directement ma commune et ses habitants ! »

Il continue : « Cet accord, je l’ai appris durant un conseil alors que la servitude accordée à Sabarot pour faire passer ses canalisations traversent sept parcelles à Loudes (et une à Chaspuzac, Ndlr). Certes, elles appartiennent au domaine privé de l’Agglo. Mais la moindre des choses aurait été tout de même de me mettre au courant. »

Il souligne aussi : « Et après tout ce qu’il s’est passé, après tous ce que les villageois de Pralhac ont subi pendant des mois, quelle garantie puis-je leur apporter sur la qualité de l’eau rejetée prochainement par l’entreprise Sabarot dans la rivière du Say ? Que tout ça soit aussi nébuleux n’augure vraiment rien de bon ! » Laurent Barbalat indique qu’il va en ce sens rencontrer les services de la préfecture.

"C'est soit ça, soit on va devant les tribunaux avec le risque de perdre les 1 500 000 euros que réclame l'entreprise Sabarot !" Michel Joubert

"Ce n'est surement pas aux contribuables de payer cette somme !"

Durant le Conseil communautaire, une intense prise de bec s'est passée entre Laurent Barbalat, Maire de Loudes, et Michel Joubert, Président de la Communauté d'Agglomération. Le Maire de Loudes regrette qu'aucune information ne lui ait été partagée par la collectivité.

"Je vous dis une chose, prévient Laurent Barbalat. Aucune goutte d'eau issue de la station d'épuration de Sabarot ne sera déversée dans ma commune ! Aucune !"
Il ajoute : "Je vote bien évidemment contre la subvention de 570 000 euros. Ce n'est surement pas aux contribuables de payer cette somme !"

"La négociation est terminée !, rappelle Michel Joubert. C'est soit ça, soit on va devant les tribunaux avec le risque de perdre les 1 500 000 euros que réclame l'entreprise Sabarot !" Au terme de la délibération, quatre conseillers ont voté contre et onze se sont abstenus sur les 62 personnes présentes. "La majorité est acquise et obtenue", tranche le Président de la Communauté d'Agglomération.