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Abdelkader Railane: "Prier Dieu par amour plutôt que par peur"

Par olivier@zoomdici.com , Mise à jour le 21/10/2021 à 06:31

Avec "Haram City, la cité des interdits", Abdelkader Railane publie son quatrième roman.

Après "En pleine face" (2011), "Coeur Hallal" (2014), et "Chez nous, ça s'fait pas!" (2016) il poursuit sa quête intérieure par une sorte d'ode très littéraire au pardon. 

Son héros s'y fraye un chemin difficile entre haram et hallal, l'interdit et le permis dans l'islam. 

Rencontre avec un romancier Yssingelais dont le regard sur le monde est optimiste et sans concession.

La trame du roman d'Abdelkader Railane tourne autour de la quête de son héros, Samir, un homme d'affaires belge ayant réussi dans l'immobilier, rattrapé par son passé de petit caïd de cité. Ses frasques de jeune Magrébin désoeuvré, ses rêves d'opulence, une fuite éperdue vers un ailleurs aux contours flous, la religion musulmane qu'il vit à sa sauce, tout lui saute au visage et ses tourments lui pèsent.

Un projet viendra le titiller, le sauver peut-être: réaliser un pèlerinage à la Mecque. Ambition exigeant en amont de remettre les choses en ordre dans sa vie et de régler quelques comptes avec son passé. Une tâche herculéenne.

"Quand j'étais jeune, tout ce qui était "haram" était plus ou moins mis en relation avec une peur de l'enfer"

Pourquoi avez-vous écrit ce roman?

C'est déjà mon quatrième roman. J'ai clairement voulu écrire une ode au pardon. Et raconter l'histoire d'un homme tourmenté mais qui retrouve une voie dans sa vie. Quand j'étais jeune, tout ce qui était "haram" était plus ou moins mis en relation avec une peur de l'enfer. Par conséquent, le "hallal" était présenté uniquement comme le remède à cette peur. J'ai voulu montrer qu'on pouvait prier Dieu par amour plutôt que par peur.

"Une fiction permet un récit plus dense"

Est-ce la traduction d'une quête personnelle?

Bien que ce soit un roman, j'y ai mis beaucoup d'éléments réels. J'ai choisi la forme romanesque parce qu'une fiction permet un récit plus dense. Souvent lorsqu'on parle de la religion musulmane -et c'est d'ailleurs peut-être vrai pour les autres- la notion de peur ressort. J'ai une autre manière de voir les choses. Il faut chercher à s'émanciper de ce carcan. Dans ce livre, tout en parlant de culture, de famille, de religion, je montre qu'on peut y adosser tous les rejets personnels ou sociétaux.

"Chacun peut appréhender ses croyances selon son caractère"

Existe-t-il une voie sans la notion de peur?

Oui, bien entendu ! Tout le monde parle aujourd'hui de la peur de l'islam. Un polémiste désormais célèbre fait peur à la France à propos de la religion musulmane. Je suis personnellement vraiment convaincu que l'islam de France peut se développer en lien avec les valeurs de la république. Chacun peut appréhender ses croyances selon son caractère. Dans mon roman, Samir a été un délinquant mais son cheminement n'est pas différent de celui des autres gens. Et ce raisonnement vaut pour les hommes comme pour les femmes.  

"Peut-être n'aurais-je pas le courage de vivre cela ou de dire certaines choses dans la vie réelle"

Abdelkader Railane est directeur de la Mission Locale de la Jeune Loire et ses rivières depuis 2004.
En 2006, le préfet de la Haute-Loire l’a nommé représentant de la Copec (Commission pour la promotion de l’égalité des chances et de la citoyenneté) qui devient en 2016 le Comité opérationnel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme (Cora).
En 2010, il a été nommé Chevalier dans l’ordre des Palmes Académiques.

Votre texte a-t-il une vocation littéraire ou sociale?

C'est mon livre le plus abouti. J'ai mis beaucoup de temps à l'écrire. Le style s'en ressent. En même temps il est vrai que j'ai voulu faire passer beaucoup de messages. C'est une des raisons pour lesquelles j'écris. On dit des choses différentes par écrit dans une fiction romanesque que dans la vie quotidienne. Je fais vivre des personnages qui ont des émotions, qui rient, qui pleurent, qui rêvent avec intensité. La fiction permet cette emphase ou ce jusqu'au-boutisme. Peut-être n'aurais-je pas le courage de vivre cela ou de dire certaines choses dans la vie réelle. C'est un des passe-droits de l'écrivain.

"Je suis attiré par Camus pour son optimisme et son humanisme"

Quels sont vos modèles?

J'ai beaucoup lu et apprécié "L'étranger" de Camus. Je suis attiré par ses valeurs d'optimisme et par son humanisme. Nietzsche m'a aussi beaucoup apporté pour pouvoir m'émanciper de ma religion. Ses concepts m'ont paru utiles et éclairants. A propos de mes vagabondages littéraires, je pourrais également évoquer Diderot, Céline ou Chateaubriand. Et dans un autre registre Boualem Sansal ou Kamel Daoud, dont je ne partage pas toutes les positions mais dont j'aime l'écriture et qui ont ouvert bien de chemins de réflexion pour de nombreux auteurs  sur les thèmes dont nous venons de parler.

 

Abdelkader Railane dédicacera son livre le samedi 23 octobre de 10h à 18h à la FNAC du Puy-en-Velay