Des animations pour promouvoir la laïcité cette semaine au Puy-en-Velay
"J’ai eu l’impression que les yeux bleus de l’infirmière m’ont ramené sur terre"
« J’avais tout pour l’attraper : je fais du diabète, j’ai 69 ans, j’ai un problème cardiaque, j’étais en surpoids... » Jean-Louis Roqueplan nous rencontre au jardin Henri Vinay ce vendredi 19 juin 2020. « Immunisé pendant quelque temps », il a ôté son masque pour l’occasion. Avec sa casquette, son sweat-shirt à capuche et ses près de 20 kg perdus, il ne ressemble guère à son personnage moustachu des Fêtes Renaissance du Puy-en-Velay. « On me dit que je fais plus jeune », sourit-il, mais l’expérience qu’il a vécue pèse lourd sur son allure mal assurée.
Rentré chez lui depuis près de quatre semaines, il continue les séances de rééducation pour marcher comme avant, lui qui a toujours eu le sens de l’équilibre et s’adonnait à l’acrobatie dans sa pratique théâtrale. L’artiste est aussi suivi par un psychologue. Par instant, les larmes lui montent aux yeux, notamment au moment de souligner l’empathie et l’engagement des équipes soignantes, mais aussi son frère, son fils et sa fille qui vit à Porto et qu’il n’a pas encore pu voir avec la fermeture des frontières.
Aucun symptôme si ce n'est de la fatigue, et puis un soir...
Après un séjour d’environ six jours en Espagne, Jean-Louis Roqueplan est rentré le 13 mars au Puy. Le confinement a commencé le 17 mars. Le Ponot a été hospitalisé le 20 mars. Il ne sait pas où il a contracté le Covid-19. « J’étais dans une ville à côté d’Alicante pendant une grande fête avec beaucoup de monde, sans aucune protection. La personne qui m’a accueilli ne m’a pas dit qu’il y avait eu beaucoup de cas de Covid vers chez elle. Ensuite j’ai fait un arrêt à Barcelone, où j’ai habité dix ans. Et puis il y a l'aéroport de Barcelone qui brasse beaucoup de gens. »
Après son retour d’Espagne, où il avait beaucoup marché, le Ponot était simplement fatigué. Il a assisté à une partie du festival Léz’arts d’hiver d’Espaly Saint-Marcel avec environ 30 personnes. « On ne se faisait déjà plus la bise, se souvient-il, on se saluait avec le coude, il n’y avait pas encore de masques... Personne n’a rien eu ; ce sont des gens que je connais donc j’aurais su. »
Le 20 mars au soir, Jean-Louis Roqueplan regardait la télévision avec sa femme. « Elle m’a dit que j’étais hébété. Je ne toussais pas, je n’avais pas le nez qui coulait. Peut-être que j’avais de la fièvre mais on n’avait pas de thermomètre donc il a fallu qu’on en trouve un. Elle a appelé et suivi le processus. On lui a dit de m’amener à l’hôpital Emile Roux. Elle m’a chargé dans la voiture. On est allé sous la tente devant l’hôpital ; enfin moi je ne m’en souviens pas, c’est ma femme qui m’a raconté. Pourtant, j’ai répondu au médecin. Ils ont dit à ma femme de sortir, et puis elle m’a vu passer, elle m’a fait coucou, je lui ai fait coucou (d’après ce qu’elle me dit parce que je n’en ai pas souvenir). On m’a emmené en réanimation presque tout de suite. À 3 heures du matin, ma femme a reçu un coup de fil pour lui expliquer ce qu’on me faisait. À 6 heures du matin un autre et ensuite deux ou trois coups de fils tous les jours. »
Pour garder la ligne libre, son épouse ne répondait pas aux très nombreux appels d’amis venant aux nouvelles. « Parfois les appels de l’hôpital étaient pessimistes. En plus c’était le confinement donc elle était toute seule. Moi j’étais inconscient mais pour elle, affectivement, c’était très difficile. »
"Elles ont fait leur boulot super bien"
