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Cayres

Cayres : attention à la goutte d'eau qui va faire déborder le vase des EHPAD

mar 02/07/2019 - 17:36 , Mise à jour le 27/11/2020 à 08:57

Le malaise couve depuis un moment : en janvier 2018 déjà, Zoomdici faisait état d'une grogne à tous les étages dans les EHPAD de Haute-Loire. Force est de constater qu'un an et demi plus tard, la situation est loin d'avoir un trouvé un dénouement heureux.
Là encore, le constat est partagé par les salariés, la direction et les résidents. Alors qu'une trentaine de manifestants est venue exprimer sa colère devant l'EHPAD de Cayres, nous avons pu rencontrer la directrice du site Isabelle Keirle. Plus que critique, elle partage les doléances des 45 salariés.

----Même pas en jobs d'été ?
"On en trouve péniblement mais vont-ils tenir ?", s'interroge le délégué syndical, "c'est déjà arrivé plusieurs fois que certains venus en remplacement au bout d'une journée ou d'une semaine abandonnent, n'étant pas capables de travailler dans ces conditions".-----De grandes difficultés pour recruter et "parfois des conditions plus attrayantes pour les précaires, au détriment du quotidien des titulaires"
Elle était d'ailleurs mobilisée pour la journée nationale du 1er juillet, mais elle a repris le travail ce mardi. Elle nous accorde un bref entretien où elle reprend de concert les doléances exprimées par les salariés : un travail de moins en moins attractif, même si "on se tire une balle dans le pied à force de dire que c'est un travail dégradant car plus personne ne postule".
Mais le constat est quand même partagé : dans les EHPAD en général et "à Cayres en particulier, on rencontre de très grandes difficultés pour recruter, compte tenu des conditions de travail très difficiles". Résultat des courses : ce sont les personnels déjà présents qui s'épuisent. "Avec un CDI sur Cayres, ils se sentent bloqués, ils ont du mal à trouver des mutations sur l'hôpital car personne ne veut les remplacer", ajoute le délégué syndical CGT Sainte-Marie Bernard Carlier.
Fait nouveau : "même des intérimaires refusent de venir travailler face aux conditions de travail proposées", poursuit-il et comme c'est compliqué de recruter de nouveaux personnels, "on leur propose parfois des conditions plus attrayantes, au détriment du quotidien des salariés qui doivent compenser".

Un taux d'encadrement de 0,8
Idem pour les taux d'encadrement : "on voudrait un taux d'encadrement de un personnel pour un patient", s'accordent Isabelle Keirle et Bernard Carlier, délégué syndical CGT Sainte-Marie, "alors qu'aujourd'hui, on est plutôt sur 0,8, sachant que ça comprend tout personnel confondu, c'est-à-dire aussi les employés administratifs ou techniques". Pourtant, plusieurs manipulations nécessitent la présence de deux personnes pour être faites correctement en ménageant le résident. 

"Ça ne remplace pas des bras et des oreilles"
Pas question de tout critiquer non plus : "il y a des locaux fonctionnels", note le cégétiste, "des améliorations ont été apportées comme les rails de transfert ou la baignoire lit qui va bientôt être mise en place pour soulager les salariés mais c'est une demande de moyens humains supplémentaires qui est demandée".
Même son de cloche chez Isabelle Keirle : "la domotique, c'est très bien, ça apporte plein de choses mais ça ne remplace pas des bras et des oreilles", ce dernier organe mettant en relief tout l'aspect psychologique de la fonction.

Des revenus inférieurs au SMIC
Les rémunérations : c'est le seul champ où la directrice ne s'engage pas, car ce n'est pas de son ressort et elles ne voient pas passer les fiches de paie. Beaucoup sont en-dessous du SMIC et compensés par un différentiel pour l'atteindre. "Certains pensent qu'on est grassement payés, c'est loin d'être le cas", assure Bernard Carlier.
La faute à des grilles FEHAP (Fédération des Établissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne privés non lucratifs) tellement basses que "ça tire tout le monde vers le bas".

----En 2017, en France, l’espérance de vie était de 78,4 ans pour les hommes, 84,8 ans pour les femmes. L’INSEE projette un allongement continu de l’espérance de vie d’ici à 2060. Cette année-là, elle devrait être de 86 ans pour les hommes et 91,1 ans pour les femmes. Le nombre des plus de 85 ans passera de 1,4 million aujourd’hui à 5 millions en 2060 (chiffres du Ministère des Solidarités et de la Santé).-----"On la cherche encore la porte où il faut frapper pour être entendus"
La dépendance est pourtant un secteur d'avenir (voir encadré), alors comment expliquer tant d'immobilisme ? "On la cherche encore la porte où il faut frapper pour être entendus", déplore la directrice ; "tout le monde se renvoie la balle, en haut lieu, car ils n'ont pas conscience de ce qu'est le travail en EHPAD", surenchérit le cégétiste, "et on entend que dans la santé, il faut encore faire des économies...".
Car c'est bien là que le bât blesse : au niveau des bourses, comme souvent. Pour l'instant, c'est le résident qui paye majoritairement (environ 50 %), puis l'État (environ 40 %) et enfin le Département (environ 10 %), qui sous l'impulsion de Gérard Roche, a fait des efforts pour tenter de diminuer le reste à charge du résident.

Un coût journée insupportable pour les résidents et leurs familles
Malgré ces aides, le coût à la journée, en pension complète, est tout de même de 62 € par jour à Cayres par exemple. Quand on sait que la retraite moyenne est de 883 € mensuels en Haute-Loire, on comprend vite que cette responsabilité incombe aux enfants, qui sont souvent à ce moment de leur vie pris en étau entre un crédit immobilier et les études de leurs propres enfants... des situations de plus en plus préoccupantes qui virent parfois au "suicide économique".

> Lire aussi : Yvette, ses yeux gris-noisettes et son sourire apaisant, pensionnaire à la Villa Marie en septembre 2016

Des résidents de plus en plus dépendants

Il faut dire que le degré de dépendance est de plus en plus important chez les résidents qui souhaitent rester à domicile le plus longtemps possible. Quand ils intègrent les EHPAD, souvent, ils souffrent de pathologies importantes et "ils restent de moins en moins longtemps entre nos murs", témoigne la directrice du site de Cayres, soit environ deux ans selon les moyennes nationales.
"On rencontre aussi des problèmes avec des patients présentant parfois des problèmes psychiatriques mais qui sont refusés dans les autres EHPAD et qui se retrouvent ici, sans moyen supplémentaire", dénonce Bernard Carlier. Heureusement, une structure dédiée sera bientôt proposée au Puy, comme l'avait révélé en exclusivité Zoomdici avec l'établissement Marie Pia.

C'est justement l'association Sainte-Marie qui est gestionnaire de la Villa Marie EHPAD de Cayres. La directrice Valérie Mourier a été sollicitiée, elle n'a pas souhaité réagir.

Maxime Pitavy