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Surdosage de rayons à Emile-Roux : témoignage d'un patient

Par nicolas@zoomdici.com lun 22/08/2022 - 06:00 , Mise à jour le 22/08/2022 à 06:00

À nom découvert, Jean-Pierre Mille partage ses sentiments concernant les doses trop fortes de radiothérapie pratiquées à l'hôpital public pendant 4 ans sur 134 patients. Parmi eux, soigné pour une tumeur infra-temporal, cet habitant de Langeac ressent à présent inquiétude, colère et dégoût.

L'anomalie avait été révélée à travers une dépêche AFP (Agence France Presse) datée du 31 juillet 2022. Aussitôt, tous les médias locaux et d'ailleurs s'emparent alors de cette sanitaire dont les victimes se comptent par plusieurs dizaines. Depuis le 15 juin 2018, le service de radiothérapie du Centre Hospitalier Emile-Roux a appliqué une quantité trop forte de rayons ionisants à 134 patients soignés pour des cancers dans la région crânienne ou ORL (Oto-Rhino-Laryngologiste). D'après la direction de l'hôpital, "le dysfonctionnement a été détecté le 24 juin 2022 à la suite d'un contrôle qualité interne". 

Dans un communiqué de presse confié trois jours après la parution des articles, la direction assure également : "La très légère majoration des doses reçues (entre 1 et 2 % en moyenne) n’a impacté ni la santé des patients, ni la qualité de leur traitement de radiothérapie, ni occasionné de perte de chance dans l’efficacité de leur radiothérapie"'.

"J'ai eu au total 33 séances de rayons de 7 minutes 30"

Parmi les 134 patients, Jean-Pierre Mille est de ceux là. L'homme de 48 ans, résident à Langeac, est soigné pour une tumeur infra-temporal depuis deux ans. "J'ai ressenti des premiers symptômes en juin 2020, explique -t-il. En août, le scanner dévoile une tumeur. J'ai subi une première opération en janvier 2021 et le début des rayons le 30 mars pour se terminer le 20 mai. Entre temps, je faisais des séances hospitalisées de chimiothérapie en Cisplatine* et un traitement neuropathique et antidouleur".

Il ajoute : "J'ai eu au total 33 séances de rayons de 7 minutes 30, tous les jours sauf week-end, jours fériés et jours de maintenance". Il soulève alors : "À ce propos, je me demande à quoi servait cette journée si ce n'était pas pour vérifier les calibrages ?"

*Le cisplatine est un type de chimiothérapie appelé analogue du platine. Il fonctionne en ralentissant ou en arrêtant la croissance des cellules.

"Selon les propres dires de la direction, elle savait depuis le 24 juin ! Un coup de téléphone n'aurait pas été un luxe". Jean-Pierre Mille

"J'aurais aimé l'apprendre avant les médias !"

Totalement confiant avant les révélations du surdosage, Jean-Pierre Mille se veut aujourd'hui méfiant malgré le courrier envoyé par la direction au 134 patients, courrier que Jean-Pierre Mille a reçu huit jours après la médiatisation. "Je suis énormément inquiet, livre-t-il. Surtout que j'ai beaucoup d'effets secondaires suite aux rayons et à la chimio".

Il continue, amère : "J'aurais aimé l'apprendre avant vous (les médias, Ndlr) ! C'est nous les premiers concernés. Selon les propres dires de la direction, elle savait depuis le 24 juin ! Un coup de téléphone n'aurait pas été un luxe."

Jean-Pierre Mille déplore : "Franchement, après une telle maladie et une année et demie de soins invasifs, on relativise beaucoup de choses. Mes sentiments actuels se mélangent entre colère et désabusement !"

"La chose que je trouvais déroutante est que c'était vous, les médias, qui les avaient fait réagir". Jean-Pierre Mille

"Ils ont été en quelques sortes poussés par les révélations dans la presse pour informer leurs propres patients"

Dans le courrier de la direction daté, certes, du 2 août mais reçu le 7 août d'après Jean-Pierre Mille, l'hôpital écrit : "Un écart mineur de dosage de 1 à 2% a été constaté. Cet écart a entrainé un classement de niveau 1 de cet événement sur l'échelle ASN-SFRO des évènements en radiothérapie, graduée de 0 à 7, par l'Agence Sureté Nucléaire".
La lettre conclue : "Nous savons que de nombreux articles de presse ont été publiés pouvant entraîner des interrogations ou des angoisses quant à votre prises en charge. Aucun impact sur votre santé ou votre traitement n'est à déplorer et nous en sommes fortement soulagés".

"Quand j'ai reçu ce courrier, j'ai été rassuré au début, exprime Jean-Pierre Mille. Puis, à la réflexion, je suis devenu de plus en plus inquiet. Car la chose que je trouvais déroutante est que c'était vous, les médias, qui les avaient fait réagir. Leur courrier n'était pas de leur propre initiative. Ils ont été en quelques sortes poussés par les révélations dans la presse pour informer leurs propres patients. Et ça, c'est inquiétant !"

"C'est complément humain de ressentir cette angoisse dans un tel contexte personnel". Jean-Pierre Mille

"Oui, j'ai peur des conséquences"

S'il est complexe de certifier que ce surdosage apparemment minime (selon l'Agence Sureté Nucléaire) peut générer des effets secondaires directement physiques sur les patients concernés, l'impact psychologique est quant à lui certain. "Oui, j'ai peur des conséquences, se désole Jean-Pierre Mille. C'est complément humain de ressentir cette angoisse dans un tel contexte personnel. Et je me demande si mon problème d'œdème persistant dans la gorge et les acouphènes ne sont pas quelques unes de ces conséquences. Je ne peux pas savoir et je ne sais plus qui croire au sein de la direction".

"Je ne mettrais pas les soignants en cause qui ont été d'un professionnalisme, d'une patience et d'une attention de grande qualité". Jean-Pierre Mille

Jean-Pierre Mille assure avoir perdu confiance en l'hôpital mais pas aux médecins : "Je ne mettrais pas les soignants en cause qui ont été d'un professionnalisme, d'une patience et d'une attention de grande qualité. Mais je vais quand même demander un avis extérieur à l'hôpital Emile-Roux me concernant".

Il confie être également suivi au Centre Hospitalier Universitaire de Saint-Etienne. "J'ai un rendez-vous en octobre. Et j'ai hâte. Car j'aurai plein de questions à poser sur toute cette histoire".