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Une Torpédo publicitaire années 30 sur les routes de Haute Loire

, Mise à jour le 27/11/2020 à 09:05

Depuis le 19ème siècle, la publicité a commencé à envahir les espaces urbains et commerciaux, les vitrines, les emballages, les véhicules de livraison. Ces visuels étaient réalisés par des spécialistes, les peintre décorateurs qui s’inspiraient de ce qu’ils pouvaient voir d’images des catalogues pour reproduire un logo de machine agricole ou de fabricant de liqueur. On en voit encore des restes sur les murs borgnes de maisons en bordure des anciennes nationales ou sur la devanture d’anciens cafés-hôtel dans les villages.
Aujourd’hui, à nouveau, de nombreuses enseignes sont en recherche de notabilité en faisant un rappel à des origines anciennes plus ou moins véridiques mais en phase avec la mode du vintage. Du coup, ces entreprises recherchent des artisans lettreurs pour ranimer cet esprit ancien mais ceux-ci sont de moins en moins nombreux à détenir ce savoir-faire. Parmi ceux-ci, le publicitaire Aimé Gaillard, originaire de Saugues.
L’art de la décoration et du lettrage à la main : un ADN familial
« Mon grand-père puis mon père ont été peintre-décorateurs. C’étaient comme ça qu’on les appelait autrefois. Mon grand-père surtout était spécialisé dans les trompe-l’œil. On peignait souvent des faux-bois ou des faux -marbres sur les lambris et soubassements des murs ou sur des portes des maisons bourgeoises ou pour restaurer certains châteaux et églises pour des raisons d’économie. Avec les années 70, cette mode a disparu et avec les anciens, leur technique » nous dit Aimé Gaillard.
« Quand j’étais plus petit j’ai le souvenir de peinture des enseignes ou de plaques publicitaires par mon grand-père pour des magasins de la grande rue de Saugues. J’ai dû mettre ça dans un coin de ma tête. Je ne m’intéressais pas du tout au métier quand j’étais plus jeune » poursuit-il. « Mais j’ai travaillé un temps avec George Maza qui, à la fin des années 70 et encore durant les années 80, était le dernier à peindre à la main des enseignes de magasins et des vitrines sur Le Puy. C’est avec lui que j’ai appris les rudiments et trucs du métier. Il faut que ce soit joli mais aussi que ça tienne dans le temps. »
Après la fin de ses études secondaires, Aimé Gaillard se retouve un temps en Angleterre dans le sillage d'une amoureuse. Il appronfondit ses compétences de décorateur dans une école de lettering.
« J’ai suivi pendant quelques temps des cours dans une école spécialisée dans le lettering en Angleterre. Ce sont des maîtres de cette technique. Dans les années 90 je me suis mis à mon compte et j’ai commencé en faisant les visuels de la campagne pour la lentille verte. C’est moi qui ai conçu et installé les grands panneaux qu’on peut encore voir tout autour du Puy ».
Du numérique et aussi du lettrage à la main
Avec l’évolution du métier, l’entreprise Gaillard a investi dans la technologie numérique et depuis 5 ans dans une large traceuse à jet d’encre pilotée par ordinateur. Cela permet de faire plus vite et de proposer des projets et de les retoucher facilement avant l’édition finale. Aimé Gaillard poursuit la visite de son atelier
« C’est un tout autre métier même si on fait souvent de la copie d’ancien car le vintage est à la mode. Il n’y a plus trop d’occasion de faire du travail à la main, c’est le sens de l’histoire de ce métier mais je tiens à pouvoir encore en faire quand l’occasion se présente. Alors quand Alain Borde est venu me voir pour me proposer de travailler sur le centenaire et en particulier sur la voiture de son grand-père, j’ai été immédiatement emballé par le projet. On a fait des recherches ensemble à partir des documents anciens de la compagnie et d’images d’époque ».
Une berliet VI Torpedo floquée à la main de la marque du roi des montagnes
Cette voiture ferait envie à plus d’un collectionneur. Sa restauration est magnifique et encore elle n’est pas finie. Il s’agit d’une voiture de marque Berliet. Il n’y a pas eu beaucoup de petits véhicules chez Berliet qui est surtout reconnu pour ses camions qui ont fait le bonheur de l’armée française coloniale et des entreprises de travaux publics et des mines avant d’être racheter par Renault dans les années 80.
Berliet a donc sorti quelques modèles dans les années 20 et 30, années où le fondateur de l’entreprise Borde écume les campagnes pour acheter des champignons et, fait moins connu, du beurre, dans les fermes du plateau.
Il s’agit donc d’un modèle de ces années-là, sans doute un modèle VI Torpedo. Le mot Torpédo désignait ce type de véhicule un peu hybride avec bâche dans ces années-là. On en trouve aussi chez Renault ou Citroën. Les carrossiers achetaient des voitures ou plus exactement des châssis qui étaient ensuite carrossés selon les besoins de l’utilisateur. Ici tout l’arrière est destiné à contenir du volume utile et on ne trouve que deux places avant comme dans ce qu’on a appelé camionnette ou pick- up.
Quand nous rencontrons Aimé Gaillard la décoration de la bâche du véhicule est quasiment terminée, il lui reste à finir les ombrages de caractères sur le flanc droit.
« Il faut essayer de se remettre dans l’époque et de créer quelque chose à partir des polices de caractères qu’on utilisait à l’époque. Par exemple le jaune s’inspire de la couleur de la caisse en bois de la voiture » explique A Gaillard en retenant son souffle.
Sa main repose sur une sorte de canne à pommeau en bois.  Aimé l’appelle son stick à la manière anglaise, le Mahlstick, en français un appuie-main ou canne à peindre. Cet outil est utilisé depuis l’aube des temps par les peintres pour limiter les tremblements et permettre les traits de précision.
A l’origine, cette Berliet Torpédo devait être le clou de la fête du centenaire Borde à Saugues, elle devait avoir lieu ce printemps. Elle pourra sans doute se montrer dès que les belles anciennes seront à nouveau autorisées à parader dans les kermesses estivales.

T.C.

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