Je signale une erreur

Précisez éventuellement la nature de l'erreur

Episode n°2 « Les Mauvaises Herbes » : changer notre rapport au vivant

mer 16/11/2022 - 17:00 , Mise à jour le 16/11/2022 à 17:00

Ces samedi 12 et dimanche 13 novembre derniers, s’est déroulée la neuvième édition de « Lo Festenal Les Mauvaises Herbes » à la Maison pour tous (MPT) de Chadrac.
Organisé par l’association Nature et Progrès Haute-Loire, l’évènement s’est articulé tout le week-end autour de la thématique « se mobiliser et résister pour demain ».

Marché de producteurs Nature et Progrès au festival "Les Mauvaises Herbes" 2022 Photo par DR

Un festival pour « se mobiliser et résister pour demain »

Le week-end dernier s’est tenu, dans les locaux de La Couveuse-MPT de Chadrac, la 9ème édition de « Lo Festenal Les Mauvaises Herbes ». Organisé par l’association Nature et Progrès Haute-Loire, l’évènement a proposé sur deux jours de nombreuses animations, conférences, ateliers et concerts autour de la thématique annuelle « se mobiliser et résister pour demain ».
Après avoir consacré notre premier reportage aux alternatives à la voiture en Haute-Loire, nous avons suivi pour vous la conférence de clôture consacrée aux « ethnographies des mondes à venir… ».

Conférence de clôture d'Alessandro Pignocchi et d'Antoine Chopot Photo par DR

Un dialogue philosophique et politique entre deux auteurs qui pensent les mondes à venir

Cette conférence de clôture du festival réunissait deux philosophes, deux chercheurs en "bonheur et en solutions durables et partagées" pour les nouveaux mondes à venir :    

  • Alessandro Pignocchi est docteur de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Chercheur et militant il est l’auteur de nombreuses bandes dessinées à l’aquarelle et cosigne aujourd’hui, avec l’anthropologue Philippe Descola, Ethnographies des mondes à venir aux éditions du Seuil.
  • Antoine Chopot est docteur en philosophie de l’écologie politique à l’université de Rennes. Altiligérien installé au pays des sucs, il travaille sur la place et le rôle des non humains dans les luttes pour l’autonomie collective et cosigne l’ouvrage Nous ne sommes pas seuls : politique des soulèvements terrestres, également aux éditions du Seuil.

Ces deux penseurs militants ont échangé, pendant plus d’une heure, sur les changements et les adaptations nécessaires à nos relations à la nature, aux milieux de vie ou encore aux vivants non-humains pour enrayer la « catastrophe écologique en cours ».

Conférence de clôture d'Alessandro Pignocchi et d'Antoine Chopot Photo par DR

Une philosophie de l’alliance entre les espèces

Les deux conférenciers, qui parlent de concert et partagent peu ou prou les mêmes sensibilités politiques, philosophiques et écologiques, appuient l’ensemble de leur argumentation sur l’idée d’une « alliance entre les espèces ». Ce véritable « communisme inter-espèces », postule alors une alliance objective entre humains et « êtres vivants non-humains » contre « les violences et les ravages du capitalisme et de l’économie dominante ». Cette pensée révolutionnaire, au croisement de la philosophie, de la politique et de l’écologie, entend démontrer qu’il existe des intérêts et des formes de résistance communes entre les humains et les « êtres vivants non-humains » tels que les plantes ou les animaux.    
L’enjeu est alors, pour les auteurs, de politiser la question du vivant, de repenser les formes de luttes et d’introduire l’action des autres espèces dans les luttes écologiques.    
Au fur et à mesure de la démonstration, se dessine alors un véritable projet « de luttes territoriales communalistes » qui entend sortir des rouages du capitalisme tout en faisant des « êtres vivants non-humains » de véritables sujets politiques.

Des exemples de luttes pour penser le « communisme inter-espèces »

Si la porte d’entrée de la philosophie des deux auteurs reste la relation globale au vivant, et notamment l’ouverture de la palette de toutes les relations sociales aux « êtres vivants non-humains » tels que les plantes et les animaux, leur pensée se rattache à une lutte globale contre le système capitaliste.     
Ce raisonnement politique de soulèvements terrestres inter-espèces s’appuie sur de nombreux exemples égrenés par les intervenants :

  • Ainsi en Argentine, une plante considérée comme mauvaise herbe telle que l’amarante, est devenue l’alliée objective des paysans luttant contre les monocultures transgéniques.     
    Devenue résistante aux herbicides, à force de multiplier les traitements au glyphosate dans les plantations, l’amarante se développe et envahit les champs faisant baisser la productivité de plus de 50% dans certains cas.     
    Les paysans en lutte ont alors vu dans cette « super mauvaise herbe » une alliée qui résiste face au même ennemi. Depuis certains activistes ont même confectionné des « bombes à graines », projectiles de graines d’amarante à disséminer dans les champs d’OGM. 
  • En France, Antoine Chopot évoque également la « convocation d’espèces protégées sur des lieux menacés ou des territoires à défendre ».    
    Ainsi, dans l’est du pays, pour lutter contre un projet immobilier et l’artificialisation des sols sur un espace de plus de deux hectares, des militants, accompagnés de naturalistes ont mis en place des « mares de défense ». L’idée est, en creusant des mares, d’inviter des espèces protégés, telles que certaines races de crapauds, à venir s’installer pour sacraliser le lieu.

Toute une philosophie politique de camaraderie inter-espèces à valeur de résistance qui donnera surement à penser aux bénévoles, curieux et militants venus sur ce week-end trouver des clefs pour « se mobiliser et résister pour demain ».