Crématorium du Velay : un nouveau terrain pour une entreprise locale

mer 29/10/2014 - 19:22 , Mise à jour le 27/11/2020 à 05:53

Depuis une douzaine d'années, les crématistes espèrent voir le projet aboutir mais à chaque fois, de nouveaux obstacles se dressent sur leur route et le projet n'avance pas. Il aura déjà fallu une mandature pour que la communauté d'agglomération du Puy, par délibération du 20 décembre 2007, décide de prendre la compétence d'études, création et gestion d'un crématorium.
La mandature suivante aura servi à trouver un terrain adéquat, ou plutôt chercher, puisque les crématistes considèraient le terrain de Chauchady à Espaly-Saint-Marcel inadapté. Un avis manifestement partagé par les entrepreneurs...
Finalement, alors qu'une troisième mandature a débuté en avril dernier (lire), le dossier n'a concrètement guère avancé, même si des espoirs demeurent...

Les deux premiers appels d'offre ont fait chou blanc
Le troisième appel d'offre lancé par la collectivité a au moins le mérite d'avoir obtenu une réponse, ce que les deux précédents n'avaient même pas pu réaliser. En effet, la Communauté d'Agglomération a adopté le principe de délégation de service publique (DSP) afin de confier la construction, la gestion puis la maintenance de l'équipement à une entreprise privée.
Un premier appel d'offre avait fait chou blanc car les repreneurs potentiels avaient été effrayés par les importants travaux d'aménagement à engager. Travaux et création de la structure compris, on parle d'un coût de 1,5 à 1,8 million d'euros.
Après avoir refondu le cahier des charges, l'agglo s'est engagée à participer aux travaux à hauteur de 200 000 euros, mais les entreprises ne sont pas bousculées au portillon pour le second appel d'offres.

Une négociation directe entre Michel Joubert et l'entrepreneur
Finalement, une "entreprise locale" a répondu au troisième appel d'offres mais l'offre a été jugée "non acceptable" par les élus qui ont alors décidé de recourir à une procédure de négociation directe avec l'entreprise qui a soumissionné.
Ce procédé devrait permettre d'accélérer les choses et surtout, de ne pas recourir à un énième appel d'offre. Les élus ont donc donné les pleins pouvoirs à Michel Joubert, le Président de l'agglo, pour qu'il négocie directement, en "tête à tête" avec l'entrepreneur. "Pour une fois qu'on a un candidat, il faut absolument trouver un terrain d'entente", a sobrement déclaré Michel Joubert lors du dernier conseil communautaire.

Un nouveau terrain
Il a cette fois été demandé au candidat de proposer un terrain sur lequel il a la maîtrise foncière. Selon nos informations, l'entrepreneur local aurait donc proposer un terrain appartenant à son père, pas loin du tout du précédent terrain proposé par l'agglo (toujours commune d'Espaly-Saint-Marcel), mais avec plus d'habitation à proximité que le précédent.
Ce nouveau terrain ferait près d'un hectare et présenterait les caractéristiques idoines mais les riverains des habitations les plus proches verraient d'un mauvais oeil ce projet et seraient déjà prêts à s'organiser pour manifester leur opposition à l'élaboration de cet édifice devant chez eux.

Les subventions seront-elles maintenues ?
Reste à savoir si les subventions que l'agglo s'était proposée de verser à l'entrepreneur pour viabiliser le précédent terrain sont toujours d'actualité. "Ça fait partie de la négociation", s'agace Michel Joubert, joint par téléphone ce mercredi, "c'est justement un moyen qui peut permettre de faire des ajustements si besoin mais il n'y a aucun engagement pris à ce propos. La somme maximale qu'on est autorisé par le conseil communautaire à mettre en jeu pour arriver si nécessaire à l'équilibre de l'opération est de 200 000 euros".

Un cahier des charges ajusté
Cette procédure de négociation directe avec l'entreprise qui a soumissionné remet en question le cahier des charges existant et l'entreprise devra discuter avec la collectivité "pour trouver la bonne formule, dans le cadre défini par les règles de la DSP. C'est une négociation. Point", tranche Michel Joubert.
L'objectif est d'arriver à une "solution acceptable avec un projet finançable, qui parvienne à s'équilibrer, et qui maintienne les prix de crémation à un niveau raisonnable". Bien évidemment, le dossier sera ensuite soumis au régime de la concurence afin de s'assurer qu'il ne "bénéficie pas de privilège particulier", s'est senti obligé de justifier le Président de l'agglo.

Le crématorium ne verra pas le jour avant deux ans minimum
Nous avons également contacté l'association crématiste de Haute-Loire, qui, "pour la première fois, commence à y croire". Ils estiment que ce projet "tient la route" et "si ça se fait là, c'est formidable". Mais ils ne sont pas dupes quant à la très probable levée de boucliers des riverains. Ils prophétisent que "si tout se passe bien, le crématorium pourrait voir le jour dans les années à venir, mais pas avant deux ans minimum".
En effet, une fois les négociations abouties, il faudra encore procéder aux enquêtes publiques, puis des commissions décideront de valider ou non l'équilibre budgétaire du projet, il faudra ensuite s'assurer que les normes sanitaires sont bien respectées, sans oublier une étude d'impact sur la faune et la flore...

