Reprise : '''Les salariés sont de la chair à pognon'''

, Mise à jour le 27/11/2020 à 09:04

Vous le constatez probablement par vous-mêmes : les routes sont bien plus fréquentées de nos jours que pendant les trois premières semaines de confinement. Peut-être avez-vous même repris le travail. Pourtant, votre emploi est-il “essentiel à la vie de la Nation” ? “Je ne suis pas sûr que fabriquer des sacs à main de luxe ou des pneus pour des mines à ciel ouvert à l'autre bout du monde soit une absolue nécessité”, fait remarquer le secrétaire départemental Cgt ce vendredi 17 avril. Pour Pierre Marsein, cette reprise d'activité n'a d'autre but que la recherche du profit. “Les salariés sont de la chair à pognon, mais nos vies valent plus que leurs profits!” lance-t-il.

S'il reconnaît de lui-même que tous les patrons ne sont “pas des assassins potentiels” et que certains cherchent vraiment des avanceées positives, il déplore le manque de protection des salariés, au plan sanitaire mais surtout au plan social. “La loi d'urgence sanitaire a surtout été mise en place pour casser le droit du travail”, s'insurge-t-il.

Libérer les parents
Ainsi, ce n'est pas que le patronat qui est à blâmer pour Pierre Marsein mais aussi le Gouvernement actuel qui lui ouvrirait la voie. “Déconfiner en premier lieu les crèches, les écoles et l'enseignement secondaire c'est un message clair au patronat pour libérer les parents de la garde de leurs enfants pour qu'ils retournent au travail”, tempête-t-il. D'autant qu'il lui semble complètement irréaliste d'espérer faire respecter les gestes barrières par les plus petits. Il aurait mieux compris que les étudiants reprennent, au lieu d'attendre septembre, car ce sont les plus matures pour appliquer les règles de sécurité [l'argument inverse veut que les étudiants effectuent de plus longs trajets et propageraient d'autant le virus sur le territoire].

La Cgt appelle donc les salariés à être méfiants pour que seules les activités essentielles reprennent. Sauf que ce n'est pas évident. Retrouver un revenu complet est parfois crucial pour certains. Pour les autres, refuser de retourner au travail équivaudrait à un abandon de poste avec le risque d'être licencié. Le droit de retrait, lui, n'est reconnu qu'en cas de situation dangereuse grave et imminente. “Dans le cas du Covid, la gravité ne fait guère de doute mais le caractère imminent du danger n'est pas évident à prouver”, relativise Pierre Marsein. Quant à la grève, elle semble compliquée à mettre en oeuvre. Non seulement, elle induit une perte de salaire mais, pour qu'elle ait une chance de porter ses fruits, il faut qu'elle soit massivement suivie. “Si on a besoin, on appellera à la grève mais l'idée n'est pas là”, modère le cégétiste.

Pas de primes mais des hausses de salaires
“Les salariés qui s'opposent risquent des sanctions disciplinaires parfois abusives”, constate le syndicaliste qui évoque le cas de cet inspecteur du travail de la Marne qui a été suspendu ce mercredi 15 avril pour avoir constaté des manquements à la sécurité des personnels dans une structure d'aide à domicile dont certains avaient contracté le virus. Non, pour l'instant, aucun groupe de salariés ne s'est organisé pour refuser de reprendre le travail en Haute-Loire, à la connaissance de la Cgt.

Quant à ceux qui n'ont jamais cessé le travail car leur activité est essentielle à la Nation, ce sont, pour la plupart, des petites mains à bas salaires et temps partiels subis ou des agents des services publics. La Cgt demande une hausse des salaires et non des primes comme celles promises par le Gouvernement aux soignants. “Ce n'est pas du tout la demande des soignants mobilisés depuis un an”, rappelle Pierre Marsein qui souligne que le point d'indice est gelé depuis dix ans. “En plus, ces primes sont assimilées à des primes de risque, c'est très grave, détaille-t-il car les soignants ne recevront pas la même somme selon qu'ils exercent dans un département très touché ou non, s'ils font partie d'un service ayant accueilli des malades du Covid… bref on donne des primes à quelques uns au contact du virus.”

Une cagnotte Leetchi symptomatique des manquements de l'Etat
Outre les soignants, il y a les stagiaires de l’Institut de Formation en Soins Infirmiers et de l’Institut de Formation d’Aides-Soignants du Puy-en-velay qui interviennent en renfort dans les établissements de santé du département depuis quelque temps. “Apparemment ça doit évoluer mais jusqu'ici ils ne sont indemnisés que 50 euros par semaine pour un temps plein de soignant”, proteste le syndicaliste.

L'élan de générosité de certains ne doit pas palier les manquements de l'Etat pour le reponsable Cgt. C'est d'autant plus criant avec la cagnotte Leetchi pour l'hôpital Emile Roux du Puy. “Je ne critique pas les gens qui l'ont mise en place ou ceux qui ont fait des dons, mais c'est scandaleux que l'hôpital référence dans notre département en soit réduit à faire appel à la charité, comme au Moyen Âge”.

Pendant cette crise sanitaire, les luttes sociales continuent donc. Et en premier lieu celle des retraites. “Le confinement est très difficile à vivre pour nos anciens alors on n'ose imaginer s'ils devaient subir des pertes de pensions si on était dans un système à points ou par capitalisation comme ce que prévoit le Gouvernement”, s'exclame Pierre Marsein. Plus que la suspension actuelle de la réforme, c'est son annulation qu'il demande. Et de rappeler l'importance des cotisations sociales, “tant décriées par le patronat comme des boulets”, dans une France qui permet ainsi à chacun de se soigner gratuitement ou à peu de frais, ou encore de bénéficier du chômage partiel sans perdre son emploi.

Les luttes sociales pour préserver les acquis continuent donc. Même si le défilé traditionnel du 1er mai ne pourra pas avoir lieu, les syndicats réfléchissent ensemble à la meilleure façon d'être visible ce jour-là.

Annabel Walker

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