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Chadrac

Après 30 ans à la tête de Chadrac, Gérard Convert rend son écharpe

, Mise à jour le 27/11/2020 à 09:03

Après le départ de Jean-Claude Ferret il y a six ans, il était l'une des seules, pour ne pas dire l'unique figure de gauche encore aux commandes sur le bassin du Puy.
Maire de Chadrac depuis 1989, Gérard Convert a également été conseiller départemental de 1989 à 2015, sans oublier son siège à l'agglo, depuis 1989 également, dont deux mandats comme vice-président.

"Beaucoup de mauvais souvenirs" à l'agglo mais la fierté d'avoir vu ce "plateau boueux" devenir Chadrac
Trois décennies de vie politique semées d'embûches forcément, notamment dans ses relations avec la communauté d'agglomération du Puy (qui l'a "viré car il avait refusé de voter le budget du golf" et dont il garde "beaucoup de mauvais souvenirs"), mais aussi de réussites et de satisfaction quand il a vu sa commune changer de visage au fil des ans.
D'un "plateau boueux" où on roulait "sur des planches et des cailloux", la commune s'est aujourd'hui doté d'un certain nombre d'infrastructures pour offrir un maximum de services aux Chadracois.
À quelques jours du premier tour des municipales, il nous livre également son regard sur l'évolution de la vie politique et des relations qu'entretiennent les élus avec les administrés.

À l'heure du bilan de 30 ans à la tête de la mairie de Chadrac, quel sentiment domine ? De la nostalgie ? De la fierté ? De la déception ? De la frustration ? De la satisfaction ?
C'est avant tout un sentiment de satisfaction car avec mes différentes équipes, en 30 ans, on a transformé Chadrac. Quand je suis arrivé en 1976, c'était presque un plateau boueux, la montée de Chadrac n'existait pas, il n'y avait pas de gymnase... On peut aussi citer le Pôle Enfant Jeunesse que beaucoup de communes nous envient, on est aussi une des rares communes à avoir une restauration en liaison chaude... J'ai l'impression d'avoir fait du bon boulot.

Tout n'a pas toujours été rose non plus... il y a forcément un bémol ?
Oui, je dirais que lors ce dernier mandat, j'ai le sentiment que le maire est devenu un juge de paix. Souvent les gens pensent que tout est de notre responsabilité. Encore hier soir (ndlr : entretien réalisé mercredi matin), j'ai téléphoné à la police parce qu'il y avait des jeunes qui faisaient des rodéos en moto et la police m'a demandé pourquoi les riverains ne les avaient pas directement appelés, mais non, il y a un problème, ils appellent le maire. À la fin, ça devient lassant, c'est tous les jours, on doit essayer de réconcilier les gens.

C'était moins le cas avant ?
Ah oui, vous savez, j'ai remarqué une chose. Maintenant, quand il y a quelqu'un qui dépose un permis de construire, il fait le mur d'enceinte avant de faire sa maison. On rentre, on s'enferme, il y a de moins en moins d'échange, même avec ses voisins. J'espère me tromper mais il me semble qu'il y avait avant une relation humaine bien différente de celle d'aujourd'hui. On vit pour soi maintenant, on n'a plus de temps pour les autres et d'ailleurs les associations ont de plus en plus de mal à constituer leurs bureaux et trouver des bénévoles.

Il y a bien un peu de nostalgie alors ?
Oui, c'est vrai, mais surtout pour ce dernier mandat, où je n'ai pas retrouvé la chaleur humaine qu'il y avait il y a 30 ans mais sinon je ne suis pas nostalgique, je m'en vais heureux et avec le sentiment du devoir accompli.

Avez-vous justement le sentiment qu'il s'agissait peut être du mandat de trop ?
On peut le dire, en tout cas mes détracteurs ne s'en privent pas. Mais sans ce dernier mandat, le Pôle Enfance Jeunesse ne se serait peut être jamais fait alors que c'est l'une des plus grandes satisfactions de mon action politique. De la crèche au CM2, tout se fait sur un même site, c'est formidable.

