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Déviation RN88 : '''Le rapport de l’enquête ne vaut rien'''

, Mise à jour le 27/11/2020 à 09:08

Coluche disait en son temps : « Y a deux sortes de justices : vous avez l’avocat qui connaît bien la loi, et vous avez l’avocat qui connaît bien le juge. » Le collectif d’associations France Nature Environnement semble s’être inspiré de cette citation pour résumer leur ressenti sur le rapport de l’enquête publique dévoilé le 25 septembre dernier concernant la déviation de St-Hostien/Le Pertuis. « Ce rapport est le produit d’une commission d’enquête qui méconnaît le sujet mais qui ne méconnaît pas le maître d’ouvrage. » Portés par les voix de Jean-Jacques Orfeuvre et de Renaud Daumas, tous deux au sein de l'association FNE 43 (France Nature Environnement), ils dépiautent certains points des 127 pages de ce rapport qui va assurément faire parler de lui dans les mois et peut-être les années à venir.

Une demi page pour les avis favorables, dix pages pour les autres
« Ce qui me choque, c’est le parti-pris employé par le commissaire enquêteur (Henri de Fontaines, Ndlr) pour faire le bilan de l’enquête publique, partage Renaud Daumas, président de FNE 43. Déjà, il n’y a aucune analyse sur les observations pro-projet (page 19 du rapport, Ndlr). Aucun des arguments n’a été remis en question. Cette partie-là ne tient que sur une demi page dans le rapport. Par contre, les observations contre le projet ont été scrutées à la loupe, contredites et toutes remises en cause (de la page 19 à 29, Ndlr). Les avis défavorables et les avis des commissaires enquêteurs occupent dix pages. C’est dire le déséquilibre entre les deux parties. »

Du flou dans le nombre des observations
FNE 43 estime que le commissaire enquêteur a seulement pris en compte le poids du nombre des observations plutôt que le poids des arguments. « 40 % d’avis défavorables très argumentés sur le projet, c’est beaucoup plus que 60 % d’avis dits positifs et sans argument, souligne Jean-Jacques Orfeuvre, vice-président de FNE 43. Nous ne sommes pas dans un référendum avec un oui et un non. Les commissaires enquêteurs auraient dû se concentrer sur l’argumentaire des avis exprimés et leur pertinence plutôt que de comptabiliser simplement les pour et les contre. » D’ailleurs, concernant le nombre des observations, le rapport indique 1 268 observations « positives » au projet contre 719 « négatives ». Or, FNE 43 a mentionné que le total des remarques défavorables au projet serait de 1 352, soit plus que celles des pro-déviation.

Et du flou dans les explications du commissaire enquêteur
Un autre point de crispation soulevé par les deux représentants de FNE 43 est l’imprécision distillée à travers le rapport. « Le commissaire enquêteur écrit, concernant la fluidité du trafic, que le gain de temps favorisé par cet ouvrage n’est pas à prendre au seul droit de celui-ci mais comme s’ajoutant à la totalité du tracé, relate Renaud Daumas. Au lieu de mentionner que le gain de temps sera minime (2 minutes pour les voitures et une minute pour les poids-lourds selon l’enquête publique en page 553, Ndlr), il englobe tout l’itinéraire routier. Ce recours à tout confondre et éviter une analyse précise sur la section mise à l’enquête montre la gêne du commissaire enquêteur et du maître d’ouvrage pour justifier ce projet »

Un accident en dix ans
À propos de l’argument sur la sécurité, FNE 43 a demandé à l’ancien préfet, Nicolas de Maistre, le nombre de morts sur la portion de route entre St-Hostien et Le Pertuis. « Les chiffres qu’il nous a transmis indiquent qu’il y a eu un seul accident mortel en dix ans, assure Jean-Jacques Orfeuvre. Il a provoqué deux tués. Il a été prouvé que ce drame n’avait rien à voir avec la route mais plutôt avec l’état alcoolisé et sous stupéfiant du conducteur. » Il ajoute : « Bien évidemment, nous ne contestons pas le besoin de sécurité des habitants. »

« Ils n’ont qu’à affirmer aussi que c’est une bonne chose pour l’environnement ! »
Lire que la commission d’enquête stipule que cette déviation s’inscrit dans la préservation de l’environnement a également fait grincer des dents l’association de défense de la nature. Pour rappel, la déviation concerne le projet d’une 2X2 voies de 10,7 kilomètres où sera construit un viaduc de 300 mètres de longs et 13 ouvrages d’art, le tout générant 3 millions de m³ de déblais pour 1,4 millions de remblais. « Ils n’ont qu’à affirmer aussi que c’est une bonne chose pour l’environnement !, s’insurge Renaud Daumas. Les travaux vont détruire 40 hectares de zones humides, couper des cours d’eau et même une zone de captage. Le commissaire cautionne le projet en disant que la route va s’intégrer parfaitement dans le paysage et qu’il va participer au maintien de la diversité ! »

D’après FNE 43, une centaine d’espèces animales seront ainsi menacées. « L’enquêteur va même jusqu’à marquer que l’Autorité environnementale emmétrait un avis favorable aux travaux. Il suffit de lire les remarques de cet avis en question pour constater que celui-ci est particulièrement critique ! » (Page 37 du rapport, Ndlr)

Un mois d’enquête pendant l’été, prolongation refusée
Malgré la demande par FNE 43 d’une prolongation de l’enquête publique, enquête qui s’est déroulée du 15 juillet au 14 août, leur requête a été refusée. « Le commission a estimé que même si elle se passait durant la période estivale, cela n’était pas gênant car les gens n’avaient plus de longues semaines de congés et avaient donc le temps d’aller consulter l’enquête. » Dans le rapport, il est en effet écrit à la page 28 : « Aujourd’hui, peu de gens prennent quatre semaines de congés, donc sont parfaitement disponibles pour participer à ce débat ».

Réunion au Pertuis et manifestation au Puy
« Le rapport de l’enquête ne vaut rien, martèle Renaud Daumas. C’est pourquoi nous attendons avec impatience la réponse du préfet, dernier décisionnaire. Nous avons écrit par deux fois à Eric Etienne et aucune réponse ni aucun accusé de réception ne nous ont été transmis. S’il donne un avis positif, nous étudierons toutes les voies judiciaires pour contrer le rapport. Et si on obtient déjà un référé suspensif en cas de début des travaux, ce sera une première victoire et le début d’une longue bataille. »

La prochaine action de FNE 43, composée de 25 associations partenaires, sera une sensibilisation sur le projet, ce dimanche 4 octobre sur la place du village du Pertuis. Une seconde réunion sera ensuite programmée à Saint-Hostien. « Le 17 novembre, nous faisons également un nouvel appel à l’instar de ce que nous avions fait au Pertuis précédemment, mais cette fois-ci au Puy-en-Velay. Si le préfet souhaite nous rencontrer, nous serons là. Et nous le serons jusqu’au bout et pendant des années s’il le faut ».

Nicolas Defay