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"Au Puy-en-Velay, les caméras sont borgnes"

, Mise à jour le 20/10/2022 à 12:00

Tel est le titre du communiqué de presse partagé par les membres du Rafahl (Réseau antifasciste de Haute-Loire) ce mercredi 19 octobre. Après la contestation du 27 août pour s'opposer à la venue d'Hilda Lefort, conférencière ouvertement néo-nazie invitée par la librairie des Arts Enracinés, une dizaine d'antifas ont reçu une amende de135 € pour "participation à une manifestation interdite sur la voie publique".

MAJ : Réaction de Maxime Sanial, patron de la librairie des Arts enracinés.

Durant la première quinzaine de septembre, plusieurs avis de contraventions ont été déposés dans les boites aux lettres des membres du Réseau antifasciste de Haute-Loire. L'objet : "Participation à une manifestation interdite sur la voie publique", prévue par l'art R 644-4 du code pénal.

Montant de l'amende : 135 euros, 375 euros si pas payée dans les 45 jours. Lieu et date de la constatation par l'agent verbalisateur : le 27 août 2022 à 17 heures dans la rue Raphaël au Puy-en-Velay. 

National-socialisme allemand des années 1940

Ce 27 août, Maxime Sanial avait prévu la venue d'Hilda Lefort dans sa librairie "Les Arts enracinés" au Puy-en-Velay. Hilda Lefort, pseudonyme dont l'anagramme est Adolf Hitler, devait tenir une conférence intitulée « La hiérarchie raciale et le racisme bien compris ». Pour s'opposer à sa présence dans la cité mariale et ses idées inspirées du national-socialisme allemand des années 1940, les antifas ponots et d'ailleurs se sont aussitôt mobilisés.

Entre IIIème Reich et salut hitlérien

Face à ce bouclier, celle qui affirme que le pays "a besoin de tendre son bras droit (salue hitlérien, Ndlr), en plein soleil, en pleine franchise" ou encore que "nous ne sommes pas sous le IIIème Reich. Nous entendons bien que cela est malheureux" a préféré décliner l'invitation du patron libraire. À la place, Maxime Sanial a alors mené lui-même une petite conférence sur "le nationalisme aujourd’hui".

La punition pour le rassemblement des antifas non déclaré en préfecture est tombée quelques 40 jours après sous forme d'une verbalisation individuelle. À la suite des avis de contravention, les membres du Rafahl ont confié un communiqué de presse intitulé "Au Puy-en-Velay, les caméras sont borgnes".

>>> Réaction de Maxime Sanial, patron de la librairie des Arts Enracinés de la rue Raphaël au Puy-en-Velay, suite à la lecture de l'article.

"Bravo à Zoom pour son travail impartial et objectif. Je n'ai pas le souvenir qu'un seul de mes communiqués ait jamais été repris dans son intégralité et sans aucun commentaire par votre site, y compris en ce qui concerne le caractère calomnieux de certaines de leurs accusations". "Cela fait un an et demi que nous subissons des campagnes de harcèlement de la part de gens qui militent ouvertement pour la fermeture des librairies qui ne partagent pas leur idéologie et qui s'assoient sur les lois avant de venir se plaindre d'être verbalisés...

L'article ne s'attarde absolument pas sur le fait qu'ils aient violé une interdiction de manifester mais déroule sur plusieurs longs paragraphes, ce qu'ils nous "reprochent", c'est-à-dire de proposer une offre culturelle alternative qui ne leur plait pas." "Pour finir, je tiens à rappeler que : 1) Depuis bientôt un an et demi que nous avons ouverts, nous n'avons commis aucune infraction et reçu aucune condamnation 2) La vente du livre L'Ordre SS est parfaitement légale en France, l'arrêté d'interdiction pris en 1992 ayant été rendu caduc par un décret du Conseil d'Etat de 2009. 3)

Nous n'avons rien à voir avec l'agression qui a eu lieu le 27 août dernier dans un autre quartier de la ville et pour laquelle personne n'a été, à ce jour, interpellé." "J'ai déjà précisé ces éléments précédemment mais, visiblement, mes communiqués n'intéressent pas Zoomdici qui se contente de reprendre ceux de Rafahl..."

Le communiqué des membres du Rafahl

"Depuis plus d’un an maintenant, sous l’apparence inoffensive d’une innocente librairie dédiée aux traditions et à l’histoire locales et nationales, une officine néonazie a pignon sur rue, et précisément dans l’une des plus touristiques du Puy-en-Velay. Il ne faut pourtant pas chercher longtemps pour comprendre ce que dissimule cette façade folklorique".

Des ouvrages interdits à la vente selon le Rafahl

"En effet, les rayons des Arts enracinés proposent les écrits d’auteurs et d’idéologues d’extrême-droite. À côté des écrits d’Adolf Hitler, on trouve même L’Ordre SS, Ethique et idéologie d’Edwige Thibaut, traduction du manuel de formation des SS, ouvrage interdit à la vente en France depuis le 2 décembre 1992 parce qu’il se livre à « une apologie du nazisme, du racisme et de l’antisémitisme » ! Les intitulés des conférences sont à l’avenant, tout comme la liste des intervenants".