La cheville ouvrière du Roi de l’oiseau a passé trois semaines en réanimation, en coma artificiel, sous respirateur, puis une semaine en salle de réveil. « Parmi les équipes soignantes, il y avait plein de monde que je connaissais, mais je ne les ai pas reconnues, je ne voyais que des yeux entres les calottes et les masques, elles ne m’ont pas dit qui elles étaient ; elles ont fait leur boulot, super bien, et voilà. »
Quand les médecins lui ont dit qu’il pouvait quitter l’hôpital, ils lui ont demandé s’il voulait rentrer chez lui ou aller en maison de repos à Saint-Joseph, avenue d’Ours-Mons. « J’ai choisi la maison de repos parce qu’avec les soins ça aurait été lourd pour ma femme. À ce moment-là, j’arrivais à peine à marcher. J’ai fait de la rééducation kiné. Je marchais entre deux barres. Je faisais du vélo. Maintenant je marche mais il faut que je fasse attention à ne pas tomber parce que j’ai un petit problème d’équilibre. Mais ça dépend des jours. »
Zoomdici : Comment s’est déroulé votre hospitalisation ? Depuis quand vous estimez-vous guéri ?
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----« J’ai presque retrouvé une vie normale… mais je crois qu’elle ne sera jamais comme avant. »-----A sa sortie de maison de repos, c’était la surprise : une dizaines d’amis l’attendaient avec leurs masques pour lui offrir une tablette et un vélo d’appartement. « J’avais perdu presque 20 kg, confie-t-il. Je faisais 69 kg à la sortie. Aujourd’hui je dois être à 72kg. Mais je ne veux pas tout reprendre parce que j’étais en surpoids et c’était pas bon pour mon cœur. Donc je ne devrais pas dépasser 75 kg. Mais je mange peu ; j’ai parfois la nausée. Pourtant c’est moi qui cuisine ; j’aime ça. Je pense que c’est l’une des suites parce que j’ai l’estomac détraqué. On m’a nourri avec une sonde, je ne sais pas trop comment ça marche, je ne me suis pas renseigné, à l’hôpital je ne parlais pas trop des traitements, je me réveillais, je cherchais à marcher… Avant je n’étais jamais malade. J’ai jamais pris un jour de maladie dans tous les boulots que j’ai faits. Et puis, il est arrivé mon truc au cœur... »
Aujourd’hui, Jean-Louis Roqueplan s’interroge sur les effets post-Covid car ils sont encore peu connus. « Il faut attendre un peu pour voir comment se portent les gens après le Covid. Je ne connais personne dans mon entourage qui l’a eu. J’aimerais bien échanger avec Jean-Paul Vigouroux, le maire de Polignac. On était en réanimation en même temps apparemment, même si je ne l’ai pas vu. Pour savoir s’il a les mêmes suites que moi et donc se dire que c’est peut-être normal. »
"Je suis là… mais est-ce que je suis là ?"
Quand on l’interroge sur la chronologie des faits, Jean-Louis Roqueplan avoue avoir un peu de mal à se situer dans le temps. « Lorsque je suis sorti, je croyais qu’on s’approchait de décembre-janvier ; j’ai l’impression qu’il y a la réalité d’un côté et le ressenti de l’autre. Le premier arbre que j’ai vu, il était étrange, pourtant c’est quelque chose de familier, c’était une espèce de retour à quelque chose… est-ce que j’y croyais ? Et des fois je doute un peu : je suis là… mais est-ce que je suis là ? »
Entre deux confidences, l’artiste nous raconte l’histoire de cet homme pauvre qui disait : « Ce n’est pas la pauvreté qui rend malheureux, c’est l’envie ». Ces mots résonnent fortement en lui. « Je me rends compte : pourquoi se rendre malheureux ? Pourquoi ne pas vivre de façon simple sans vouloir plus. »
Zoomdici : Cette expérience a changé votre approche de la vie visiblement ?
