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Pelouses synthétiques : en Haute-Loire, est-ce l'heure de retirer ses billes ?

mer 14/03/2018 - 20:15 , Mise à jour le 27/11/2020 à 08:51

Zoomdici a lancé une série de reportages concernant les pelouses synthétiques en Haute-Loire dont voici le dernier volet. Celui-ci interroge sur la nocivité de ces pelouses synthétiques et fait un tour d'horizon des pelouses synthétiques existantes, ainsi que celles en projet.
Partant du constat que le synthétique du stade Massot du Puy-en-Velay est en lambeaux et qu'il va bientôt subir des travaux, nous avons tenté d'approfondir la question alors qu'un projet concernant cinq pelouses synthétiques sur le territoire de l'agglomération du Puy, un projet auquel le Conseil régional serait prêt à apporter son soutien financier, est toujours en chantier. Alors une pelouse synthétique intercommunautaire, est-ce une chimère ? C'est la question que nous avons posé au président Michel Joubert.

----Le rapport attendu fin juin
Le gouvernement a "pris la décision de saisir l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sur les éventuels risques liés à l’utilisation des granulats de caoutchouc recyclé notamment dans les terrains de sport synthétiques", ont indiqué six ministères (Transition écologique, Santé, Économie, Travail, Agriculture et Sports) dans un communiqué commun. Le rapport est attendu pour fin juin.-----Des billes contenant de l'arsenic, du plomb et du chrome
C'est au milieu des années 2000 que les premières pelouses synthétiques ont fait leur apparition en Haute-Loire. Ces mêmes pelouses synthétiques dont l'utilisation de billes en caoutchouc (recyclées à partir de pneus usagés) pourrait présenter un danger pour la santé comme l'a révélé en novembre dernier le magazine Sofoot. En effet, lorsqu'on tacle ou que l'on chute, on a tôt fait de se brûler et "les risques de transmission de substances toxiques sont encore plus élevés quand le sang est en contact avec les granulés", précise Sofoot dans son enquête.
Ces billes que l'on va ensuite retrouver dans les chaussettes ou les sacs de sport et qui vont finir dans la machine à laver et qui viendront également impacter les nappes phréatiques. Ces billes qui pourraient être la cause de cancers du sang selon une étude de 2008 pointant la nocivité des granulés qui contiendraient notamment de l'arsenic, du plomb et du chrome.

"Tant qu'à faire, retournons aux chars à boeufs"
"Si on accrédite l'idée que ces billes de caoutchouc sont cancérigènes, alors il faut vite enlever les pneus de toutes les voitures", ironise le président de l'agglo du Puy Michel Joubert, peu enclin au "bullshit médiatique", en marge de notre entretien sur une éventuelle pelouse synthétique intercommunautaire, avant d'ajouter, dans un franc-parler qui le caractérise : "je n'y crois pas à ces conneries, tant qu'à faire, retournons aux chars à boeufs, avec des roues en ferraille, on sera tranquille".

"Plutôt vers des billes en liège pour de nouvelles infrastructures"... mais un coût plus élevé
Alors ces pelouses peuvent-elles représenter un danger et doit-on les interdire ? "Nous n'avons pas assez d'éléments pour se positionner", nous répond Philippe Dumunier, directeur du district de football de la Haute-Loire, "s'il n'y a pas d'interdiction de la fédération, on ne peut pas s'y opposer". Mais les craintes sont suffisantes pour susciter "des hésitations à en faire de nouveaux", reconnait Paul Chamaly, président de la commission des infrastructures sportives au district de la Haute-Loire.
"Il ne faut pas se précipiter sur le fait que ces pelouses soient cancérigènes mais il faut rester prudent", nuance-t-il, "quoi qu'il arrive, on s'oriente plutôt vers des billes en liège pour de nouvelles infrastructures et on abandonnerait les billes en caoutchouc". Problème pour les collectivités : le coût est alors plus élevé, de l'ordre de 25 à 30 %.

Sur une pelouse synthétique, "les ballons noircissent et sont plus vite usés"
La pelouse synthétique à partir de billes en liège n'est pas non plus une solution miracle. Le centre de formation de Clermont foot en possède un mais on s'est aperçu, par fortes gelées, que le terrain devenait glissant et dangereux. Il faudra un peu plus de recul pour tirer les premiers enseignements.
En revanche, s'il y a bien une certitude, c'est que les billes de caoutchouc ont tendance à "dévorer" les ballons après les avoir noircis, ce qui implique de les changer plus vite. Un constat confirmé par Christophe Mourier, responsable des jeunes et entraîneur de l'équipe réserve du Puy foot 43.

