Immersion dans les coulisses du Roi de l’Oiseau

Par Nicolas Defay , Mise à jour le 29/09/2021 à 17:00

Les spectacles par dizaines, les Isles et les camps, les archets et les soldats. Le Roi de l’oiseau est beau, rayonnant et impressionnant. Mais que serait-il sans ces femmes et hommes qui réservent des heures de leurs temps pour que tous les décors soient créés, peaufinés, rénovés afin que la magie reprenne vie à chaque édition.

On les appelle les Obragos. Les Ouvriers si on traduit le terme en occitan. Ils sont un noyau dur d’une dizaine de personnes saturées d’huile de coude et d’éclats de rire. Et tous les mardis pendant près d’un an, ils se retrouvent dans les 2 000 m² du dépôt implanté à Coubon pour s’occuper des 80 tonnes de matériels destinés à la célèbre fêtes Renaissance du Roi de l’Oiseau.

À l’ombre des immenses toitures, ils réparent, améliorent, détruisent parfois pour recréer ensuite tout ce que voient les dizaines de milliers de visiteurs plongés quatre jours durant au siècle de François 1er. La fête est belle, colorée, surmontée d’oriflammes et de blasons. Les chars passent et repassent dans les allées entourées d’interminables palissades en bois. Le feu brûle sous les grandes marmites des huit isles et des 17 camps, juste à côté des tentes tendues pour l’occasion. Et quand la nuit se lève, les projecteurs s’animent alors pour revêtir la cité anicienne d’un autre visage, plus intime, plus étrange aussi, teintant d’ombre et de lumière tous les acteurs de cette époque renaissante.

Photo par Martine

« Sans nous, pas de Roi de l’Oiseau »

Imaginez maintenant que les palissades en bois soient remplacées par des barrières vauban en fer gris, des tentes « deux secondes Quechua » à la place des grandes toiles présentes dans les isles et les camps, des tables de jardin en plastique blanc au lieu des plateaux en bois massif, des marmites qui pendent lamentablement sur un foyer éteint...Cette vision inenvisageable serait pourtant proche de la réalité si les Obragos n’étaient pas là. « Nous avons extrêmement peu, voir jamais, de reconnaissance de qui que ce soit, explique Eric, le président de l’association. Pourtant, sans nous, pas de Roi de l’Oiseau. Sans nous, la magie des lieux et de l’instant s’évanouirait ».

« Quand un décor est mort, on le recrée »

À ses côtés, ils sont une petite dizaine à œuvrer corps et âme pour qu’illusion soit faite et parfaite. « Ici, on stocke tout le matériel qui sera mis en place dans les rues et les places du Puy pendant le Roi de l’Oiseau, livre Eric. Nous les entretenons et les réparons. Quand un décor est mort, on le recrée. De la production à la pose, ce sont les Obragos qui s’occupent de tout ça ». Dans le dépôt, les objets s’entassent et occupent chaque centimètre carré de l’endroit. « Nous avons entre 70 et 80 tonnes de matériels qui sont acheminés à chaque édition, que ce soit les palissades et les différents décors ainsi que la mise en scène du Roi de l’Oiseau. Et ceci, c’est sans parler de la cinquantaine de tentes que nous rénovons et installons régulièrement ».

« Au début du printemps, on fera des portes ouvertes le samedi pour inviter qui veut à venir donner un peu d’huile de coude. Bien entendu, tout le monde peut nous rejoindre également le mardi, et peu importe les compétences ». Martine

Des chars en attente d'être inspectés et rénovés. Photo par Nicolas Defay

« Sans eux, il nous aurait été impossible d’assurer le spectacle ! »

Concernant l’équipe, Eric est satisfait de cette 36ème édition notamment par le fait du nombre de mains mises à la tâche. « Nous avons été plus nombreux que d’habitude et surtout bien plus que l’année dernière, partage-t-il. Aujourd’hui, nous sommes une quinzaine. Nous étions récemment tombés à 8. En 2020, on était...trois. Nous nous sommes vraiment inquiétés, d’ailleurs, à tel point que le Roi de l’Oiseau s’est penché sur l’affaire ». La direction a décidé, pour la première fois depuis les 10 ans d’existence des Obragos, de leur envoyer quatre intermittents pour leurs donner un coup de main cette année. « Sans eux, il nous aurait été impossible d’assurer le spectacle ! », partage Eric.

