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Restaurants : en plein cœur de la tempête

Par maceo.cartal.3… , Mise à jour le 11/03/2021 à 08:30

Après une année complète sous le signe du coronavirus, retour sur le secteur de la restauration, frappé de plein fouet par cette crise sans précédent. Fermeture administrative, changement de cap, passage à l’emporter, chacun tente de trouver des solutions en attendant avec impatience la réouverture.

Voici un an que le coronavirus a pris possession de notre quotidien. Habitudes chamboulées, surmortalité, hôpitaux saturés, au-delà du bilan humain en tant que tel, cette épidémie nous a tous touchés à différentes échelles. L’impact économique est bien réel et les restaurateurs font partie des premiers touchés avec une fermeture forcée. Malgré la trêve estivale, le temps est long et tous ne peuvent qu’attendre le feu vert de la réouverture, aussi attendu par les restaurateurs que les clients.

S’adapter aux restrictions

Le Palais et deux autres restaurants en vente

L’entreprise digital OpenStudio est jusqu’à présent propriétaire du Palais, Fleur de Sel et Casa Nostra. Ces trois restaurants sont aujourd’hui en vente mais sans que cela résulte de la crise sanitaire. « Nous avons investi dans la vie locale avec ces trois restaurants. Ils sont désormais effectivement en vente. Nous avons des contacts avancés pour certains restaurants. Ce n'est pas directement le Covid qui a conduit à ces ventes mais la difficulté de trouver un gérant. De plus nos activités dans le numérique nous occupent beaucoup, et nous ne pouvons pas être partout », nous indique Emmanuel Nurit, associé à OpenStudio.

Ne pouvant plus accueillir du public, même en extérieur, les restaurateurs n’ont pas eu d’autres choix que de s’adapter. Pour ceux qui le pouvaient, la plupart se sont rabattus sur les ventes à emporter. Si cette pratique était déjà courante au sein de certains établissements comme les fast-foods et street-foods, elle reste une nouveauté pour bon nombre de restaurateurs classiques. C’est le cas du restaurant L’Émotion au Puy-en-Velay qui s'est mis à proposer ce service de vente à emporter. « Ce n’est pas notre manière de fonctionner à la base, mais il faut s’adapter et continuer de proposer un service aux clients. C’est pourquoi nous avons mis en place la vente à emporter les vendredis et samedis », indique Mickaël Ruat, gérant et chef de l’Émotion, fraîchement promu Bib Gourmand.

Pour s’adapter aux restrictions, Mickaël Ruat propose ainsi à ses clients de venir récupérer leur plat entre 16h et 17h45 « pour éviter qu’il y ait trop de monde d’un coup et aussi pour respecter le couvre-feu », indique t-il. Il a également réduit sa carte à deux entrées, deux plats et deux desserts, proposant ainsi un menu à 25 € au lieu de 33 € car il veut garder la qualité de ses produits et de ses plats « même si malheureusement, la cuisson en direct et le dressage n’y est pas », déplore t-il.

La crise à tous les niveaux

Le restaurant qui s'est converti en supérette bio

Le restaurant franchisé "À la bonne heure" situé dans la zone d'activité de Chirel, à Vals-Près-le-Puy, s'est reconverti en changeant de franchise. Ce dernier s'est effectivement transformé en un Casino Bio suite au manque de perspective du monde de la restauration à cause de la crise sanitaire.

C’est peut-être quelque chose qui n’est pas évident mais les grands restaurants aussi sont touchés par la crise. Régis Marcon, chef triplement étoilé à Saint-Bonnet-le-Froid, subit également cette crise au même titre que ses confrères : « Notre situation géographique ne nous permet pas de mettre en place les ventes à emporter, et cela est également difficile à mettre en place au vu de notre cuisine », précise Régis Marcon. « Autre chose qui nous coûte très cher, et il faut le dire mais c’est assez spécifique à ce type d’établissements (grands restaurants étoilés, NDLR), nous avons quatre personnes qui sont toujours dédiées aux réservations, précise le chef étoilé, nous avons décidé de maintenir ce contact primordial avec les clients qui continuent d'appeler ».

