Agriculture altiligérienne : "Il faut refaire de l'agriculture un secteur vital de notre économie"

Par RSi , Mise à jour le 01/11/2022 à 15:00

Quel bilan pour la filière agricole en Haute-Loire en 2022 ? Yannick Fialip, président de la Chambre d'Agriculture depuis 2019 fait l'état des lieux. Selon lui, "il faut refaire de l'agriculture un secteur vital de l'économie française". 

Quel état des lieux de l'agriculture dressez-vous sur le département ? 

En 2022, nous avons du faire face à plusieurs crises.  La première liée au climat avec une sécheresse importante sur les premiers mois de l'année au printemps et qui a perduré cet été avec des pertes conséquentes pour les agriculteurs. On s'interroge sur la façon d'accompagner les agriculteurs afin qu'ils retrouvent des fourrages, qu'ils aient une alimentation suffisante pour leur cheptel et éviter une décapitalisation. La Chambre d'Agriculture du département accompagne les exploitants dans des solutions techniques pour passer cette année qui sera difficile. On reste optimiste pour cet automne avec le retour de quelques pluies qui sont arrivées et donc une repousse de fourrage. 

L'autre crise majeure a été la guerre en Ukraine, qui a eu de lourdes conséquences. Cela a débuté dès le mois de mars avec une inflation assez forte des intrants sur les exploitations agricoles.  Cela a conduit à  une hausse des charges, le prix de l'engrais a triplé, celui du gasoil a doublé...Tous les services augmentent de façon générale. Les agriculteurs sont donc obligés de répercuter ces  majorations sur le prix de vente de leurs produits pour pouvoir s'en sortir et trouver un revenu. Si on veut de la production agricole encore demain en France, il faut qu'on puisse répercuter nos coûts de production. C'est tout le débat lancé autour de la loi Egalim 2 qui permet de prendre en compte les coûts de production dans le calcul des prix de vente des producteurs. On essaie d'accompagner les agriculteurs pour tenter de minimiser cette hausse des charges. 

L'agriculture en Haute Loire en chiffres

20% des actifs altiligériens travaillent dans l'agriculture.

Environ 3500 exploitants recensés dans le département.

Sur les dernières années, 90 installations aidées ont été effectuées en Haute-Loire.

90% activité agricole est liée à l'élevage : 70% production laitière et une partie en élevage bovins viande. 

75% de la Haute-Loire est couverte par des surfaces herbagères. 

 

Comment avez-vous géré l'importante sécheresse de cet été ? 

L'été a été très compliqué. Beaucoup d'éleveurs nous appelaient en nous demandant des solutions. C'était très difficile. Nous avons eu presque deux mois de fortes chaleurs sans une goutte d'eau. Il n 'y pas de solutions pour des plantes qui poussent. Aujourd'hui, on observe que les récoltes sont plus étalés sur l'année avec un accent au printemps et à l'automne.

Il faut diversifier les espèces que l'on fait pousser car certaines sont plus résistantes à la sécheresse. Il faut également avoir des stocks stratégiques sur les exploitations afin de passer les années difficiles. On teste de nouvelles variétés sur nos terres pour voir comment résister. Certains agriculteurs utilisent des retenues collinaires pour stocker de l'eau. Cela leur permet ensuite d'irriguer leurs champs. 

 

La sécheresse est-elle toujours en cours ? 

Il y a eu des améliorations car nous avons eu quelques pluies. On reste toutefois sur des débits de cours d'eau faibles. On espère que cet hiver permettra à la fois aux nappes phréatiques mais aussi aux cours d'eau de se recharger. On bénéficie aussi de différents barrages en service sur le territoire. Jusqu'à présent, nous n'avons pas eu suffisamment d'eau. On va regarder avec une certaine inquiétude le ciel pour les mois à venir. 

 

Yannick Fialip est le président de la Chambre d'Agriculture de Haute-Loire.
Yannick Fialip est le président de la Chambre d'Agriculture de Haute-Loire. Photo par Raphaëlle Simonnot

Certains agriculteurs ont-ils dû stopper leur activité suite à ces différentes crises ? 

On a une dynamique agricole dans le département qui permet aux agriculteurs d'être solidaires. Certains se sont toutefois un peu découragés. Pour pallier cela, il faut que l'Etat déploie une stratégie sur le développement économique de notre filière. On n'a pas toujours de réponses à apporter aux agriculteurs sur ce volet là. On nous impose plutôt de nouveaux contrôles et contraintes supplémentaires. Je suis persuadé que l'agriculture a une fonction nourricière de la population et aujourd'hui cela reprend du sens. Cela va être un élément essentiel dans les années à venir mais pour cela il faut qu'on ait une stratégie claire de l'Etat et de la Commission Européenne. Notre administration est parfois un peu tatillonne et sclérosée sur des principes de contrôle. 

Quel est le bilan du budget en 2022 de la Chambre d'Agriculture ? 

