Un étrange cirque à Saint-Cirgues

Par Nicolas Defay mar 29/06/2021 - 07:00 , Mise à jour le 29/06/2021 à 07:00

Les regards des touristes et des habitants du coin ont scruté le ciel de Lavoûte-Chilhac pendant près d'une heure ce lundi 28 juin. Deux pitons rocheux ont été le théâtre d'une grande opération de consolidation sur fond d'hélicoptère et de vibrations tonitruantes.

Au début, on entend rien. Les gens discutent sans effort sur le pont aussi étroit que bucolique qui enjambe l'Allier au centre de la belle Lavoûte-Chilhac. Ils tiennent leurs appareils photos en bandoulière, surveillant discrètement l'horizon, prêts à dégainer aux moindres signes avant-coureurs. Certains sirotent un verre à la terrasse d'un café pendant que des groupes de canoës descendent le fleuve tranquille. D'autres sont adossés contre le capot de leur véhicule, les yeux perdus sur la falaise dressée devant eux.

Le son est terrible. Le spectacle saisissant.

Et puis les bouches se taisent. Les voitures s'arrêtent. Sans le voir, on sait qu'il approche. Tous perçoivent cette vibration syncopée des pales qui semblent trancher l'air, colonisant doucement l'atmosphère pour la remplir d'une symphonie de basses. Une poignée de secondes après, les smartphones, les caméras et les appareils photos se lèvent alors de concert, suivant le même tempo, piégeant dans leurs objectifs ce bourdon noir qui fonce vers les rochers.

Sous son ventre, un câble de plusieurs dizaines de mètres retient un premier chargement destiné aux deux hommes présents sur la montagne. Le son est terrible. Le spectacle saisissant. L'hélicoptère effectuera ainsi plus de dix rotations en une heure pour acheminer tout le matériel adéquat à cette opération aussi inédite que spectaculaire.

Photo par Nicolas Defay

"Il y a quelques années, un énorme bloc s'était détaché à proximité"

"Nous allons faire un confortement des deux pitons rocheux de la montagne de Saint-Cirgues afin de prévenir d'éventuelles chutes de pierre, explique Christian Dauphin, maire de la commune de Lavoûte-Chilhac. Bien qu'il ait été démontré par des gens du métier qu'aucun bloc important ne risquait de partir, nous avons tout de même voulu sécuriser l'endroit".

À la question de savoir si le danger est réel pour décider d'une telle opération, Christian Dauphin répond : "À cet endroit, il y a eu des petites parties de rochers qui sont tombées mais sans grandes conséquences. Mais il y a quelques années, un énorme bloc s'était détaché à proximité".

"Pour la drop zone, il faut un endroit vide d'un minimum de 500 m². Car les pales de l'hélico génèrent tellement de puissance que si vous laissiez votre portière de voiture ouverte, elle serait aussitôt arrachée par le vent". Christian Dauphin

Photo par Nicolas Defay archives

Une opération à six chiffres

Sans préciser de façon approfondie le budget investi, Christian Dauphin annonce une enveloppe d'environ 100 000 euros pour cette consolidation qui va durer un mois. La commune, le Département, la Région et l'Etat ont ainsi tous mis la main à la poche. "Nous voulions bien entendu que ce soit une structure locale qui assure ce chantier, souligne-t-il. Mais personne n'a répondu à l'appel d'offre. C'est l'entreprise drômoise CAN, connue dans le monde entier, qui est donc à l'œuvre".

Photo par Nicolas Defay

"Si le chantier est modeste, il y a quand-même pas mal de boulot"

Si le manège aérien apparait spectaculaire car plutôt rare, l'opération n'est pas considérée comme d'envergure par les hommes du terrain. "Pour nous, c'est un petit chantier, confie l'un des deux grimpeurs. Nous sommes une équipe de quatre. Deux sur la falaise et deux autres dans l'hélico et la drop zone (lieu où sont chargés les matériaux, Ndlr). La première phase est la reconnaissance du chantier avec l'installation des sécurités et des cordes de vie. La deuxième est la mise en place de l'ouvrage, des barrières et des grillages. La dernière est le repli".

Foreuses, barres d'ancrage, matériels d'injection pour le ciment, eau, pitons… Pléthore sont les outils nécessaires pour placer les grilles d'acier et deux écrans pare-blocs tout autour des pics rocheux. "Il faut être précis et surtout rester calme, ajoute-t-il. Si le chantier est modeste, il y a quand même pas mal de boulot".

Les deux grimpeurs. Photo par Nicolas Defay

15 personnes évacuées

"On a eu l'autorisation de bloquer la circulation pendant les rotations de l'hélicoptère, partage Christian Dauphin. Une seconde autorisation nous a été octroyée pour demander l'évacuation des maisons en contrebas du chantier. Au cas où un chargement se détache et tombe sur l'une d'entre-elles." Quinze personnes logées dans cinq habitations survolées sont ainsi concernées par ce dispositif de prévention. Et le 15 et le 24 juillet, l'hélicoptère devrait revenir sur place pour remonter du matériel supplémentaire et faire à nouveau du ciel de Saint-Cirgues cet étonnant cirque aérien.

Photo par Nicolas Defay

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