Changeons d'échelle. Elena Karapatouchas, du petit restaurant grec Apollonel, au Puy, n’a pas eu recours à la vente à emporter non plus mais pour une autre raison. « Nous n’avions pas assez de demande ; ça se limitait à environ deux demandes par jour grand maximum, c’est pourquoi nous avons décidé de ne pas proposer ce service », expose-t-elle.

La perte sociale au-delà de la perte économique

L’impact économique sur les restaurateurs n’est pas négligeable. Malgré les aides de l’État qui parviennent à limiter la casse, survivre est parfois compliqué tant certaines charges (factures, loyer, etc.) coûtent chers aux restaurateurs. En effet, L’Émotion a, par exemple, essuyé une baisse de 95% de son chiffre d’affaires, et bien que le restaurant ait le droit aux aides, ces dernières « ne remboursent pas les frais fixes » selon Mickaël Ruat.

« Nous avons mis de côté notre chiffre d’affaires car de toute façon nous ne pouvons pas travailler, mais le contact avec les gens est l'une des choses les plus importantes que nous tenons à garder » Elena Karapatouchas

Mais, au-delà de cette détresse économique, le lien social que représente un restaurant bouleverse les professionnels. « On ne fait pas la vente à emporter pour gagner de l’argent. On fait en sorte que la chute, aussi inéluctable soit-elle, soit moins forte. Les ventes à emporter sont là pour les clients et garder ce contact qui nous manque à tous », assure Mickaël Ruat. « Nous avons mis de côté notre chiffre d’affaires car de toute façon nous ne pouvons pas travailler, mais le contact avec les gens est l'une des choses les plus importantes que nous tenons à garder », renchérit Elena Karapatouchas. Ce lien social, elle a pu le garder en partie grâce à sa petite épicerie de produits locaux grecs qui est ouverte chaque samedi matin. « Avec le marché, les gens se baladent, entrent, et viennent parfois uniquement discuter. C’est ce lien qui nous permet de tenir et de garder le positif de chaque situation », confie Elena Karapatouchas.

La restauration au service des soignants

Plusieurs restaurateurs ont pris l'initiative de mettre à profit leur cuisine pour les premières lignes de ce combat face à la Covid-19. Régis Marcon a régulièrement préparé des plats pour les soignants des centres hospitaliers de Saint-Étienne et Firminy.

Pour Régis Marcon également, ce contact humain est très important. Malgré la fermeture du restaurant, le chef étoilé continue d’organiser des rencontres avec ses collaborateurs par le biais de journée cuisine « ludique » selon le chef et autres rencontres. C’est par ailleurs dans ce souci de contact que le restaurant de Saint-Bonnet-le-Froid a tenu à garder le contact client.

Une reprise assurée… mais quand ?

Tous sont dans les starting block et se disent prêts à rouvrir dès que possible. « La maison n’aura jamais été aussi bien nettoyée, repeinte et propre », plaisante le chef Régis Marcon. En effet, ce dernier assure que ses réservations sont complètes sur six mois. « On est en quelque sorte victime de notre succès, notre renommée, si j’ose dire, nous permet d’assurer la présence des clients dès la réouverture », admet humblement le chef étoilé. Mais la renommée ne fait pas tout, puisque Elena Karapatouchas est également confiante sur la venue des futurs clients. « Quand les gens viennent nous voir, nous avons beaucoup de mots de soutien et ils semblent tous dire qu’ils seront au rendez-vous. Je pense que eux aussi ont besoin de ça. Ce sera pareil pour tous mes collègues restaurateurs, les gens ont envie de sortir et de partager un repas au restaurant », assure-t-elle. Mickaël Ruat le confirme également et ira même plus loin en ouvrant six jours par semaine au lieu de cinq. Il compte même embaucher une personne supplémentaire pour le service en salle.

« Commander à emporter deux ou trois fois c’est sympa, mais au-delà c’est lassant » Mickaël Ruat

Les clients également commencent à éprouver de la lassitude face à cette situation. « On voit une baisse des commandes à emporter. C’est vrai que commander à emporter deux ou trois fois c’est sympa, mais au-delà c’est lassant. On sent que les gens ont ce besoin de venir dans le restaurant », évoque Mickaël Ruat.