« Il faut à présent que le recours aux employés et aux intermittents devienne obligatoire »

D’après le président de l’association, les Obragos sont essentiellement des retraités. « Mais nous avons aussi des aides ponctuelles de personnes en activité, souligne-t-il. C’est tout récent mais c’est très appréciable. » La secrétaire de la structure, Martine, ajoute : « Au début du printemps, on fera des portes ouvertes le samedi pour inviter qui veut à venir donner un peu d’huile de coude. Bien entendu, tout le monde peut nous rejoindre également le mardi, et peu importe les compétences ».

À la question d’évoquer l’avenir des Obragos, Eric appuie : « Je pense qu’il faut professionnaliser ! Le montage et le démontage doivent être plus cadrés. Il faut à présent que le recours aux employés et aux intermittents devienne obligatoire. C’est indispensable si on veut continuer à encaisser toutes les demandes de décors et notamment celles de la mise en scène ! »

Mickey en train d'accrocher l'une des cinquante tentes. Photo par Martine

Quand la mise en scène met à mal

Ce que les Obragos appellent la Mise en scène est la création du nouveau spectacle qui ponctue presque chaque édition. Le problème selon eux est le manque d’anticipation du metteur en scène concernant le décor de ce spectacle. « Le metteur en scène nous rajoute toujours plus de travail que nous avons de plus en plus de mal à absorber, se désole l’équipe. La feuille de route nous arrive bien trop tard, dans le courant du mois de juin pour penser et constituer un décor complet pour septembre. Si nous n’avions que ça à faire, pas de problème. Mais il y a tous les décors de ville à continuer à préparer, l’électricité, les tentes et compagnie ! »

« Nous sommes un groupe très soudé ! Nous sommes les « copains d’abord » de Brassens. Si un manque, il manque à tous ! » Eric

Scoop toujours !

Pour les projets, les Obragos n’en manquent pas en dépit du travail monumental à fournir constamment. « Déjà, nous souhaitons créer une nouvelle porte de la lice à l’entrée du Breuil, un accueil un peu plus pompeux, révèle Eric. Le bal renaissance se drapera aussi d’un décor inédit, entièrement reconceptualisé ».

Mais le clou du spectacle de la 37ème édition devrait se trouver du côté de la cathédrale. « Le podium n’a pas été monté cette année car il est simplement mort, rappelle le président des Ouvriers. Du coup, pour l’année 2022, la décoratrice Lisa a eu une idée qui nous semble géniale. Sans trop en dévoiler, elle voudrait reprendre la montée de la cathédral et faire une animation en mapping vidéo sur la structure du bâtiment religieux. L’oiseau, élaboré avec le dispositif du Puy de Lumière, viendrait alors se poser dessus ».

Quoi qu’il en soit, il est facile de penser que loin sont encore les barrières vauban et les tentes Quechua au cœur du Roi de l’Oiseau tant l’envie de chaque Obragos et la solidité de l’équipe apparaissent évidentes. « Nous sommes un groupe très soudé !, confie Eric. Nous sommes les « copains d’abord » de Brassens. Si un manque, il manque à tous !».

Les Obragos s'occupent aussi de la signalétique. Photo par Martine

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1 commentaire

jeu 30/09/2021 - 05:43

Bravo , a ses hommes et femmes de l ombre , bravo a zomdici  de les mettre en valeur ils le méritent largement , il est vrai qu 'un peu de reconnaissance fait du bien , bravo les obragos