Durant le confinement, les kinés n'ont pas relâché la pression

, Mise à jour le 27/11/2020 à 09:04

Lise et Nicolas Charles sont tous deux kinésithérapeutes. Pas forcément en première ligne dans la guerre qui se joue entre le Covid-19 et l'espèce humaine, ils exercent néanmoins des professions indispensables, et pourtant loin des applaudissements qui sonnent les 20 heures chaque soir.
Si le couple de trentenaires habite à Polignac, Lise Charles travaille dans un cabinet au Puy-en-Velay en rééducation pelvipérinéale et son mari Nicolas en cabinet à Chadrac, à domicile et également au sein des entreprises dans la prévention des troubles musculosquelettiques. À travers leur témoignage, ils partagent leurs quotidiens et leurs ressentis dans ce contexte de pandémie et de confinement sans précédent.

En cabinet, priorité aux moins de 70 ans ne présentant aucun signe du Covid et nécessitant des soins qualifiés d'urgent
Depuis lundi matin, le cabinet, tenu par Nicolas Charles et Philippe Degemard, a pu rouvrir sur le plateau de Chadrac. Bien sûr, il faut respecter les gestes barrières, les patients sont invités à se laver les mains à l'entrée et ne sont admis, pour l'instant, que les personnes de moins de 70 ans ne présentant aucun signe du Covid et nécessitant des soins qualifiés d'urgent, et non de confort. Pour les patients ne rentrant pas dans ces cases, ce sera de nouveau des interventions à domicile.
Une réouverture qui sonne comme un soulagement pour Nicolas Charles, qui a poursuivi sa mission durant tout le confinement en intervenant régulièrement dans un Ehpad du Puy (où il était le seul kinésithérapeute habilité à le faire durant la période), ainsi qu'à domicile pour les cas plus urgents. Il a surtout oeuvré sur le champ de l'orthopédie et n'a eu heureusement aucun cas de complication respiratoire.

> Lire aussi : Les pharmaciens, kiné et orthophonistes de Haute-Loire sur le pont (13/04/2020)

"Quelques patients qui ont été laissés à l'abandon et ils n'ont pas guéri sans nous"
Lorsqu'on l'interroge sur la continuité du service, le professionnel reconnait que "globalement, il y a quelques patients qui ont été laissés à l'abandon et ils n'ont pas guéri sans nous", ironise-t-il. Le problème, c'est que parfois, des pathologies se sont aggravées, "et ce qu'on avait pu gagner au début de la rééducation a été totalement perdu... il faut donc tout reprendre du départ".
Un constat qu'il déplore mais qui fait face à une réalité logistique : en ne pouvant qu'intervenir à domicile, il ne pouvait pas dispenser autant de soins qu'en cabinet. Il a donc fallu prioriser les cas les plus nécessaires, malheureusement au détriment d'autres patients. "Il y en a qui ont dû attendre, et pour certains, il n'était pas possible d'amener le matériel, parfois très volumineux comme par exemple un tapis de course", détaille-t-il.

Encouragés à fermer leur cabinet
De son côté, sa compagne n'a pas été en mesure de poursuivre l'activité. "Malgré le fait que nous n'avions pas d'interdiction formelle d'exercer de la part du Gouvernement, nous avons finalement stoppé notre activité", confie Lise Charles. "La raison est que l'application des gestes barrières préconisés par l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé, Ndlr) est inapplicable dans notre profession. Et le conseil de l'ordre s'est montré très défavorable à un maintien d'ouverture. En parallèle, les patients annulaient leurs séances les uns après les autres dès les premiers jours du confinement".

Des gestes barrières impossibles à mettre en place
"Pour nous protéger, nous avions juste quelques masques chirurgicaux que nous utilisons, en temps normal, lorsque nous avons des patients avec des troubles respiratoires ou des bébés atteints de bronchiolites, souligne cette kinésithérapeute de 37 ans. Ainsi que des gants que j'use toute la journée dans mon exercice quotidien. Mais il faut savoir que quinze jours avant le confinement, nos fournisseurs n'avaient déjà plus de gel hydroalcoolique.
Dans le cas d'un virus tel que le Covid-19, toutes ces protections sont très insuffisantes. L'exemple qui explique parfaitement les raisons d'une impossibilité à travailler est celui d'une patiente souffrant d'une dilatation des bronches et nécessitant un drainage deux fois par semaine. Techniquement, faire cracher quelqu'un à plus d'un mètre de distance n'est pas possible. D'autre part, surtout sans masque FFP2, je m'expose à ce moment-là à une grande quantité de gouttelettes potentiellement porteuses de la maladie".

Un manque d'information aux conséquences désastreuses
"Peut-être que les patients mettront un peu de temps à revenir vers nous, s'inquiète Lise Charles. Mais un massage ou la mobilisation d'un membre ne peut se faire à distance. Notre travail est manuel et ne pourra se faire autrement. Seulement le fait que nous n'avons pas été alertés de la gravité de la situation contrairement à l'épidémie H1N1 a été préjudiciable pour nous et toute la profession. Je me revois encore dire à une patiente angoissée la semaine précédant le confinement que le coronavirus était maîtrisé. Quelle crédibilité maintenant ? Quel cafouillage ? Quelle irresponsabilité ?", conclut-elle.

Cet article s'inscrit dans notre série de portraits de travailleurs mobilisés mais oubliés pendant cette crise sanitaire. 

Ont déjà été publiés : 
Face au virus, les agents de sécurité modifient leur activité (22/04/2020) - portrait d'Alain Soleilhac, vigile pour la société Velay Sécurité. 
'On ne sait pas si on aura encore du travail à la fin' (24/04/2020) - portrait d'Anaëlle Brunet, vendeuse en boulangerie au Puy-en-Velay. 
'Dans notre rôle de commerçant apparaît aussi celui d'un lien social' (26/04/2020) - portrait de Julien Bonhomme, boucher à Saugues.
* 'On est toujours confrontés aux microbes, mais là, il y a le virus en plus' (28/04/2020)- portrait de Philippe Jourdan, éboueur depuis une trentaine d'années sur le bassin du Puy.

Tous les deux jours, Zoomdici donnera un coup de projecteur à une profession différente.

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