Au bout de 30 ans, est-ce qu'il n'y a pas une certaine lassitude qui s'installe ?
Oui, quand je vois comme la réforme des rythmes scolaires a été abandonnée alors que tous les professionnels s'accordaient sur les bienfaits pour l'enfant, et je vais aussi vous dire, sur un champ plus politique, la lassitude par rapport à la communauté d'agglo où je trouve que seul le Puy a été le véritable bénéficiaire, avec la fusion de ses services, mais les communes environnantes n'en ont pas bénéficiée. Ils ont pris tout ce qui allait bien dans les communes, et d'ailleurs aujourd'hui, certaines veulent sortir du périmètre de l'agglo.

Les liens avec l'agglo sont-ils encore plus compliqués lorsqu'on est l'une des rares communes d'opposition ?
Si vous prenez l'ensemble des communes de l'agglo, il n'y en a pas beaucoup, à part Chadrac, qui peuvent encore dire qu'elles sont de gauche. Parmi les nouvelles listes d'ailleurs, aucune ne se dit de gauche ou de droite. J'aurais au moins eu l'honnêteté de dire que je suis de gauche.

Durant cette vie politique, qu'est-ce que vous avez particulièrement aimé ? Et détesté ?
Tout comme mon mandat de maire, j'ai bien aimé aussi le mandat de conseiller général, sous les présidences de Jacques Barrot et de Gérard Roche, ça m'a passionné. Même si je siégeais dans l'opposition, il y avait un certain respect. A contrario, à l'agglo, ce sont beaucoup de mauvais souvenirs... par exemple, pendant dix ans, j'ai toujours dit que le golf était un gouffre financier extraordinaire. On m'a viré de mon poste de vice-président car j'avais refusé de voter le budget du golf. Et aujourd'hui, ils essaient de le vendre et souvenez vous que Laurent Wauquiez voulait le passer à 18 trous...
De toute façon, j'ai toujours été en conflit avec le Président Michel Joubert, pour tout. Dernier exemple, et il est récent : on fait partir Multitransports de la Petite Mer et j'apprends la destruction du site pour une transformation en piste d'exercice pour les auto-écoles. Sans jamais avoir été consulté. Mais la loi Barnier avait pour objectif de ramener le terrain à son état naturel, avec dépollution du site et revégétalisation, de bon augure en zone inondable. Mais c'étét  plus cher. J'ai écrit au préfet pour savoir si la loi est respectée car l'Agglo a touché des subventions pour ces travaux. Sincèrement, j'ai détesté le fonctionnement de l'agglo, j'ai l'impression que tout était fait et décidé par le Président et son bureau.

Alors justement, comment exister sur le bassin du Puy quand on est de gauche ?
Alors là, je me pose la question. J'ai entendu dire Michel Chapuis, dans le cadre de sa campagne aux municipales, que pour baisser les impôts au Puy, il serait bien de fusionner avec Espaly, Aiguilhe, Vals... C'est marrant, il n'y avait pas Chadrac ! On a souvent l'impression de parler dans le vide car de toute façon, si on prend l'ensemble de la composition des communes de Haute-Loire, elles sont toutes à droite. Du coup, on obtient jamais de financement. Par exemple pour l'aménagement de l'avenue Pierre et Marie Curie,  on a fait des demandes d'aides financières à la Région l'an dernier et on attend toujours une réponse.

Alors comment fait-on ?

Il faut mener ses projets grâce à l'autofinancement et grâce à l'emprunt. J'ai aussi eu la chance de pouvoir étaler les projets sur 30 ans. Mais de dire "si vous m'élisez, je vous donnerai des sous", c'est malhonnête, c'est ce qu'ont fait Dassaut ou Balkany...

