"Si tu cherches l'aire d'accueil des gens du voyage, cherche la déchetterie!"

Par Olivier Stevens , Mise à jour le 09/11/2021 à 16:12

William Acker met en évidence les inégalités environnementales que subissent ceux que l'on nomme les "gens du voyage".

Les aires d'accueil qui leur sont réservées sont généralement à proximité de diverses sources de nuisances.

Dans son livre " Où sont les gens du voyage ? Inventaire critique des aires d’accueil " paru aux Editions du commun, William Acker propose une approche historique, sociétale et environnementale de la question des aires d’accueil destinées aux "gens du voyage".  

Son travail de recensement et d’inventaire fait suite à la catastrophe industrielle de Lubrizol, à proximité de laquelle une aire d’accueil jouxtait la zone Seveso. 

Ces localisations s’expliquent aussi par le fait d’une certaine volonté à reléguer les "gens du voyage" loin des centres

Après une action publique et une tribune menées notamment avec l’anthropologue Lise Foisneau, le juriste William Acker s’attèle au recensement de la localisation des aires d’accueil des "gens du voyage" pour démontrer la récurrence des localisations de ces dernières à proximité de lieux pollués tels que les déchetteries, les cimenteries, les autoroutes, les zones industrielles. Cela demeure cependant une gageure de quantifier l’atteinte environnementale.

Ces localisations s’expliquent aussi par le fait d’une certaine volonté à reléguer les "gens du voyage" loin des centres. Grâce à cet inventaire, le constat est sans appel, il y a un caractère systémique dans la mise à l'écart et des atteintes environnementales que subissent les "gens du voyage" ne fait aucun doute. Néanmoins les données sur ce sujet des aires d’accueil dans le domaine de la santé environnementale manquent.

"La situation des "gens du voyage" lie intimement les questions de discriminations sociales, raciales et environnementales."

"Les mouvements de justice environnementale ne peuvent ignorer la situation des "gens du voyage" en France tant elle lie intimement les questions de discriminations sociales, raciales et environnementales."  écrit William Acker. 

La lecture de ce livre est aussi l’occasion de mieux comprendre les subtilités de ceux et celles que l’on nomme "gens du voyage" en France, de retracer l’histoire juridique, d'évoquer les mémoires et d’envisager les luttes environnementales et sociales à venir. 

En Haute-Loire, il existe deux sites d'accueil au Puy-en-Velay, un à Yssingeaux, un à Monistrol-sur-Loire, un à Brioude et un à Langeac.

Selon la cartographie disponible ces sites sont classés comme suit: au Puy-en-Velay, les deux zones sont "hors-ville", à Monistrol elle se trouve près d'une zone industrielle et de la déchèterie, de même qu'à Langeac.

"Nous sommes dans une espèce de no-man's-land juridique, technique, et humain"

William Acker lui-même issu d'une famille de gens du voyage commente: " Beaucoup de terrains sont inhospitaliers. La règlementation elle-même est floue. Nous sommes dans une espèce de no-man's-land juridique, technique, et humain. On mélange tout. " Et cela commence par les noms. "On utilise à tort et à travers des endonymes, des exonymes, des classifications administratives: tziganes, manouches, voyageurs, gitans. Tout est recoupé dans un fourre-tout administratif. Les institutions européennes utilisent le terme Rom comme un générique. L'administration française utilise la notion de "gens du voyage". Ce qui n'est pas moins opaque."

En pratique, leurs conditions de vie en pâtissent. " Il y a un adage qui dit : si tu cherches l'aire d'accueil des gens du voyage, cherche la déchetterie! Cela a un impact psychologique et social très lourd. C'est comme si notre place naturelle était près du dépôt d'ordures. Ce problème a été soulevé depuis la seconde guerre mondiale mais rien ne bouge. Les initiatives pour faire changer les choses sont informelles ou mal organisées. les doléances sont très variées: accès à l'eau, nuisances sonores, présence ou non de sanitaires en bon état, isolement, présence de crématoriums, etc."

"Beaucoup de maires essayent d'éviter leurs obligations légales en la matière."

Opacité et précarité également présents sur le plan juridique: "Beaucoup de maires essayent d'éviter leurs obligations légales en la matière. Ils se refilent des "astuces" juridiques pour contourner la loi. On est relégués loin des centres-villes. Ce n'est pas qu'un problème de communication. La société qui est sédentaire nous demande de disparaître. Elle conditionne notre acceptation à notre disparition, je parle ici de mode de vie économique et culturel. C'est difficilement acceptable et cela engendre des résistances. Beaucoup rentrent dans les rangs mais d'autres résistent et cela engendre des problèmes de plus en plus importants."

"Le mode de vie nomade est appelé à se développer même hors de la catégorie des gens du voyage."

Dès lors quelles sont les solutions? " Il faut faire connaître la situation. Expliquer la précarité et mettre à plat l'imbroglio juridique dans lequel nous sommes. Tout est très ancré parfois depuis des siècles."

Il n'y a pas de panacée. "Il faut faire comprendre que le mode de vie nomade est appelé à se développer même hors de la catégorie des gens du voyage. L'habitat léger va aussi s'accroître. lorsque l'on parle des gens du voyage, ce sont toutes les personnes qui sont en habitat mobile qui sont concernées. "

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