St-Jean-de-Nay : deux coups de couteau pour le videur, prison pour l'agresseur

mer 24/09/2014 - 00:05 , Mise à jour le 26/11/2020 à 19:24

L’histoire est vieille comme le monde. Une soirée alcoolisée, où bon nombre de gens font la fête. Un garçon danse avec une fille. Ce n’est pas du goût de son petit copain et la situation dégénère…
Problème : le danseur incriminé est d’origine mahoraise et le petit copain jugé par tous comme « plutôt raciste ». La rixe éclate donc rapidement et le videur est contraint de séparer tout le monde.

Sur le parking de l’établissement, les coups fusent et la confusion règne
Cette nuit du 28 au 29 avril 2012, cinq jeunes hommes d’origine mahoraise décident de se rendre à la discothèque « le Rio », à Saint-Jean-de-Nay. « C’était l’une des rares boîtes de nuit où ils étaient admis et ils ne voulaient pas en être exclus », relève le Président du Tribunal, ce qui justifierait qu’ils n’aient pas cherché à faire des histoires. La victime, le videur qui a pris les deux coups de couteau, confirme que l’établissement était l’un des rares du département à les accepter avant de préciser : « lors de l’altercation, j’ai tout de suite essayé de calmer le jeu, je leur ai dit de laisser tomber et de continuer à s’amuser ».
Mais la tension est bien loin de retomber et le videur est contraint de sortit les jeunes gens belliqueux. Sur le parking de l’établissement, les coups fusent et la confusion règne. Les caméras de vidéo protection de l’établissement ont bien enregistré la scène mais elles ne permettent pas d’apporter la lumière sur les faits. Les images ont été visionnées à l’audience mais il est bien difficile de distinguer quoi que ce soit. 

Un couteau artisanal dissimulé dans une cartouche de fusil
Toujours est-il que le videur reçoit deux coups de couteau, dont un sur l’avant-bras et surtout un autre qui va le blesser au poumon. Selon le médecin, l’os de l’omoplate a freiné la lame et peut être sauvé la vie de la victime. Une ITT (interruption temporaire totale de travail) de 15 jours sera prescrite. Le principal prévenu est âgé de 24 ans. Ce jour-là, il se rend en discothèque avec une lame dissimulée dans une cartouche de fusil, qu’il a dans sa poche.
« J’avais déjà été agressé au Puy et depuis, j’avais peur et j’avais ça pour me protéger », se justifie-t-il à la barre. Les magistrats sont surpris à la vue de l’objet, un couteau artisanal que le jeune homme nie avoir fabriqué mais qu’il dit avoir acheté à Clermont-Ferrand. Son avocat en profite pour préciser que la lame n’est pas assez longue pour blesser gravement. Une réflexion qui n’est pas du goût de l’avocate de la partie civile et du procureur, qui considèrent quant à eux qu’à peu de chose près, la victime aurait pu périr et le procès aurait lieu devant une cour d’assises.

Comment a-t-il planté cette lame dans le dos du videur ?
C’est d’ailleurs un tiers, au terme de l’altercation, qui en posant sa main dans le dos du videur, constate qu’il est imprégné de sang. Autrement, la victime, focalisée sur l’altercation, aurait pu continuer à se vider de son sang avant de s’en rendre compte. Selon les témoignages dont dispose le tribunal, le principal prévenu aurait porter le coup de couteau dans le dos de la victime, après la rixe.
Une version contestée par le principal intéressé, qui assure avoir été inhalé du gaz lacrymogène (la vidéo le prouve, c’est le second videur qui en a fait usage) et s’être retrouvé au sol après avoir été frappé par le fils du videur, présent sur les lieux ce soir-là. Ce dernier serait intervenu après avoir vu son père recevoir un coup de poing. Quant au prévenu, c’est au sol qu’il prétend avoir sorti la lame de sa poche pour la planter, par dessus l’épaule de sa victime, dans son dos, « pour me défendre et me dégager de ce mauvais pas ».

