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Maire : ses pouvoirs de police et ses limites

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 21/10/2021 à 12:00

Mercredi 20 octobre, 80 élus de communes altiligériennes ont participé à une formation d’importance pour leur fonction et leur personne. Connaître l’étendue de leurs pouvoirs de police et comment les mettre en place.

« On ne peut pas exercer sereinement ses fonctions si on a peur et si on ne se sent pas soutenu par les institutions qui nous entourent. Il faut que la justice soit au courant de ce qu’il se passe pour que des procédures judiciaires puissent être établies. Il ne faut pas que les élus et les maires subissent leur fonction ». Tels sont les mots de Nicolas Rigot-Muller, procureur de la République au tribunal du Puy-en-Velay, présent à la formation destinée aux maires, leurs adjoints ou encore les DGS (Direction Générale des Services) des communes et communes de communes de la Haute-Loire ce mercredi 20 octobre à l'Hôtel du Département.

Nicolas Rigot-Muller aux côtés de Bernard Souvignier et Serge Boyer. Photo par Nicolas Defay

« Cela fait 17 ans que je suis maire et je suis incapable de vous dire comment on fait pour dresser un PV »

À ses côtés, Bernard Souvignet, maire de Raucoules, président de la Communauté de communes du Pays de Monfaucon et président de l’Association des Maires de Haute-Loire, préside le rendez-vous mais admet être dépourvu sur le sujet. « Cela fait 17 ans que je suis maire et je suis incapable de vous dire comment on fait pour dresser un PV (Procès Verbal, Ndlr), avoue-t-il. On se sert très peu de son pouvoir de police ».

Comme Bernard Souvignet, pléthore sont ses confrères et consœurs avides de questions au vu du nombre de participants dans la salle de l'Hôtel du Département. « Il y a eu plus d’inscriptions que ce que la salle peut contenir de personnes, livre-t-il. Beaucoup de nouveaux maires ne savent pas quand commence leur pouvoir de police et quand il finit. Des « vieux » maires également ».

« Il ne faut pas qu’un maire se dise qu’il a voulu faire légalement son rôle pour se retrouver à mettre sa vie en danger à cause d’une contravention dressée. Ils ont des pouvoirs et il faut qu’ils puissent les exercer sereinement ». Nicolas Rigot-Muller

« Un maire peut tout à fait procéder à une perquisition et une interpellation »

Le procureur de la République résume le statut du premier magistrat qu’est le maire d’une commune. « Le maire peut avoir beaucoup de pouvoirs car il a la qualité d’officier de police judiciaire sur son territoire, assure Nicolas Rigot-Muller. C’est un pouvoir qui s’inscrit dans le code de procédure pénale. »  Il ajoute : « Un maire peut tout à fait procéder à une perquisition et une interpellation comme le ferait un policier ou un gendarme ». Bernard Souvignet de préciser : « On n'a rien de plus que la police ou les gendarmes. Nous sommes simplement complémentaires ! »

Depuis des années, les élus locaux sont victimes d’actes de plus en plus violents dans l’exercice ou du fait de leurs fonctions. Ces derniers mois, l’AMF a alerté le gouvernement sur la recrudescence des incivilités et l’inquiétante multiplication des agressions envers les élus qui sont, pour certaines, allées jusqu’au drame.

Devant la difficulté de mesurer précisément le volume de ces actes et l’inégalité des suites judiciaires apportées, il est apparu fondamental à l’AMF de mettre en place, avec le soutien des 103 associations départementales de maires, un dispositif permettant une remontée d’information la plus systématique et fiable possible.

Ainsi, elle lance aujourd’hui l’Observatoire des agressions envers les élu(e)s qui va non seulement veiller au suivi de ce phénomène mais aussi à l’application effective de la circulaire du ministre de la Justice du 7 septembre, qui est un premier pas mais doit maintenant s’appliquer concrètement.

Cet observatoire a six objectifs principaux : une remontée fiable et précise des agressions dont les élus font l’objet ; une étude de la typologie des agressions ; un suivi des plaintes déposées et des réponses judiciaires apportées ; un suivi de l’accompagnement apporté aux élus touchés ; un suivi du service rendu aux élus par les forces de sécurité intérieure et la Justice ; l’élaboration de propositions pour prévenir ces atteintes.

