Vincent Legrand, un caviste passionné et passionnant

lun 07/11/2016 - 14:51 , Mise à jour le 27/11/2020 à 08:44

Un sourire éclaire le visage du caviste quand on lui parle de la distinction qui lui vaut notre visite. Il prend ce classement avec des pincettes, même s'il en est très content. « Ça fait plaisir, ça veut dire que quelque part on a dû bien faire notre boulot. Après, il faut relativiser, on ne connait pas les critères de sélection, donc il y a une part de subjectivité, comme dans tout. Mais, ce que j'aime beaucoup dire, c'est que quand on s'amuse à regarder la sélection cumulée des quatre principaux cavistes du Puy, on a plus de références que La Vigne à Paris, qui est quand même considérée comme la FNAC du vin. Et au Puy, on a la même chose, chez des gens qu'on connaît en plus, où il y a à mon avis, un accueil qui peut être plus facilement personnalisé. » Et au vu de la sympathie et de la bonne humeur qui se dégage de notre discussion, on peut facilement imaginer que tous sont bien reçus et conseillés.
Le vin, une vraie passion
Vincent Legrand, originaire du plateau d'Yssingeaux a repris la cave Marcon depuis quatre ans, mais est la troisième génération d'une famille de marchands de vin. « Chez nous, le vin c'est plus qu'un métier, c'est un mode de communication, une manière de vivre, une manière d'être. C'est finalement la belle part du vin, qui fait qu'on y attaché, la part culturelle. » Il était donc presque prédestiné à ce métier, même s'il est d'abord passé par les vignes. « Avant d'être caviste, j'ai travaillé dans le vignoble pendant 20 ans. Pour moi les vignerons, c'était des personnages un peu magiques qui débarquaient à la maison. J'ai eu la chance d'avoir un beau-père qui a eu la patience de me faire découvrir ça, je suis passé du mythe à la réalité. Et ça c'était assez génial et je regrette pas d'être passé par là, par la petite porte. »
Il n'y a toutefois pas de parcours type pour en arriver à ce métier, que M. Legrand décrit comme alliant technique, amour, mais aussi un certain sens marchand. « Alors je sais que c'est un mot un peu vulgaire aujourd'hui, le marchand c'est quelqu'un de vénal, qui est mal vu. Mais notre vrai cœur de métier, c'est qu'on n'est pas là pour vendre les vins qu'on aime, on est là pour vendre le bon vin à la bonne personne. Connaissez les vins, appréhendez toutes les techniques et toutes les démarches, ne vous enfermez dans aucune chapelle intellectuelle ou technique. Ayez le même regard sur vos clients, ils ont tous une valeur et vous êtes là pour leur faire plaisir et pour ça il faut chercher ce qui leur convient. » Et cela peut passer par bien des chemins différents, de l'université du vin à Suze la Rousse, en passant par l'oenologie ou la sommellerie. « Mais le problème du vin, c'est un peu comme la littérature et le cinéma, c'est qu'on a jamais terminé. Je fais marrer les gens, quand je dis qu'il y a des dégustations où j'ai les tripes nouées, comme si j'entrais en scène, pourtant je connais le vin. Mais quand on creuse un peu, on se rend compte que finalement, il reste plein de choses à découvrir. »
Un art ouvert à tous
Vincent Legrand parle du vin comme un artiste parlerait musique ou un professeur passionné discuterait littérature. Les comparaisons, parlantes et poétiques, ne manquent pas d'ailleurs. « Une phrase assez terrible c'est « je ne sers pas de grande bouteille, parce qu'en face de moi, j'ai des gens qui ne sont pas capables de la comprendre. » Et ben moi, je pense que c'est complètement faux cette histoire. Une grande bouteille c'est comme Mozart. Vous mettez ça à n'importe qui, ça va l'interpeller, le toucher. Et le grand vin c'est pareil, ça a une beauté. La Joconde, ça interpelle des milliers gens, même s'ils n'y connaissent rien en peinture. Il y a une espèce de beauté universelle qui fait qu'on est figé par ça. »
Tout à chacun peut donc s'essayer à cet art si français, qui semble parfois inaccessible ou déboussolant. « La découverte du vin, c'est comme la découverte des hommes. Il faut enlever tout préjugé et c'est le travail le plus difficile à faire. Il faut avoir cet esprit de curiosité et se laisser porter par son ressenti. On commence par ce sentiment d'adhésion, de rejet. Ce qui est passionnant dans le monde du vin, c'est qu'on va essayer de mettre des mots sur ces sentiments. Après il y a de grands classiques dans l'évolution du goût, on va d'abord être sensible à des goûts facilement repérables et sucrés. C'est nos madeleines de Proust, Coca-Cola et les fraises Tagada. Mais petit à petit, on va chercher des choses plus complexes. On va aller sur des choses plus amères, plus acides ou à plusieurs étages, qui se révèlent pas forcément de suite. C'est ça l'évolution du goût, ne pas se figer dans ses propres perceptions de départ. »
Il conclut sur une anecdote, qui parvient à la fois à résumer cette conception particulière du vin, sa dimension culturelle, historique, voire artistiques. « Je devais avoir vingt ans, mon grand-père était en fin de carrière, donc il était sollicité pour faire des conférences, des choses comme ça. Et c'était un personnage un peu décalé et comme il avait la force de l'âge, de l'expérience, il pouvait se permettre de dire certaines choses. Et donc il disait « le grand vin, c'est un peu de technique et beaucoup d'amour. » Et je me rappelle, je me suis dit, qu'est-ce qu'il raconte le vieux, le vin c'est d'abord de la technique. Mais à un moment, dans ce métier, s'il n'y a pas une forme de don, d'amour, vous n'arrivez pas à un certain niveau. Saint Exupéry disait un truc génial, « un domaine n'est pas l'ensemble des intérêts, il est l'ensemble des dons. » Pour devenir caviste, cette phrase peut être intéressante à méditer. » Et nous pouvons sans doute réfléchir à cette philosophie de vie, que ce soit en choisissant notre prochaine bouteille de vin pour un repas entre amis ou en se penchant sur ce qui nous anime et nous émeut.

T.N.

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