Club de boxe du Val-Vert : « Quand tout sera révélé, ça va faire mal à beaucoup de monde »

Par Nicolas Defay , Mise à jour le 29/03/2023 à 06:00

L’association sportive de boxe A.C. située au Val-Vert est fermée depuis le début du mois de février à la suite de plusieurs plaintes pour agressions sexuelles sur mineurs dirigées contre son Président. Derrière l’affiche « Fermeture temporaire par arrêté préfectoral » se cache un témoignage glaçant de l’un des parents et d’innombrables parts d’ombres.

« Je vais vous raconter l’histoire depuis le début ». Sa voix est rauque et son regard se perd parfois dans un coin pour échapper au chagrin. « Je vais vous raconter l’histoire depuis le début, souffle ce papa, caché derrière la fumée d’une cigarette. Malgré le fait que je connaisse beaucoup de monde ici, au Puy et ailleurs, je n’ai toujours pas réussi à assembler toutes les pièces du puzzle. Mais quand il sera complet, quand tout sera révélé, ça va faire mal à beaucoup de monde ».

« Elle n’allait pas bien et elle se rebellait beaucoup »

Après un temps de silence, il partage presque sans pause le cauchemar que lui a confié son enfant et qui le hante à présent tous les jours. « Ma fille a fait de la boxe de septembre 2019 à la fin 2021 à l’A.C. du Velay. Elle avait 10 ans quand elle a commencé. Le président du club R.L., je ne le connaissais pas. Ni son frère P. qui était coach là-bas ».

Il poursuit : « À la fin 2021, ma gamine n’a plus voulu retourner au club. Ma femme et moi avions mis cette décision sur le compte de l’adolescence. Son comportement avait changé. Ses notes à l’école chutaient. Elle n’allait pas bien et elle se rebellait beaucoup ».

La famille tente alors plusieurs solutions, des séances à la Maison des ados à celles d’une psychothérapeute à Taulhac. « On savait qu’il y avait quelque chose, livre-t-il. Mais elle ne voulait pas parler. Elle exprimait certaines choses en dessinant. Et c’est tout ».

« Quand j’ai ouvert la porte, elle a fondu en larme »

Et puis le barrage s’est fendu. Avec tout son lot d’amertume et de peur pressurisé derrière pendant des mois. « Le 20 janvier 2023, ma fille m’envoie un sms. Il était 21 heures. Je trouvais ça étrange car nous étions tous dans la maison, elle dans sa chambre. « Papa, est-ce que je peux te parler », avait-elle écrit. »

Il reprend une respiration et se rappelle de cet instant : « Quand j’ai ouvert la porte, elle a fondu en larme. Elle n’arrêtait pas de pleurer sans s’arrêter. Elle m’a alors raconté ce que le président du club lui avait fait, qu’il l’avait touchée, qu’elle avait subi des attouchements sexuels ».

« Ma fille a mentionné avoir été victime d’attouchements. Et de viol »

Le lendemain, il rejoint le commissariat de police pour déposer plainte. Les agents lui proposent d’établir une pré-plainte mais d’attendre lundi 23 janvier pour que sa fille soit auditionnée par deux policières spécialisées de l’Unité Médico Judicaire.

« Durant son entretien, ma fille a mentionné avoir été victime d’attouchements. Et de viol. Après son témoignage, les agents ont réussi à obtenir un rendez-vous le soir-même avec le procureur. Et à 17 heures, nous avions un entretien avec un expert psychologue ». L’affaire était lancée.

48 heures de garde à vue au Puy et transfert en détention à Riom

Le 24 janvier à 14 heures, R.L., président de l’A.C. au Val-Vert, infirmier au bloc, est placé en garde à vue. Il y restera 48 heures durant lesquelles il n’a cessé de nier.

D’après le père de cette première victime, l’enquête mettra à jour d’autres plaintes du même acabit. « Les policiers commençaient à accumuler beaucoup de matière d’après ce que j’avais compris, se désole-t-il. Assez pour le transférer en détention provisoire à Riom le 26 janvier. J’ai aussi appris que R.L. avait fait appel de sa mise en détention et qu’elle avait été rejetée ».

Procéduralement, au regard de la gravité des faits, le mis en cause a été placé en détention provisoire après son passage devant le juge des libertés et de la détention du Puy-en-Velay. En raison du nombre de plaintes – et potentiellement, de l’ampleur du dossier, une instruction a été ouverte et un juge d’instruction désigné.
 

À noter que la personne interpellée bénéficie de la présomption d’innocence selon le principe que : "toute personne poursuivie est considérée comme innocente des faits qui lui sont reprochés tant qu'elle n'a pas été déclarée coupable par la juridiction compétente". (Source : dalloz.fr)

« Je voulais savoir comment il était possible que des gars comme ça aient l’autorisation d’encadrer des gamins !»

« Quand on est papa et qu’il arrive un tel drame à son enfant, on fouine, dit-il. On cherche. On tire toutes les ficelles possibles pour assembler toutes les pièces du puzzle. J'ai découvert que R.L. n'était pas le seul de la famille à avoir un passé judiciaire sur les mêmes problèmes. Par le bais de l’association Justice et Partage, j’ai fait un signalement à Jeunesse et Sport. Je voulais savoir comment il était possible que des gars comme ça aient l’autorisation d’encadrer des gamins ! »

Un premier mail de Justice et Partage est envoyé en ce sens le 31 janvier à la Cellule nationale de lutte contre les violences sexuelles Direction des Sports. Trois heures après, l’institution répond avoir envoyé la requête au Service Départemental de la Jeunesse, de l’Engagement et des Sports (SDJES) de Haute Loire, « seul service à même d’ouvrir et de conduire une enquête administrative », selon la Cellule.

« Le ministère des sports était-il au courant de ces condamnations ? »

Face au silence du SDJES 43, Justice et Partage remet le couvert le 28 février en demandant à nouveau des explications sur le sujet en y adjoignant d’autres questions. « Est-ce que le président d’une association sportive est tenu de transmettre son casier judiciaire ainsi que celui des salariés ? Est-ce que des éducateurs sportifs connus par la justice pour des faits d’agressions sexuelles ou des faits d’attouchements sur mineurs peuvent exercer auprès d’enfants ? Le ministère des sports était-il au courant de ces condamnations ? »

D’après le papa de la jeune victime, une enquête administrative a été ouverte.

« On m’a fortement conseillé de « fermer ma gueule » si je ne voulais pas avoir de soucis »

L’enquête suit son cours. Des plaintes semblent alourdir un peu plus le dossier à mesure que le travail des policiers avance. Le visage creusé et le regard noir, ce papa à l’origine des révélations apparaît dégoûté par les coins sombres qui se multiplient à chaque pas de plus.

« J’ai l’impression que tout le monde savait qui étaient les frères L. Plus je découvre des choses à leur sujet, plus je me rends compte que des gens puissants les protègent. Je ne peux encore tout dévoiler ici et maintenant. On m’a même fortement conseillé de « fermer ma gueule » si je ne voulais pas avoir de soucis. Mais quel papa, quelle maman, fermerait sa gueule quand son enfant a été abusé ainsi ? »

Il termine en répétant cette phrase : « Croyez-moi. Quand tout sera révélé, ça va faire mal à beaucoup de monde ».

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