"Antisémites et gants coqués"

"Et si la boutique ferme quelquefois, c’est pour permettre aux gérants de tenir un stand aux universités d’été de Civitas et du Cercle Richelieu. Dans le même temps, des affichages sauvages de différents groupuscules d’extrême-droite se sont mis à fleurir. Et pendant les manifestations contre le passe-sanitaire, on a pu voir les gérants, toujours entourés du même quarteron de sympathisants, portant des pancartes très clairement antisémites… et des gants coqués !"

Le Cercle Richelieu a été créé en octobre 2017 par trois personnes appartenant à différents courants du royalisme français. Cette entité entend réunir des jeunes gens royalistes acceptant de dialoguer, de faire du sport et de créer du lien entre royalistes

"Il n’était nullement étonnant que se produisent des agressions racistes"

"Pas dupes, des citoyen·nes, militant·es, syndicalistes, féministes, antifascistes se sont, dès l’ouverture, mobilisé·es pour informer les habitants du quartier, la presse et les autorités des risques d’une telle implantation. Plusieurs rassemblements et manifestations de protestation ont été organisés. En vain. Dans ce contexte, il n’était nullement étonnant que se produisent des agressions racistes".

Un teeshirt de l’équipe de foot de Sankt Pauli, un couple agressé

"Le 28 août dernier, cette officine annonçait une conférence sur « la hiérarchie raciale et le racisme bien compris », par Hilda Lefort. Aussitôt, un nouveau rassemblement de protestation était organisé. Or, c’est ce dernier que le préfet du département décida d’interdire. La conférence polémique fut remplacée au dernier moment par une intervention sur « le nationalisme aujourd’hui », qui se tint sous haute protection policière.

"À quelques pas, un couple fut agressé, au seul prétexte que l’un d’eux portait un teeshirt de l’équipe de foot de Sankt Pauli, résolument antiraciste et antifasciste, vraisemblablement par une poignée d’identitaires clermontois venus en renfort et qui se sont aussitôt vantés de leur courageux exploit sur les réseaux sociaux, avant de faire le pied de grue devant la devanture, sous haute protection policière".

"L’État est plus prompt à interdire puis poursuivre les protestations antifascistes, que les démonstrations de haine et de racisme"

"Un mois plus tard, aucune nouvelle de l’enquête. Par contre, une dizaine de manifestant·es antifascistes ont d’ores et déjà été verbalisé·es pour « participation à une manifestation interdite ». Ainsi, aujourd’hui, au Puy-en-Velay, l’État est plus prompt à interdire puis poursuivre les protestations antifascistes, que les démonstrations de haine et de racisme. Visiblement tous les moyens ont été déployés pour permettre l’identification de manifestant·es citoyen·nes et pacifiques, plutôt que des militants ouvertement racistes et violents. ".

"Les verbalisés n’ont pas subis de contrôle d’identité : est-ce à dire que les caméras dites de vidéosurveillance ont été mises au seul service de cette traque et n’ont pas permis de retrouver une poignée d’agresseurs opérant un samedi après-midi en plein centre-ville à visage découvert et devant témoins ?" Rafahl

"Lutter contre le fascisme est un devoir, pas un délit"

"Nous, citoyen·nes, militant·es, syndicalistes, féministes, antifascistes, entendons contester ces amendes. Nous ne reconnaissons pas l’infraction reprochée. Parce qu’en 2022, il n’est tout simplement pas possible d’interdire de manifester contre le fascisme. Parce que le fascisme est un délit, pas une opinion. Parce que lutter contre le fascisme est un devoir, pas un délit".

"Nous ne sommes pas dupes..."

"Nous ne sommes pas dupes : au Puy-en-Velay, la répression militante était jusqu’à présent individuelle. Elle est désormais collective. Nous ne sommes pas dupes : nous sommes face à un État radicalisé, confronté à une crise de légitimité, et contraint de compenser son incapacité à obtenir le consentement populaire par un recours accru à l’emprise policière.

"Treize lois sécuritaires ont été votées depuis 2015, dont quatre en 2021, restreignant les libertés publiques et renforçant le pouvoir de la police, laquelle vote à 74% pour des candidats d’extrême-droite et dont le ministre est passé par l’Action française. À la recherche d’alliés officieux pour voter ses lois antisociales, le gouvernement, sans majorité absolue à l’Assemblée Nationale, a offert au RHaine les vice-présidences des commissions de la Défense et du Renseignement".

"Nous ne sommes pas dupes et tant que la loi interdira les manifestations antifascistes, nous devrons désobéir à la loi". Rafahl

"Les militants antifascistes sont régulièrement poursuivis tandis que les fascistes décomplexés bénéficient d’une inquiétante impunité"

"Nous ne sommes pas dupes : ce qui se passe au Puy-en-Velay n’est malheureusement pas un cas isolé, mais s’inscrit dans un contexte national et international particulièrement préoccupant. De plus en plus et presque partout, les militants antifascistes sont régulièrement poursuivis tandis que les fascistes décomplexés bénéficient d’une inquiétante impunité et se sentent pousser des ailes. Des organisations non gouvernementales et des institutions internationales qui surveillent l’état des droits humains s’en inquiètent elles-aussi".

"Difficile de ne pas soupçonner ou craindre une collusion, ou tout au moins une jonction autour d’intérêts communs, entre l’État, dans sa dérive militarosécuritaire, et des positions ouvertement organisées et racistes dans l’armée, la police et une partie de la population".