Les chiffres sont en baisse. On a décidé au cours de l'année avec la sécheresse et la hausse des intrants de baisser les prestations auprès des agriculteurs. Nous avons procédé à une remise 10% de la part de la Chambre d'Agriculture pour les accompagner face à toutes les difficultés financières. Le budget reste toutefois équilibré. On veut surtout être aux côtés des agriculteurs dans ces moments difficiles. On souhaite les accompagner dans leur projet d'installation, de développement économique avec la construction de nouveaux bâtiments par exemple mais aussi ceux qui veulent revoir leur système face à des charges trop importantes ou une adaptation au changement climatique. On veut trouver des solutions avec eux.

 

"Une conseillère numérique viendra gratuitement les aider à utiliser les logiciels informatiques". Y. Fialip

Quelles actions phares ont été mises en place ? 

Dernièrement, nous avons embauché une conseillère numérique pour accompagner les agriculteurs qui ont quelques difficultés avec l'informatique pour pouvoir gérer leur exploitation. C'est devenu un outil essentiel. Cette nouvelle salariée viendra gratuitement auprès d'eux pour les accompagner dans le premier achet d'un ordinateur, premier logiciel et puis leur enseigner les bases. On va développer une commission irrigation de façon à aider les agriculteurs et leur apporter des conseils notamment concernant les règlementations en vigueur sur l'utilisation de l'eau. On a travaillé sur la certification des exploitations, il s'agit du programme Haute Valeur Environnementale (HVE). C'est une certification qui garantit que les pratiques agricoles utilisées sur l'ensemble d'une exploitation préservent l'écosystème naturel et réduisent au minimum la pression sur l'environnement (sol, eau, biodiversité...). C'est un vrai sujet d'avenir. 

"Le défi de demain est d'avoir une agriculture qui reprend du sens", Y.Fialip

Quel avenir pour l'agriculture en Haute-Loire ? 

Je suis optimiste. On s'est aperçus à travers les dernières crises, le COVID, la guerre en Ukraine, les sécheresses que le bien alimentaire devenait un bien rare sur cette planète et qu'on va aller très certainement sur une relocalisation très profonde des denrées alimentaires. On a pu constater avec la crise sanitaire que nous étions limiter pour acheter certains produits.

La guerre en Ukraine nous oblige à repenser la commercialisation avec l'étranger. Il faut que nous restions vigilants pour poursuivre le développement de notre agriculture. Malheureusement, ces 20 dernières années ça n'a pas été le cas et on a eu plutôt une baisse de la production agricole partout en France. Le défi de demain est d'avoir une agriculture qui reprend du sens mais aussi des parts de marché qui garantissent un salaire acceptable pour les agriculteurs et qui assurent des produits locaux de qualité aux consommateurs.  

Certains agriculteurs sont-ils réticents ? 

Il faut qu'on arrive à lier les performances économiques et environnementales. Les attentes sociétales sont fortes mais peuvent être un atout pour notre agriculture de demain. Notre agriculture de montagne est surtout à base d'herbe qui stocke beaucoup de carbone, qui utilise peu d'intrants. C'est donc assez vertueux. Il faut toutefois qu'on garantisse à tous les agriculteurs qu'ils puissent avoir des débouchés dans ce domaine. Ils attendent avant tout un cap économique fort de l'Etat qui donne une direction. 

" Il faut refaire de l'agriculture un secteur vital de notre économie", Y.Fialip

Quel serait votre idéal ? 

Il faut refaire de l'agriculture un secteur vital de notre économie. Je pense que notre pays s'est un peu fourvoyé depuis 20 ans en pensant que le tertiaire était l'alpha et l'oméga du développement économique. Je rappelle que l'agriculture est un secteur primaire qui créé de l'emploi, de la richesse. Il faut remettre un peu de valeur sur ce sujet là en débutant dans les écoles de formation jusqu'à l'accompagnement des agriculteurs et des filières agroalimentaires. Je pense qu'un pays qui bannit son agriculture n'est pas un pays qui est en développement économique et qui garantisse sa souveraineté alimentaire. 

Quel est le salaire moyen d'un agriculteur actuellement ? 

On a des revenus qui sont assez faibles malheureusement notamment dans les zones de montagne et d'élevage. Le revenu annuel s'élève entre 15 et 20 000 euros c'est à dire guère plus qu'un SMIC. On espère une amélioration de la conjoncture cette année. Il faut travailler sur ce sujet là car cela permettrait d'attirer des jeunes générations pour qu'ils viennent choisir ce métier là. C'est un métier de passion, on y met toutes ses tripes. Les agriculteurs qui ne gagnent pas leur vie ça ne peut plus être durable. C'est aussi un appel aux consommateurs pour leur faire comprendre que ce qu'ils ont dans leur assiette est un bien vital et qu'il est peut être nécessaire de dépenser un peu plus d'argent pour pouvoir bien se nourrir. 

 

 

 

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