Sécheresse en Haute-Loire : piscines privées la nage à contre-courant ?

Par EMa , Mise à jour le 07/06/2023 à 06:00

La Haute-Loire connaît une sécheresse record en ce moment. En plein début de la saison touristique, le retour des visiteurs ce printemps, pose la question de la répartition de l’eau, une ressource qui se raréfie. Paradoxe : le nombre de piscines privées construites en 2022 a augmenté.

« Il a plu dernièrement, mais pas suffisamment. La bonne nouvelle est que l'état et le niveau des eaux de surfaces sont bons. Mais cela reste problématique concernant les nappes phréatiques et les eaux souterraines », a expliqué Eric Étienne, le préfet de Haute-Loire, le vendredi 28 avril dernier lors du Comité départemental de l'eau.

Si la Préfecture s’est félicité sur sa gestion de la crise « sécheresse » en 2022, elle a souligné tout de même des points graves et toujours à l'œuvre dans le département concernant l'or bleu. Par exemple, actuellement, le réservoir de Naussac affiche un taux de remplissage de 44 %. Pour rappel, l'eau de Naussac sert en partie pour fournir de l'eau potable aux villes voisines de la rivière Allier et contribue également au refroidissement des réacteurs nucléaires des centrales à Nevers et au-dessus.

L’association Eau’Dyssé tire la sonnette d’alarme

Sur les six derniers mois, il n'est tombé que 294,07 millimètres de pluie ce qui classe notre département de la Haute-Loire, en situation de grande sécheresse selon info-secheresse.fr

Indicateur sécheresse (43) en prenant compte de la pluviométrie des 6 dernier mois
Indicateur sécheresse (43) en prenant compte de la pluviométrie des 6 dernier mois Photo par info-secheresse.fr

« Si la pluie ne tombe plus l’hiver, mais davantage au printemps, elle ne va plus dans les nappes. Au printemps, la végétation se réveille et donc la pluie reste en surface… »

« Normalement, à partir de novembre jusqu’à avril environ, on est en période de recharge. La pluie qui tombe l’hiver permet d’approvisionner les nappes phréatiques. Le problème, c’est que l’on a eu un hiver déficitaire de 68 % en pluie », a analysé Laurie Caillouet hydrométéorologue et fondatrice d’Eau’Dyssée, une association de sensibilisation aux enjeux de l’eau, basée à Lyon.

« En plus du manque de pluie, le problème, c’est sa répartition. Avant la pluie était continue sur une même période, mais depuis quelques années, ce sont des pluies éparses avec de forts épisodes pluvieux. Si la pluie ne tombe plus l’hiver, mais davantage au printemps, elle ne va plus dans les nappes. Au printemps, la végétation se réveille et donc la pluie reste en surface… », a continué Laurie Caillouet.

« Si l’été est nuageux avec des averses et les températures ne dépassent pas les 25 degrés, on ne devrait pas manquer d’eau. Dans le cas contraire de fortes chaleurs, et comme on se dirige vers des étés plus chauds, je ne suis pas rassuré, car on risque de manquer d’eau. Quand il fait chaud, l’eau s’évapore des sols et il faut les réalimenter avec des réserves qui ne sont pas bien remplies, donc c’est un problème », a décrit la spécialiste.

Paradoxe : les constructions de piscines privées en hausse

188 600. C’est le nombre de piscines privées construites en France en 2022. Un chiffre en augmentation par rapport à 2021.

Face au déficit pluviométrique, à la sécheresse qui s’annonce cet été et aux nombreux mètres cube d'eau puisés chaque année pour répondre aux besoins du territoire, mais aussi aux besoins privés, les réserves suffiront-elles ?

On peut supposer que de nombreux Français ne se posent pas la question puisque selon une étude de la FPP (fédération des Professionnels de la Piscine et du Spa), en 2022, 188 600 nouvelles piscines privées ont été construite dans les jardins français, dans un contexte marqué par la diminution du pouvoir d’achat, les inquiétudes liées à la guerre en Ukraine et des phénomènes météos extrêmes.