En tant que maire de Chadrac, quels sont vos plus grandes réussites ?
Ma plus grande réussite, je dirais que c'est le Pôle Enfance Jeunesse, mais le fait aussi d'avoir réussi, contre vents et marées, à conserver notre cuisine en liaison chaude, qui permet aux personnes âgées de bénéficier de repas chauds dès qu'ils sont livrés. Il y a aussi toutes les réalisations de bâtiment, comme la mairie de Chadrac qui a été un des premiers de Haute-Loire à avoir un toit végétalisé et avec des accès PMR. Une autre fierté, et ça personne ne le sait, c'est que la commune est riche de commerces car elle est propriétaire des murs des commerces présents sur le plateau de Chadrac. Et puis l'action de la commune a toujours été axée en direction de la jeunesse et du sport, avec la MPT, l'araignée, le gymnase, la rampe... On a mis le paquet et on nous l'a d'ailleurs reproché.

Qu'est-ce qui a changé à Chadrac ces dernières décennies ?
Beacoup de choses ! Quand on est arrivé en 1989, les Elfes n'étaient pas encore finies et les terrains où il y a aujourd'hui les commerces n'étaient qu'une immense décharge, et personne ne croyait à notre projet. C'est le coiffeur le premier à s'être installé. Aujourd'hui, tout est rempli mais autant La Poste que le Credit Agricole sont dans des locaux qui sont propriétés de la commune.
La montée de Chadrac n'existait pas, le gymnase non plus. Tout Chadrac a été transformé. Je me souviens au début que j'habitais à Chadrac, alors qu'aujourd'hui les gens se plaignent de la voirie, mais à l'époque, pendant deux ans, j'ai roulé sur des planches et des cailloux. 

Il y a aussi des échecs ?
Oui, on peut parler du quartier de la Bouteyre et j'en veux vraiment à l'agglo parce qu'on a été rattachés à l'ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) de la ville du Puy. Résultat des courses : on a perdu 60 logements pour seulement vingt de construits. Beaucoup de gens ne comprennent pas le fonctionnement d'une commune mais les impôts sont répartis sur le nombre de la population, les recettes également, et la jeunesse c'est l'avenir de toute ville. Chadrac est d'ailleurs une ville jeune : sur 2 700 habitants, il y a environ 400 personnes de plus de 70 ans seulement. 

Et des problèmes d'insécurité ?
Non mais pas du tout, c'est très calme. Toutes les villes de l'ancien district, tous les 15 jours, on a une réunion avec les officiers au commissariat. Et bien on voit que c'est un encéphalogramme plat au niveau des infractions et des délits. Il n'y a pas de problème de délinquance à Chadrac, et même au niveau d'actes de vandalisme ou de dégradations du mobilier urbain, c'est très à la marge.

Dernier projet et non le moins polémique : l'aménagement du plateau de Chadrac. Quelle est votre position ?
Le projet, tel qu'on l'a fait, est merveilleux. On l'a réalisé en concertation avec tous les commerçants, on a fait des réunions publiques, on a travaillé de concert avec l'association qui s'est créée. Quand j'entends la candidate Corinne Bringer expliquer qu'elle va faire un nouveau projet en concertation avec les habitants, je suis surpris, elle réinvente l'eau tiède. S'il n'y a pas eu concertation quand même, ça a pris deux ans ! Alors certes, il y avait deux projets au départ et on a rapidement arrêté le premier, qui était polémique car il supprimait toute la place centrale et les commerçants se sont insurgés. Je comprends et on a arrêté. On a pris le cabinet AB2R et ils ont fait toutes les concertation, auprès de chaque commerçant, et il y aura même un gain de stationnement. Mais là, tout le monde est d'accord, donc il n'y a plus de sujet.

Pour finir, comment voyez-vous l'avenir à Chadrac ?
Je voudrais que ce qui a été engagé soit poursuivi : l'aide à la personne, les mesures en direction des plus jeunes et des associations, de la vie culturelle. Je crois en l'avenir de Chadrac et s'il y a fusion avec le Puy, on ne sait jamais, si c'est dans l'intérêt des communes, très bien, mais ce n'est pas pour passer de 20 % à 10 % d'impôts au Puy et que nous à Chadrac, on reprenne leurs impôts. 

Et sur un plan plus personnel, qu'est-ce que vous allez faire à partir du mois d'avril ?
Je vais déjà profiter d'une vraie vie familiale, j'ai mille choses à faire chez moi, et pourquoi pas écrire un livre !

Propos recueillis par Maxime Pitavy