En effet, ce nouvel outil doit permettre à chaque élu de témoigner précisément des atteintes physiques ou verbales qu’il a vécues et de compléter sa déclaration tout au long du processus judiciaire. Chaque témoignage permettra de mesurer d'éventuelles disparités géographiques, de comprendre les circonstances susceptibles de favoriser les agressions d’élus et, ainsi, de mesurer la réalité du phénomène et les réponses apportées.

Le choix a été fait de prendre en compte les agressions commises à l’encontre des maires, adjoint(e)s, conseillers/conseillères délégué(e)s, président(e)s et vice- président(e)s d’EPCI. Les adhérents et non adhérents pourront témoigner. L’Association dressera un premier bilan dans six mois aux fins d’évaluer l’application des mesures annoncées dans la circulaire du 7 septembre.

Télécharger le lien vers l’outil : observatoire des agressions envers les élu(e)s

« On veut essayer d’être gentil, d’être au plus proche des gens, mais c’est un profil compliqué »

Que doit faire le maire devant un dépôt sauvage d’immondices dans sa commune ? Comment doit-il réagir s’il suspecte un mariage blanc dans sa mairie ? Comment changer un prénom à la demande d’un de ses concitoyens ? Des questions aussi diverses que variées que des dizaines de maires se posent sans connaître les réponses. Comme la question de l’incivilité à leur encontre. « Il est certain que le problème prend de plus en plus d’importance, déplore Bernard Souvignet. On veut essayer d’être gentil, d’être au plus proche des gens, mais c’est un profil compliqué car nous avons aussi un rôle d’encadrant à assurer. »

Le maire de Raucoules continue en ce sens : « Les gens ne respectent plus la petite distance qu’il y a tacitement entre le maire et le citoyen. Tout le monde témoigne du respect pour le Procureur, pour la justice, la police et autres. Envers le maire d’une petite commune, c’est différent. Et certaines situations peuvent prendre alors une dimension dangereuse pour l’élu ».

« S’il y a des tensions entre voisins, choses courantes dans les villages, nous allons proposer aux maires de ne pas s’en mêler mais de faire intervenir un médiateur de la République. S’impliquer là-dedans, c’est courir le risque de prendre partie pour l’un des deux, transférant alors les tensions directement sur le maire lui-même ». Bernard Souvignet

Les maires au rdv pour cette formation sur leurs pouvoirs de police. Photo par Nicolas Defay

« Elle n’a pas voulu porter plainte malgré mes sollicitations »

Seulement un an après avoir pris les fonctions de président de l’Association des Maires de Haute-Loire, Bernard Souvignet révèle avoir déjà eu mentions d’incivilités envers des élus. « Il y a de plus en plus de cas d’agressions qui nous remontent. Mais les victimes ne veulent pas forcément franchir le pas en appelant la justice. J’ai l’exemple d’une élue de Brioude qui a été bousculée par des motards de sa commune après les avoir interpellés pour leurs attitudes inappropriées. Elle n’a pas voulu aller plus loin car elle avait peur que son autorité soit discréditée si l’affaire venait à se savoir dans la commune. Elle n’a pas voulu porter plainte malgré mes sollicitations ».

Nicolas Rigot-Muller ajoute : « Dans un premier temps, il faut que le maire ou l’élu explique à la justice qu’il s’est passé quelque chose d’anormal. Le second temps est la qualification à donner à l’injure, à la menace ou autres. Nous avons signé une convention pour qu’il y ait justement des liens très étroits entre le maire et le procureur. Qu’ils n’hésitent surtout pas à nous solliciter ! »

« Il faut qu’il y ait un témoin oculaire pour que le maire ne soit pas ensuite accusé de quelque chose qui n’a pas eu lieu »

« On recommande fortement aux maires de toutes les communes de ne pas intervenir seul quelle que soit l’affaire !, martèle Bernard Souvignet. Je ne parle pas de faire appel aux forces de police ou de gendarmerie, je parle de la présence d’un tiers comme un adjoint par exemple. Dans chaque cas un peu sensible, il faut qu’il y ait un témoin oculaire pour que le maire ne soit pas ensuite accusé de quelque chose qui n’a pas eu lieu. »
Il souligne encore : « Même lorsqu’il y a des permanences à la mairie, on recommande aux maires de toujours laisser la porte ouverte. Ceci, afin d’éviter toute ambiguïté qui pourrait être extrêmement préjudiciable pour sa fonction et surtout sa personne ».