----Le choix d'une DSP plutôt que d'une gestion en régie
L'agglo du Puy a fait le choix d'une DSP, comme environ 75 % des collectivités françaises pour la gestion d'un crematorium. Elle aurait sinon pu opter pour une gestion directe du service en régie. "Si elle avait fait ce choix, le projet serait terminé depuis longtemps et la prestation serait moins chère que dans le privé", déplorait déjà Hubert Guillon il y a un an.-----"La collectivité pourrait assumer ce service à la population en régie"
Le socialiste Laurent Johanny, élu d'opposition à la mairie du Puy et siégeant à l'agglo, a également voté pour cette délibération lors du dernier conseil communautaire, "considérant l'utilité publique et le caractère urgent de la situation". Il a tout de même émis une réserve quant à la raison du refus de l'offre, jugée "non acceptable", se demandant s'il s'agissait d'un problème technique ou financier.
Pour lui, si le problème est financier, "on peut se poser la question de la pertinence d'une délégation de service public alors que la collectivité pourrait assumer ce service à la population en régie, afin de prendre ses responsabilités dans un dossier laissé de côté depuis trop longtemps". Il s'est également appuyé sur le récent rapport du Sénat qui atteste que peu de départements français n'ont pas de crématorium et a déploré : "la situation est devenue ahurissante avec des crématoriums saturés autour de nous". Depuis, Michel Joubert nous a confié que le problème n'était pas d'ordre financier mais portait bien sur "les critères techniques".

Quelle rentabilité pour un tel projet ?
Le choix de la DSP induit la présence d'une entreprise cherchant à réaliser des bénéfices (en régie, seul l'équilibre financier compte, c'est avant tout un service rendu à la population). Au niveau de la rentabilité du projet, c'est encore un peu flou. Sur une base de 400 à 500 crémations par an (700 à 800 € la crémation), le projet pourrait trouver son équilibre financier sur une douzaine d'années.
443 communes sont concernées par le projet et une fois le crématorium installé sur l'agglomération ponote, le pourcentage de crémation pourrait rapidement augmenter (il est aujourd'hui de 13 % en Haute-Loire alors que la moyenne nationale est de 30%) et le projet serait alors plus vite rentabilisé.

Le Puy au coeur d'un désert crématiste
Le département de la Haute-Loire, comme celui du Cantal et de la Lozère, ne dispose pas de crématorium. Pour l'association crématiste de Haute-Loire, "l'urgence n'a jamais été aussi sensible, le Puy étant au centre d'un désert crématiste alors que la « zone de chalandise » intéresse 250 000 personnes".
Il s'agit en gros du secteur concerné par l'Hôpital Emile Roux (qui lui a aussi la concurrence du privé). Les plus proches crématoriums demeurent ceux de Clermont-Ferrand (130 km), Saint-Étienne (80km), Capdenac, Lavilledieu (en périphérie d Aubenas), ou Lyon.

----La crémation en chiffres
En France, la crémation représente 30 % des décès pour 140 associations et 65 000 adhérents, avec 174 crématoriums en activité. En Haute-Loire, la crémation ne représente que 13 % des décès alors que ce taux dépasse 50 % dans la Loire. Les mentalités peuvent rapidement évoluer puisque ce taux ne dépassait pas 1% en France en 1979. Cas extrême au Japon où la crémation est pratiquée dans 99,8 % des cas.
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200 urnes prennent autant de place que quatre caveaux
La Haute-Loire ne possède pas de crématorium. Paradoxalement, elle compte près de 80 columbariums. Alors qu'une crémation est jugée deux fois moins chère qu'une inhumation, l'association crématiste de Haute-Loire en déduit : "
les entreprises de pompes funèbres y sont logiquement opposées".
Pourtant, l'éclatement des familles, les contraintes d'entretien des tombes mais surtout le manque de place dans les cimetières ont conduit à une évolution des mentalités. Aujourd'hui, de plus en plus de personnes se disent favorables à la crémation, sachant que 200 urnes prennent autant de place que quatre caveaux.

La question métaphysique du rapport au corps
Interrogé en 2011 par la rédaction de Zoomdici.fr, le père Bernard Planche, du diocèse du Puy-en-Velay, assurait : "nous ne voyons aucun inconvénient à l'incinération. L'Eglise a toujours préféré l'inhumation car il y a un plus grand respect du corps, ce qui n'est pas le cas lors de la crémation où l'on cherche à tout prix à le faire disparaître". Seule exigence du diocèse : "dans la mesure du possible, la célébration de l'Eglise doit se faire avant la crémation".
Historiquement, l'inhumation a toujours été le moyen le plus utilisé lors des décès mais déjà autrefois, lors d'épidémies, l'Eglise tolérait que les corps soient incinérés. Le schisme entre les deux pratiques se situe en fait dans la conception que chacun se fait du rapport au corps.
Le père Planche expliquait : "autrefois, on défilait devant le corps du défunt et il n'y a pas très longtemps encore, on veillait les morts. Aujourd'hui, au contraire, on préfère le cacher donc la crémation rentre dans ce schéma de faire disparaître le corps du défunt au plus vite". Dans ce rapport au corps, paradoxalement, le don d'organe a toujours été encouragé par l'Eglise, "car le principe de charité prédomine", concluait le Père Planche.

Maxime Pitavy

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