Même si l’activité ralentit par rapport aux deux dernières années d’euphorie post-confinements de 2021 et 2020, leur nombre poursuit ainsi sa croissance à un rythme de 20 % supérieur à 2019, où 156 000 avaient été installées sur le territoire.

« C’est un chiffre qui interpelle sur la conscientisation du grand public sur les enjeux de l’eau… Sont-ils au courant de la situation ? », s’est interrogé Laurie Caillouet.

Fin 2022, le pays a ainsi atteint 3,4 millions de piscines, partagées entre bassins enterrés (1,62 million) et hors-sol fixes (1,76 million). Tous les Français sont concernés par le phénomène : d’après la récente enquête menée par Decryptis pour la Fédération des Professionnels de la Piscine et du spa (FPP), 44 % des détenteurs de piscines enterrées et hors-sol sont employés, ouvriers ou agriculteurs.

« On va vers des étés plus chauds. Les gens construisent donc des piscines chez eux pour se rafraîchir, c’est logique. Cette hausse de construction ne m’inquiète pas, car si on a vraiment besoin d’eau, les autorités mettront en place des restrictions et donc les gens auront construit des piscines pour rien », a conclu Laurie Caillouet.

En Haute-Loire, le remplissage des piscines encadré par un arrêté

En cas d'alerte ou situation de crise, il est possible de construire une piscine chez soi, mais de ne jamais pouvoir la remplir.

En cas d'alerte ou situation de crise, le département interdit le remplissage des piscines individuelles. Cependant, cela n'empêche pas leurs constructions. C'est au maire de chaque commune de décider des règles de construction. Ainsi, il est donc possible de construire une piscine chez soi, mais de ne jamais pouvoir la remplir.

L'arrêté-cadre sécheresse départemental comprend des dispositions liées, selon le niveau de gravité, à l'interdiction de remplissage des piscines.

Arrêté encadrant le remplissage des piscines privées sur le département de Haute-Loire
Arrêté encadrant le remplissage des piscines privées sur le département de Haute-Loire Photo par Préfecture de la Haute-Loire

Il n'encadre toutefois pas les règles de construction des piscines qui relèvent du Code de l'urbanisme et qui relève du pouvoir des maires

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4 commentaires

mer 07/06/2023 - 18:58

On parle du remplissage des piscines mais quand est il de l'arrosage des terrains de foot. C'est tellement important un beau terrain bien vert

mer 07/06/2023 - 11:28

L'embourgeoisement et le mode de consommation des classes populaires est le problème mais il arrange tout le monde. Aujourd'hui même le smicard veut sa piscine perso. Il y a 30 ans, les piscines s'arrêtaient en Provence, il y a 20 ans elles remontaient jusqu'en Ardèche et aujourd'hui, même en Haute-Loire ou dans le Cantal si "t'as pas ta maison et ta piscine t'as râté ta vie" ... Les malhonnêtes cibleront les riches mais malheureusement le problème est bien plus large, il s'étend à presque tous. Un agent immobilier m'a dit il y a quelques mois : "ton terrain n'est pas piscinable, ta maison elle vaut rien." ... Qui a réellement envie de changer ces mentalités ?

mer 07/06/2023 - 09:17

Actuellement, le prix de l'eau est dégressif, au-dessus de 250 m3 son prix baisse. Cela n'incite pas vraiment à l'économie de la ressource!

C'est ainsi que les consommateurs économes payent un prix au m3 bien plus élevé que les gros consommateurs.

Il parait que cela pourrait évoluer. Quand?

Interdire la construction d'une piscine individuelle: c'est bien difficile pour un élu.

Quant à interdire le remplissage d'une piscine nouvellement construite: j'aimerais bien savoir qui se chargerait de la mise en oeuvre de cette interdiction et comment cela pourrait se passer.

mer 07/06/2023 - 08:10

franchement il faudrait être raisonné

les piscines représentent 0.15% de la consommation d'eau en france 

par contre les fuites des canalisations c'est combien ?

il faudrait peut être commencer par regarder par là

après il faut faire attention mais une piscine ça se vide pas chaque année 

donc arrêtons de stigmatiser les propriétaires de piscines pour le manque d'eau car c'est pas parce que qu'on possède une piscine qu'on se fout du manque d'eau.

stop aux préjugés