Deux autres mahorais poursuivis
Si l’exactitude des faits sera difficile à obtenir, les deux coups de couteau sont reconnus par le jeune homme. Reste à prouver l’implication de ces deux comparses convoqués eux aussi au tribunal ce mardi (l’un est venu, pas l’autre), car comme il a été constaté à l’audience : aucun témoignage ni aucune preuve matérielle n’attestent que l’un ou l’autre ait levé la main sur le videur.
Ils sont pourtant poursuivis pour violences en réunion avec deux circonstances aggravantes : en réunion et en état d’ébriété. Le principal prévenu a comme circonstance aggravante supplémentaire l’utilisation d’une arme.

"Tailler, c’est pour blesser, pointer, c’est pour tuer"
L’avocate de la victime a souligné : « il n’a plus la même vie depuis », en référence à son déficit fonctionnel permanent et l’impact traumatisant de cette soirée, qui l’empêchent désormais d’exercer son activité professionnelle. « Il a des moments de solitude et des difficultés à s’endormir, comme l’a confirmé l’expert », a-t-elle ajouté avant de conclure sur les témoignages de tous ses proches qui assurent qu’il était pacifiste et qu’il n’avait jamais été impliqué dans une bagarre. Comme il n’a rien touché depuis l’incident, une demande de provision de 10 000 euros a été requise, en attendant qu’une nouvelle expertise médicale soit réalisée pour chiffrer plus précisément son préjudice.
Le Ministère Public, représenté par Yves Dubuy, a jugé « une peine de prison ferme indispensable » pour le principal intéressé : « déjà, il se rend en discothèque avec une arme blanche bien dissimulée, jusqu’à son utilisation avec un résultat vulnérant. C’est inacceptable. Tailler, c’est pour blesser, pointer, c’est pour tuer. Vous n’y êtes pas parvenu mais il y a un dommage très important pour la victime ». Une peine de 24 mois d’emprisonnement, dont 18 mois avec sursis, a ainsi été requise. Concernant les deux autres prévenus de cette affaire, une peine de quatre mois d’emprisonnement a été sollicitée, « car ils étaient présents lors de cette escalade de violence et semblent avoir particpé, sans occulter les propos et les incitations à la violences ».

"Un contexte général de violences réciproques"
Pour ces deux derniers, les avocats ont tous deux plaidé la relaxe, soulignant qu’ils se trouvaient « en périphérie de la bagarre » et que leurs rôles, notamment à la vue des vidéos, semblent plutôt avoir été de calmer le jeu et de séparer les belliqueux. Quant au principal prévenu, son avocat a plaidé une peine plus lourde mais intégralement assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve, « pour lui donner une réelle chance de réinsertion ».
Il a souligné qu’il était difficile d’établir clairement les faits et a déclaré : « il n’y avait aucune raison que la victime reçoive un coup de couteau, personne ne le conteste et nous n’allons pas plaider la légitime défense mais mon client a été battu et gazé, c’est reconnu par plusieurs témoins, c’est un fait. C’est un contexte général de violences réciproques, même si sa réponse est disproportionnée ».

Relaxe pour les uns, prison ferme pour l'autre
Finalement, au terme de quatre heures d’audience et après avoir délibéré, le tribunal du Puy a prononcé la relaxe pour les deux jeunes hommes « car il n’y a pas suffisamment d’élément pour caractériser la participation aux actes de violences ». Le principal prévenu a pour sa part été condamné à une peine de 24 mois d’emprisonnement, dont 20 mois avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans. « Porter des coups de couteau, quelles que soient les circonstances, ce n’est pas acceptable », a conclut le Président du tribunal, tout en rappelant que cette peine pouvait être aménageable.
La partie civile a été jugée recevable et une nouvelle expertise médicale a été diligentée afin de chiffrer plus précisément le préjudice subi lors d’une prochaine audience sur intérêt civil. Idem pour la créance de la CPAM, de plus de 40 000 euros. En attendant, une provision de 4 000 euros a été accordée à la victime.

Maxime Pitavy

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