Sécurité alimentaire : que font nos élus ?

mar 02/02/2021 - 06:00 , Mise à jour le 02/02/2021 à 06:00

À l'initiative du Comité citoyen de Retournac, une soirée-débat avait lieu ce mercredi 20 janvier sur le thème de la résilience alimentaire. Sur Internet, pandémie oblige… Et le constat est sévère : le jour où les supermarchés sont vides, on mange quoi ? Eh bien, pas grand-chose…

 

Cette soirée-débat en visio réunissait une douzaine de citoyens, des Retournacois pour la plupart, inquiets de l'inaction des élus locaux et des représentants de l'Etat sur un enjeu à leurs yeux crucial : celui de la sécurité alimentaire. 

"Le jour où les camions ne roulent plus, la France tient 3 jours" 

Comment en est-on arrivé là ? Chloé Landriot, enseignante de français au Puy, a pris conscience de ces questions en devenant mère de famille, et retrace les grandes lignes en préambule du débat. 

Prioritaire jusqu'au début du XXe siècle, la question de la sécurité alimentaire a totalement disparu des écrans radars depuis plusieurs décennies. Elle ne figure même pas dans les différents Plans de prévention des risques, DICRIM (document d'information sur les risques majeurs) et autres Livres blancs sur la sécurité intérieure. On aurait pu penser que la pandémie avait fait bouger les lignes.. mais il n'en est rien. Une sénatrice s'était bien emparée de la question, mais sa proposition de résolution sur la résilience alimentaire a été retoquée, notamment par les Républicains (dont Laurent Duplomb), qui ont estimé qu'une telle résolution serait une entrave à la liberté des agriculteurs. À l'échelle du département, même constat, le risque de pénurie alimentaire n'est pas pris en compte : tout le monde part du principe que les supermarchés seront toujours alimentés par les camions. 

Place au débat 

"On nous parle beaucoup de sécurité globale en ce moment mais il n'y a pas de sécurité globale sans sécurité alimentaire, rappelle Chloé en préambule, or la sécurité alimentaire ne figure nulle part !" 

Pour Mélissa, jeune Retournacoise, il faut replacer la question de la sécurité alimentaire dans le contexte de l'urgence écologique et du dérèglement climatique. "Il y a urgence." 

Laurence se dit "prête à rejoindre une Brigade DICRIM", c'est-à-dire un groupe de citoyens qui va voir le maire pour qu'il inscrive le risque de pénurie alimentaire dans le DICRIM – un document qui a vocation à être largement diffusé et qui peut donc servir à sensibiliser la population à ces questions. 

Rémi rappelle que le foncier est le "problème numéro un" sur la question de la sécurité alimentaire, mais qu'il reste très secondaire aux yeux des élus du département. "Or, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que le foncier, c'est la sécurité, renchérit Chloé, ce n'est pas pour faire plaisir à quelques écolos-bios, c'est une question de sécurité nationale." "On ne fait plus le lien entre le foncier et la nourriture", déplore de son côté Mélissa. 

"Comment faire comprendre aux gens qu'ils peuvent se nourrir ailleurs qu'à Inter ?" se demande Laurianne, posant ainsi la question de la grande distribution, aujourd'hui 100 % dépendante du pétrole et des camions. Faut-il lutter contre les grandes surfaces ? "Peut-être pas, suggère Chloé. En l'état actuel des choses, l'urgence n'est pas là." 

Les maires veulent du clinquant 

"Les mairies agissent pour leur image, précise Chloé. En Haute-Loire, elle préféreront faire un stade de foot synthétique, mettre un panneau numérique ou changer le mobilier urbain, ça se voit plus !" L'enseignante propose de faire un diagnostic alimentaire de chaque commune : combien de jardiniers y recense-t-on, combien de producteurs locaux, combien de locavores, etc., afin de poser la question sur la place publique et de créer des vocations. "Il faudrait que les mairies puissent communiquer là-dessus, elles se vanteraient d'avoir une régie agricole municipale, un verger communal, cinq maraîchers bios, une légumerie, etc. Les autres suivraient alors le mouvement !" 

Concrètement, on fait quoi ? 

On peut commencer par s'informer, par exemple en lisant le livre de Stéphane Linou, "Résilience Alimentaire et Sécurité Nationale". On y apprend ainsi que le taux d'autonomie alimentaire de la France est de… 2 % seulement (autrement dit, 2 % seulement de l'alimentation produite dans chaque territoire est consommé sur place, le reste est exporté). Il existe également un outil en ligne, nommé CRATER, qui permet de connaître le degré de résilience de sa commune. Le Puy est très mal noté ! 

On peut ensuite se constituer un stock de denrées alimentaires (une telle idée paraissait totalement saugrenue voilà encore un an, aujourd'hui elle ne l'est plus) et apprendre à faire ses conserves, son pain, ou encore à filtrer son eau. En Haute-Loire, ce savoir-faire n'a, par chance, pas totalement disparu. 

On peut aussi se détourner de la grande distribution et faire ses courses en direct auprès des paysans afin de densifier le réseau de producteurs locaux (à l'heure actuelle, entre 80 et 90 % des Français se nourrissent en grande surface : le jour où les supermarchés sont vides, les circuits courts ne permettront donc pas de nourrir tout le monde… très loin de là). 

À l'échelle individuelle, on pourra également commencer un potager ou l'agrandir, s'inscrire à des jardins partagés, créer un verger, une petite pépinière ou une "forêt comestible" (comme à Retournac), sensibiliser son maire à la question de la sécurité alimentaire (il peut par exemple mettre en place une régie agricole municipale ou inscrire le risque de pénurie alimentaire au DICRIM), ou encore rejoindre un collectif qui se penche sur ces questions et tente justement de sensibiliser les élus, comme les "Résiliacteurs 43". 

En France, certaines communes commencent à s'intéresser à la question du foncier nourricier, en proposant par exemple aux jeunes agriculteurs, sur les terres communales, des prêts à usage gratuit sur six ans, explique Rémi. En Haute-Loire, le jeune maire de Lapte se pencherait très sérieusement sur ces questions. Le Comité citoyen retournacois planche par ailleurs sur un "protocole d'action" qui serait ensuite transposable à toutes les communes du département… Enfin, une "Journée de formation des élus du 43" est en cours de préparation sur la question du "foncier nourricier". Reste à savoir si les maires répondront présents… 

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1 commentaire

lo

mar 02/02/2021 - 08:40

Au moyen-âge entre autres, il y avait AUSSI des réserves alimentaires communes, des greniers communs, etc... et je m'aperçois qu'il y a encore des "doux rêveurs " nostalgiques de cette époque qui oublient que nous sommes en 2021, que la majeure partie des municipalités a besoin de nos impôts pour payer certaines de leurs extravagances physiquement visibles pour se faire valoir au risque de se voir accusée d'immobilisme. Et je crains que celles et ceux qui prêchent pour ces "résilience alimentaires" soient les premiers à courrir vers les grandes surfaces pour faire des réserves en cette période de pandémie d'où un nouveau confinement nous pend au nez...