'''Si en France on frappe des journalistes, en Afrique on les tue'''

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:55

"Maintenant, je ferai plus attention à ce que je lis et je regarderai mieux d'où les informations proviennent". Iliès, élève de seconde au lycée public ponot Charles et Adrien Dupuy (seul lycée de l'académie à participer au dispositif), fait partie des 35 élèves qui ont pu rencontrer Mamoudou Gaye ce jeudi 24 janvier 2019 au Puy-en-Velay.
Par ce simple témoignage, il justifie pleinement l'opération "Renvoyé Spécial" et la volonté du Ministère de l’Éducation Nationale (via le Centre de Liaison de l'Enseignement et des Médias d'Information) de sensibiliser les jeunes à la liberté d’expression et de la presse et aux valeurs citoyennes.

Victime de plusieurs agressions et persécutions dans son pays
Dénonçant la corruption, le journaliste mauritanien égrène les vertus d'une presse libre et indépendante devant un auditoire à la fois attentif et interloqué par le parcours, semé d'embûches, du journaliste qui a été contraint de s'exiler à la suite de violences et de persécutions dans son pays. "Même si son parcours a été compliqué, il a gardé la tête haute", témoigne Shaima, "et aujourd'hui, il fait ce qu'il aime, le journalisme, donc c'est une sorte de modèle".
"Les élèves ne sont pas imprégnés d'une culture médiatique", reconnaît le journaliste en aparté, "mais souvent, ils ont préparé ma venue en amont avec leurs professeurs et ils sont intéressés, ils posent de multiples questions". Tantôt sur la liberté de la presse, tantôt sur les violences des mouvements sociaux en France, ou encore sur les élections en République Démocratique du Congo... Pendant trois heures, le journaliste fait face aux vagues de questions avec toujours en ligne de mire la promotion du journalisme. "C'est un joyau à préserver", déclare-t-il, "il est essentiel pour la bonne marche d'une démocratie".

La France est-elle une démocratie ? La presse est-elle à la solde du pouvoir ?
Il y a un climat social très tendu en ce moment en France, avec notamment le mouvement des Gilets jaunes et des débordements, liés souvent à des groupes de toute autre nature. On entend parfois que la France n'est pas une démocratie, que la liberté est bafouée ou encore que la presse est à la solde du pouvoir. Quel regard portez-vous sur cette situation, vous qui avez été contraint à l'exil ?

----Quelle indépendance pour les journalistes ?
Si Mamoudou Gaye rappelle que les journalistes exercent "un métier très ingrat, au prix de leur vie, ils sont là pour informer, vulgariser et aussi dénoncer les dérives", pas sûr que son discours fasse totalement mouche. "Les journalistes ne font que leur travail, mais des fois, ils cachent un peu des choses à mon avis", répond Iliès lorsqu'on l'interroge. Là encore, il s'inscrit dans le mouvement général puisque 69 % des sondés du dernier baromètre considèrent que les journalistes ne sont pas indépendants.-----Éducation aux médias : "travailler davantage en amont, pour plus de liberté demain"
Certains oiseaux de mauvais augure vous diront que les jeunes aujourd'hui ne savent plus s'informer, à cause notamment de la prédominance dans leur mode de consommation des réseaux sociaux et du phénomène des fake news. "Nous, journalistes, on doit être en alerte et on doit déconstruire ces discours et pousser les gens à nous lire", commente le mauritanien, "si on érige les contre valeurs en valeurs, on est dans un monde qui part en décadence".
Si les élèves ne font pas très distinctement la différence entre information et communication, "ce n'est pas qu'à eux de le faire, il faut aussi, nous professionnels de l'information, leur expliquer", juge l'intervenant, "l'éducation aux médias, il en faudrait beaucoup plus, travailler davantage en amont, pour plus de liberté demain".

Lire des journaux, c'est une chose (déjà rare) mais en acheter.... 
Pour parfaire l'éducation médiatique des futures générations, il faut déjà comprendre leurs modes de consommation. "Ça m'arrive de lire des journaux, mais c'est surtout sur Internet", rapporte Iliès. Lire des journaux, c'est une chose (déjà rare) mais en acheter.... "De nos jours, c'est surtout comme ça, avec les réseaux sociaux", ajoute l'adolescent. 
Quant à la radio et la télévision, ils disent ne "pas trop l'écouter". Des propos allant dans le sens du dernier baromètre sur la confiance des Français dans les média, paru ce 24 janvier 2019, à l'initiative de Kantar pour La Croix, où l'on constate que seule une moitié des 18-25 ans déclare s'intéresser à l'actualité (67 % pour l'ensemble de la population).


Iliès et Shaima, élèves de seconde au lycée Charles et Adrien Dupuy

"Je me méfie des fake news, alors je fais gaffe à ce que je vois comme information"
Reste enfin la question des fausses informations qui circulent notamment sur les réseaux sociaux. Dernier exemple en date avec cette fausse information, reprise de concert par tous les médias établis de Haute-Loire (presse papier, radio, télé, Internet...) et qui a émergé des réseaux sociaux : la recherche de figurants pour Kaamelott. "Je me méfie des fake news, alors je fais gaffe à ce que je vois comme information", assure Iliès. Qu'est-ce qui lui met la puce à l'oreille ? "Déjà d'où provient l'information", nous répond-il, "si ça vient d'une grande chaîne, je serai plus confiant que des petites actualités que l'on voit sur Internet".
Une réponse à laquelle fait écho Shaima : "sur les petits sites, c'est facile de raconter des bobards alors que sur des grandes chaînes comme BFMTV, ce sont des informations sûres". Selon l'étude citée précédemment, c'est la radio qui conserve la palme de la crédibilité (50 % mais un recul de six points), alors qu'Internet (25 %), en queue de peloton, est le seul média à ne pas reculer.

"Un certain engouement par rapport aux élèves qui continuent parfois à t'écrire"
Le journaliste en exil insiste sur sa volonté de "pousser les élèves à l'esprit critique" en leur rappelant "la chance qu'ils ont d'être ici, dans le confort, de préserver les acquis". Avec déjà quatre interventions à son actif, en province ou en région parisienne, il se félicite du succès de l'opération : "il y a toujours eu un certain engouement par rapport aux élèves qui continuent parfois à t'écrire, ou encore un autre qui essaie de faire un mémoire en lien avec mon parcours... C'est déjà une superbe récompense", conclut-il.

Maxime Pitavy

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