  • État des lieux des pelouses synthétiques en Haute-Loire

Zoomdici a fait le point sur les huit pelouses concernées dans le département, toutes implantées dans la première circonscription (Le Puy / Yssingeaux). Nous ne reviendrons pas sur le cas de Massot, dont la pelouse est en lambeaux et dont des travaux sont envisagés pour 2019

À Monistrol, un terrain homologué pour accueillir des matchs officiels jusqu'en R1
La plus ancienne en Haute-Loire est celle de Monistrol-sur-Loire : depuis octobre 2005, une vingtaine d'équipes (400 licenciés environ), sans oublier les scolaires (surtout les collèges) s'y entraînent régulièrement. Le terrain, grillagé, est homologué pour accueillir des matchs officiels jusqu'en R1. L'investissement de l'époque avoisinerait les 400 000 €.
"On va conserver l'équipement en l'état, on y fait l'entretien courant, et il faudra prévoir un renouvellement dans quelques années", nous renseigne-t-on en mairie, "on fera sans doute un choix où il n'y aura pas de doute sur la nocivité des matériaux. Si la dangerosité est avérée, on prendra aussitôt des mesures". 

À St-Pal-de-Mons, "en hiver, on est les seuls à pouvoir jouer dans le coin"
C'est Saint-Pal-de-Mons qui va emboiter le pas au club de Monistrol en réalisant le même type d'infrastructure en 2006. "On est très satisfaits de cette infrastructure et en hiver, on est les seuls à pouvoir jouer dans le coin et le terrain ne bouge pas", nous explique le président du club Roland Depeyre, fort de 170 licenciés et dont l'équipe première évolue en D4.
Pour lui, c'est "indubitablement un bon investissement", car il n'y a "que la neige et le gel" qui empêchent ses joueurs de chausser les crampons. Même au coeur de cet hiver, avec des températures allant jusqu'à -15°C, les séances ont été maintenues car le terrain n'avait pas gelé. "Si d'autres analyses révélaient une extrême dangerosité, alors on changerait peut-être mais pour l'instant, rien n'est prévu", conclut-il.

Un synthétique intercommunautaire à St-Ferréol
Puis en 2007, une troisième pelouse synthétique voit le jour en Haute-Loire, du côté de Saint-Ferréol-d'Auroure. La mairie ne pouvait assumer seule un tel investissement et c'est la communauté de communes Loire Semène qui l'a supporté. L'équipement est ainsi intercommunautaire (un élément de réponse à la question posée à l'agglo du Puy de savoir si une pelouse synthétique intercommunautaire était une chimère) et mis à disposition des clubs des autres communes de la collectivité. Saint-Ferréol, commune altiligérienne, est en entente avec Gampille Firminy et joue dans la Loire, en D4. Première de sa poule, l'équipe est en bonne place pour monter en fin de saison. Pour s'entraîner sur le synthétique, elle est prioritaire. Sur la vingtaine de séances hebdomadaires, seules trois sont réservées aux clubs d'Aurec et La Séauve.
"On est très très satisfaits du complexe, qui est de bonne qualité", commente le président Anthony Bastide, "c'est un très gros avantage en hiver", alors que les scolaires utilisent également l'équipement, portant le total d'usagers à environ 400. Quant à la nocivité supposée de l'équipement, "on attend le rapport de l'Anses : ça dépend peut-être du nombre d'heures d'exposition, du contact avec le sang ou l'inhalation, etc. Il faut relativiser et ne pas crier au loup avant d'avoir les résultats ; ce sont nos enfants donc s'il y a le moindre risque, on prendra évidemment nos dispositions".

À St-Just-Malmont, "sans cet équipement, on aurait moins d'entraînement et plus de reports de match"
L'histoire est sensiblement plus complexe à Saint-Just-Malmont, avec là aussi un complexe intercommunautaire, bâti en 2008 pour environ 400 000 €, mais la dissolution d'Interfoot après le conflit de la Rive Droite a conduit à un nouvel équilibre entre les clubs bénéficiant de l'infrastructure. On parle désormais de l'ASSDJ (association sportive St-Didier St-Just), qui évolue en R3, et qui partage l'équipement avec HPI (Haut Pilat Interfoot). 
Le terrain est homologué pour accueillir des rencontres régionales et s'il y a moins de licenciés qu'avant la dissolution, il cumule tout de même les séances d'entraînements des licenciés en plus des scolaires. "Il est en excellent état", nous assure le secrétaire du club Eric Fanget. Il est pourtant ouvert à tout le monde, selon la volonté de la collectivité. "Sans cet équipement, on aurait moins d'entraînements et plus de reports de match, sans aucun doute", ajoute-t-il.

