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Les Zones Natura 2000...les subventions à sec

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 08/08/2022 à 06:00

Après le monde la culture, le Président d’Auvergne-Rhône-Alpes coupe le robinet des aides pour toutes les Zones Natura 2000 des 12 départements de la région. En Haute-Loire, cela représente 24 espaces naturels protégés, soit plus de 160 000 hectares. Une hécatombe à venir pour les écologistes.

Une Zone Natura 2000 ? C’est un ensemble de sites naturels identifiés pour la rareté ou la fragilité des espèces sauvages, animales ou végétales, et de leurs habitats. Une fois désignés, ces sites Natura 2000 doivent être gérés de façon à garantir la survie à long terme des espèces et des habitats en faveur desquels ils ont été désignés. Elle concilie préservation de la nature et préoccupations socio-économiques où la conservation des écosystèmes est souvent liée à des pratiques agricoles ou forestières respectueuses de l’environnement.

Près d’un tiers du département en zones protégées

La Haute-Loire fait partie des départements de la grande Région accusant l’une des plus grandes surfaces Zone Natura 2000 en proportion à sa superficie. Du haut de ses 4 977 km², les terres vellaves serrent entre ses bras pas moins de 161 601 hectares de Zone Natura 2000, réparties sur 24 secteurs. L’Alagnon, la Margeride, le Brivadois, le Mézenc, l’Arzon, les Gorges de la Loire et celles de l’Allier, Solignac...À ses quatre coins, la Haute-Loire est ponctuée de ces écrins de nature qui préservent flores, faunes et biodiversités classées exceptionnelles par l’Union Européenne.

Le secteur de Laussonne est classé en Zone Natura 2000.
Photo par Nicolas Defay

Une décision à l’opposé de toutes les autres régions françaises

Au mois de mars 2022 lors d’une commission permanente du Conseil régional, Laurent Wauquiez a opté pour que les subventions issues des Fonds européens agricoles pour le développement rural (Feader) n’alimentent plus les espaces classés Zone Natura 2000. Une première depuis l’existence de cette enveloppe mise en route il y a plus de trois décennies de cela. Des 13 régions qui découpent l’Hexagone, AuRa est la seule en France à avoir fait ce choix drastique, lourd de conséquences pour le devenir de ces parcelles préservées et des acteurs qui s’en occupent.

Depuis la loi 3DS (« différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification ») du 21 février, la compétence de la transition écologique a été transférée de l’État aux collectivités territoriales. Il est aujourd’hui du devoir des Régions de remplir les demandes Feader.

Un uppercut pour l’écologie, une caresse pour les chasseurs et les agriculteurs

Selon les services de l’exécutif régional, « le montant des crédits Feader alloués à la Région pour la période de programmation 2023-2027 est en diminution de plus de 20 % par rapport aux années de référence de la période de programmation 2014-2020 », est-il mentionné dans le média Reporterre.

« La Région a fait le choix de flécher ces crédits en faveur de nos agriculteurs, est-il encore indiqué. Il n’y a donc pas de perte de subvention mais un redéploiement des crédits pour privilégier notamment l’aide accordée à l’installation des jeunes agriculteurs, priorité unanimement reconnue, et sur les investissements agricoles ».

L'infini du Mazet-Saint-Voy, secteur protégé.
L'infini du Mazet-Saint-Voy, secteur protégé. Photo par Nicolas Defay

« Ils vont se mettre en non-conformité et risquer une sanction de la part de l’Union européenne »

En tous cas, c’est un vrai coup de poignard pour les salariés (entre 100 et 200 temps plein chargés de mission à l’échelle de la région) qui veillent sur les espèces protégées et tentent de maintenir la prestigieuse classification. Le budget alloué à chaque zone dépend de la surface et de la richesse de la biodiversité à sauvegarder. Mais pour toutes, les tâches restent sensiblement les mêmes : lien social entre les agriculteurs, les élus et les associations écologiques, travail des naturalistes pour mettre à jour le recensement de la faune et de la flore, étude de la santé des spécimens présents, installation de haies, préservation des zones humides, labours des prairies...Nombreuses sont les missions des animateurs.

Éric Feraille, Président de France Nature Environnement en Auvergne-Rhône-Alpes, témoigne sur le média Reporterre : « On ne va plus pouvoir financer les mesures agro-environnementales, les contrats avec les agriculteurs, les forestiers pour qu’ils fassent une gestion respectueuse de l'environnement. Les sites Natura 2000 ne vont pas disparaître. Mais ils vont se mettre en non-conformité et risquer une sanction de la part de l’Union européenne. »

13 % du territoire Auvergne Rhône-Alpes, soit près de 10 000 km², est couvert par le réseau Natura 2000. Ces 260 sites abritent 66 espèces d’oiseaux, 72 espèces animales et végétales et 79 habitats naturels menacés.

Toujours du côté du Mazet... Photo par Nicolas Defay

« Laurent Wauquiez veut les voir disparaître parce que ce n'est pas son électorat »

Pour certains comme Fabienne Grébert, Présidente du groupe Les Ecologistes au Conseil régional, c’est une manœuvre politique dans le but de mettre à terre l’opposition des verts. Sur le journal daté du 2 août à BFMTV : « C'est une forme de punition pour les associations, les experts, qui sont essentiels pour la préservation de la biodiversité. Laurent Wauquiez veut les voir disparaître parce que ce n'est pas son électorat », déclare-t-elle indignée.

Un financement alternatif ?

Extrêmement inquiets, les membres du réseau des conservatoires d’espaces naturels, des parcs naturels régionaux, des réserves naturelles et des grands sites de France ont interpellé le Président de Région via un courrier collectif pour lui faire prendre conscience des retombées catastrophiques qu’une telle amputation budgétaire aurait, notamment dans ce contexte d’agonie de la nature. Le 30 juin Laurent Wauquiez leurs répond en assurant réfléchir sur une solution pour financer les Zones Natural 2000 sans passer par le Feader.

Les Estables, incroyable toit des terres vellaves.
Les Estables, incroyable toit des terres vellaves. Photo par Sophie Brun