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Hommage émouvant et créatif à Simone Weil au lycée du même nom

Par Laetitia Dubois , Mise à jour le 02/02/2022 à 12:00

Les votes sont clos depuis quelques jours. Plus d’une vingtaine de productions était présentée dans le hall du lycée. Une créativité débordante pour un sujet complexe : «L’hommage peut être souvent glorifiant, mais les élèves ne sont pas tombés dans ce travers, je suis très content de ce qu’ils ont fait », commente Thibaut Milliet, professeur d’Arts plastiques.

Jeudi 27 janvier, le lycée Simone Weil accueillait Claude Delmas, célèbre photographe d’art contemporain, installé dans le sud de la France, mais particulièrement attaché à la Haute Loire et surtout à Simone Weil. L’artiste venait remettre des prix suite au vote des élèves et du corps professoral pour les élèves ayant réalisé les œuvres plébiscitées.

«Je souhaitais faire une transition abstraite en montrant le côté brutal de l’engagement de la professeur de philosophie vers la cause ouvrière, en cassant ses lunettes avec un clin d’oeil à l’univers du manga», Clément élève de 1ère

Hommage à Simone Weil, lycée Simone Weil, Le Puy en Velay
Clément, élève de 1ère Photo par Laetitia Dubois

Peinture, collage, vidéos au service de Simone Weil

«Simone Weil est notre lien à tous, vos travaux ont créé un sentiment d’appartenance», commentait Yoana Sauvan-Graindorge, proviseur. La classe Arts Plastiques a utilisé nombre de techniques pour auréoler la grande dame. Tel que Sofia, dont le travail a été un véritable coup de coeur de certains : «Ma vidéo me représente beaucoup, je ne me voyais pas faire autre chose, d’autant que j’aimerai intégrer par la suite une école d’animation ». Manon, quant à elle, a transformé la philosophe en « Wonder Woman », en s’inspirant d’un travail de Claude Delmas «La guerrière» : «Selon moi, Simone Weil est une figure iconique de l’héroïsme qui se bat pour la justice et pour la cause ouvrière». De son côté, Clément a voulu montrer les deux facettes qui l’ont interpelé dans la personnalité de la philosophe : la professeur d’un côté et son engagement pour la lutte ouvrière de l’autre : «Je souhaitais faire une transition abstraite en montrant le côté brutal de l’engagement de la professeur de philosophie vers la cause ouvrière, en cassant ses lunettes avec un clin d’oeil à l’univers du manga» explique-t-il. Ou encore, Anthéa, Loïs et Nolan qui ont intégré leur lycée dans le visage de la dame du même nom.

Hommage à Simone Weil, lycée Simone Weil
Nouhaila, élève de 1ère Photo par Laetitia Dubois

« Vous avez osé, et oser, c’est le début de la réussite », Yoana Sauvan-Graindorge, Proviseur

De nombreux autres élèves se sont emparés du sujet avec enthousiasme. «Grâce à ce travail, les élèves ont découvert qui était Simone Weil, et moi aussi, d’ailleurs certains travaux m’ont particulièrement touché», ajoute Thibaut Milliet.

Les heureuse gagnantes ont présenté une œuvre tout à fait originale mêlant l’art pictural, le collage et la lumière. Il s’agit de Marina et Louane : «On a voulu mettre en valeur tous les éléments de la vie de Simone Weil en jouant avec la lumière et avec différents reliefs». En effet, un sobre portrait en noir et blanc est entouré par une multitude d’informations, élégamment placées, dont le poème de Claude Delmas « Il restera de toi » en hommage à Simone Weil, mais également un cadavre exquis réalisé par plusieurs élèves du lycée et quelques dates charnières de la philosophe.

Le travail plébiscité arrivant en seconde position reprend les archétypes de « La liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix, réalisé par Nouhaila : «La figure principale est Simone Weil, puis j’ai souhaité y ajouter les ouvriers sans visages pour que chacun s’y retrouve», on y voit également les représentations de l’usine et les principaux édifices du Puy en Velay.

vidéo de Sofia, d'après le poème "Il restera de toi" de Claude Delmas : https://youtu.be/NE3GdGUXpBA

"J'ai eu les larmes aux yeux en découvrant vos travaux", Claude Delmas, photographe d'art contemporain

Récompensés pour leur « remarquable engagement »

« Ce n’était pas un exercice facile, le personnage est complexe, Simone Weil était une guerrière de son temps en refusant l’obscurantisme et en souhaitant protéger le peuple », commente Yoana Sauvan-Grandorge. Les heureux lauréats ont été récompensés en recevant une œuvre de Claude Delmas, photographe d’art contemporain, particulièrement attaché au personnage que représente Simone Weil : «J’ai eu les larmes aux yeux en découvrant vos travaux, mais surtout en vous écoutant les expliquer, vous avez fait un travail formidable avec un remarquable engagement, vous avez eu l’audace de remettre cette grande dame au goût du jour, c’est une vraie leçon de vie et de vitalité qui est importante à mes yeux ».

Le lycée réfléchit déjà à la façon de valoriser ce travail mais aussi à le renouveler : « C’est la première fois que nous faisons une opération de ce type, il y a eu une centaine de votants, c’est déjà bien au vu de la situation sanitaire actuelle, nous ferons encore mieux la prochaine fois » conclue Anne-Claire Quemener, documentaliste.

Gc025450-Romantique

Travail de Claude Delmas : "Romantique"

 

Simone Weil est une philosophe française née à Paris le 3 février 1909. Issue d'une famille de confession juive, mais de parents agnostiques, elle décroche son baccalauréat de philosophie au lycée Victor-Duruy, où elle suit entre autres les cours du philosophe René le Senne. Elle entre alors au lycée Henri-IV, où son professeur, Alain, devient son maître à penser. Elle y fait également connaissance de la jeune Simone de Beauvoir, d'un an son aînée. Elle intègre par la suite l'École normale supérieure en 1928 et décroche son agrégation trois ans plus tard.

Devenue enseignante au Puy en Velay, Simone Weil se lie aux combats sociaux de l'entre-deux-guerres et devient une figure du mouvement syndicaliste en rejoignant le piquet de grève de l'hiver 1931-1932 puis de 1936. Elle abandonne même quelque temps sa carrière dans l'enseignement pour devenir ouvrière à la chaîne chez Alstom ou Renault. Consciente également du désordre mondial qui se profile, elle s'engage pendant la guerre d'Espagne contre le coup d'État du général Franco et se rend dès 1932 en Allemagne pour constater la montée du nazisme.

La Seconde Guerre mondiale met sa famille en danger : elle se réfugie à Marseille et rejoint les rangs de la Résistance en écrivant pour les Cahiers du Sud, importante revue littéraire de la France libre, sous le pseudonyme d'Émile Novis, anagramme de Simone Weil. Elle parvient à faire émigrer ses parents aux États-Unis puis rejoint la France libre du général de Gaulle à Londres. Elle démissionne en juillet 1943 et retourne en France, soucieuse de partager les conditions de vie du pays en guerre. Sa santé fragile décline rapidement : atteinte par la tuberculose, elle meurt le 24 août 1943 au sanatorium d'Ashford.