À Ste-Sigolène, "c'est très bien car il n'y pas d'entretien à part un peu pour les fibres"
Même année de construction et même investissement à Sainte-Sigolène, où la pelouse est équipée d'une clôture grillagée. Encore en bon état, la pelouse synthétique est réservée en priorité aux entraînements et "les clubs sont contents car ils peuvent y jouer tout le temps", nous répond-on en mairie. "Pour nous, c'est très bien aussi car il n'y pas d'entretien à part un peu pour les fibres".

À Rosières, "tous ceux qui viennent nous affronter nous disent que c'est un plaisir et qu'on a de la chance"
Le terrain synthétique de Rosières a pu voir le jour en 2012 grâce à l'enveloppe parlementaire du sénateur de l'époque Adrien Gouteyron, de 120 000 € sur les 429 403 € investis. Un investissement dont il ne nous cachait pas sa satisfaction, précisant qu'il n'a "pas un caractère étroitement communal". Aujourd'hui en effet, outre la cinquantaine de licenciés du club de Rosières, le terrain est parfois mis à disposition du Velay FC, d'Espaly ou du Puy foot, sans oublier les plateaux enfants et le foot féminin Emblavez.
Actuellement en D3 après avoir inscrit plus de 100 buts l'an dernier, les joueurs se réjouissent de bénéficier d'un tel équipement : "c'est très bénéfique pour le club et tous ceux qui viennent nous affronter nous disent que c'est un plaisir et qu'on a de la chance", nous confie l'un d'eux. Et puis techniquement aussi, "fini les taupes, on n'a plus d'excuse", plaisante-t-il.

À Retournac, "pas spécialement de blessures" non plus, "à part un peu les aducteurs"
Reste enfin la pelouse de Retournac, la plus récente, qui date de 2014. Le club est satisfait de l'équipement et en plus des entraînements de toutes les équipes, y joue tous les week-ends. "Tant qu'on n'a pas de retours négatifs, on ne changera rien", nous répond-on au club, "ce sera à la mairie de décider le cas échéant".
S'il faut reconnaître qu'il y a parfois des brûlures, on ne répertorie "pas spécialement de blessures" non plus, "à part un peu les aducteurs". L'équipe fanion est actuellement première de D1, avec 5 points d'avance sur le 2ème à sept journées de la fin. Une montée en régional serait historique pour le club.



  • Deux autres projets de pelouses synthétiques en cours

À Vergongheon, "ce sont des billes de liège qui ont été choisies car beaucoup de parents étaient inquiets"
En plus des huit structures existantes, deux projets pourraient venir compléter la liste très rapidement. Le premier est acté, à Vergongheon : c'est la communauté de communes qui le finance, le projet a été voté et le terrain devrait être opérationnel en 2019. "Ce sont des billes de liège qui ont été choisies car beaucoup de parents étaient inquiets", nous rapporte Francis Cardot, le président de l'AVA (Association Vergongheon Arvant). Il ne reste que la zone d'implantation à déterminer, a priori sur le complexe, vers les terrains de tennis (la commune envisage aussi de créer une salle multisport sur le site).
Les 220 licenciés du club pourront bénéficier de la pelouse synthétique, en plus des scolaires et des clubs de l'intercommunalité comme Vezezoux et Lempdes-sur-Allagnon, sans oublier le foot féminin, via le groupement en création avec les filles d'Auzon. 

À Yssingeaux, une forte demande mais rien n'est tranché : on devrait être fixé d'ici cet été
Enfin à Yssingeaux, le projet ne date pas d'hier. "Il y a une forte demande des scolaires et des clubs de foot", reconnaît-on au cabinet du maire tout en précisant : "la réflexion est toujours en cours, rien n'est tranché". L'aménagement d'une piste d'athlétisme serait également dans les tuyaux, en lien avec les lycées voisins. "Il faudra un nouveau terrain, quoi qu'il arrive", nous répond-on, "mais on attend le retour des bureaux d'étude ; on devrait être fixé d'ici l'été".
La pelouse synthétique semble avoir la préférence de la collectivité, car elle s'avère "très pratique en hiver et pour les entraînements le soir". "Dans tous les cas, ce ne serait pas des billes en caoutchouc", nous assure-t-on, même si le coût, plus élevé de 25 à 30 % pourrait freiner quelques ardeurs. Pour les tempérer, rappelons qu'en juin dernier, Isabelle Valentin, en sa qualité de conseillère régionale et favorable au synthétique, indiquait que la collectivité Auvergne-Rhône-Alpes avait mis 200 000 euros de côté pour ce projet.

Maxime Pitavy