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----Parmi les humoristes que Jean-Louis Roqueplan apprécie, il cite Marie-Thérèse Porchet, un artiste suisse habillé en femme.-----Malgré tout, Jean-Louis Roqueplan se dit qu’il a de la chance : « Je crois qu’intellectuellement j’ai tout retrouvé… parce que les médecins avaient peur. Depuis environ une semaine, j’écris pas mal, à l’ordinateur, je vois que mon imagination, mon vocabulaire.. rien n’est parti. J’écris une histoire, j’ai des commandes pour des petites saynètes et je travaille pour le Roi de l’oiseau. J’ai fait trois réunions. Je ne vais pas à toutes ; on me laisse me reposer. Ça me fait du bien de revoir les gens… bon passée la première réunion où tout le monde me regarde et vient me dire "Tu nous as fait peur". Mais avec mon équipe du théâtre de l’Alauda on a repris le travail. Ils bossent beaucoup et bien, j’ai complètement confiance. On correspond par WhatsApp, SMS et mails. Pendant le Roi de l’oiseau je tiendrai ma place comme tous les ans. Après je ne pourrai peut-être pas rester debout toute la journée, je passerai un peu de temps au PC de coordination. Et puis sur les camps, on m’offre souvent à boire et un siège... »
Zoomdici : L’Amérique latine est en pleine épidémie, en Chine ça repart, alors qu’ici, avec la levée des restrictions, de moins en moins de gens portent le masque, certains se font même la bise. Que pensez-vous de cet état d’esprit ?
« Moi, le masque je le porte dans les magasins, là où il y a du monde… il n’y a qu’au parc que je ne le mets pas parce que j’ai aussi envie de revivre et de sentir les choses plus directement, me sentir dans une normalité… mais aujourd’hui la normalité ce serait le masque. Je pratique le coude à coude, je ne fais plus la bise. Il n’y a que mes enfants et des amis très proches que j’embrasse parce qu’ils me le disent. Je vais essayer de retourner au marché parce que j’y allais tous les samedis. Ça fait presque trois mois que je n’y suis plus allé. Mais je garderai mes distances et mon masque. Après je peux comprendre les gens qui ne le portent pas forcément. Parce que le confinement a été un traumatisme ; on s’en apercevra avec le temps. Je n’ai pas vécu la deuxième Guerre mondiale. Mais là on a vécu la peur du manque de nourriture, l’interdiction de sortir plus d’une heure, les contrôles… Je crois qu’à la fin du confinement, les gens devenaient neurasthéniques chez eux. L’être humain n’est pas fait pour vivre seul. Les gens seuls sont malheureux. On a besoin des autres pour se sentir appartenir à l’humanité. »
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Annabel Walker
Bonus : le 35e Roi de l’oiseau aux dernières nouvelles
Selon le projet actuel, le Roi de l’oiseau se déroulera au jardin Henri Vinay et sur la place du Breuil où il n’y aura pas de grande lice cette année. Car un spectacle avec un siège sur deux condamné ne serait pas rentable. Il y a aura une entrée et une sortie, avec désinfection des mains, masques et des conteurs puisque la jauge sera limitée. Mais cela peut changer si la situation sanitaire évolue. Le projet n’a pas encore été soumis aux autorisations préfectorales.
Il n’y aura que quelques tavernes mais, cette année, les organisateurs n’ont accepté que des professionnels car ils ont souffert économiquement et ont des salariés à payer. Donc pas de tavernes associatives. Côté artistes, il n’y aura aucune compagnie étrangère. La programmation représentera un petit tiers, environ, de la programmation normale. Il n’y aura pas de défilé. Les événements pouvant créer des attroupements seront évités ce qui demande beaucoup de travail de préparation.
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