À Saint-Vidal, on (con)casse les prix pour vendre tout un lotissement

, Mise à jour le 26/11/2020 à 19:24

En achetant un terrain de cinq hectares sur la ZA Chaspuzac pour s'y implanter (lire), la Maroquinerie du Puy a demandé le départ du concasseur, dont l'activité n'est pas compatible avec la leur. L'entreprise de concassage et les élus ont donné leur feu vert... au détriment d'une centaine de riverains qui vont désormais en hériter, alors que leur lotissement se trouve à 250 mètres à peine de la zone d'activité sur laquelle l'agglo a décidé de jeter son dévolu.
Cette zone d'activité est pourtant presque vierge (il y a une entreprise) "depuis une trentaine d'années", assurent les riverains et ils ont l'impression que "seuls les projets poubelles" sont réservés à cette zone d'activité. En signe de protestation, ils ont décidé de mettre en vente ironiquement l'ensemble du lotissement, qui compte une trentaine de maisons, pour six millions d'euros car ils craignent également de voir le foncier fortement dévalué dans les années à venir.

"On ne veut pas être la zone poubelle de l'agglo"
Depuis une dizaine d'années déjà, le concasseur est en activité sur la zone d'activité de Chaspuzac. Problème : la maroquinerie du Puy, qui va y proposer près de 200 emplois à moyen terme, ne juge guère compatible son activité de luxe à côté du concasseur (Loïc Thomas, le Président, a été contacté, sa réponse est attendue). Il a donc été négocié, dès l'achat des terrains, que le concasseur devait d'ici là trouver une nouvelle zone d'activité ce que l'entreprise de concassage et les élus de l'agglomération ont accepté.
Mais il faut bien maintenant trouver un site, et là, les choses se corsent. En conseil communautaire, il a été décidé de céder un terrain de près de deux hectares pour le concasseur, pour un prix de 45 000 € HT. Le terrain se situe sur la commune de Sanssac-l'Eglise, à la limite de la commune de Saint-Vidal, où se trouve le village de "Grazac", à 250 mètres environ d'un lotissement comptant une trentaine d'habitations. Une association de riverains (association pour la protection des riverains des zones d'activité du Fataïre et du Martouret), comptant une centaine de membres, s'est aussitôt érigée contre le projet, ne voulant pas être "la zone poubelle de l'agglo".

Nuisances pour les uns, pas pour les autres
Selon cette même association, à Chadron, des riverains se plaignent d'un concasseur situé à quatre kilomètres de leurs habitations. Pourtant, le Président de la communauté d'agglomération Michel Joubert, également maire de Chaspuzac et conseiller général du canton, affirme "plusieurs maisons se sont construites à moins de 200 mètres du concasseur de Chaspuzac ces dernières années et aucune plainte n'a jamais été formulée".
"On se sent pris en otages", réplique Fabrice Falgere, membre de l'association, "c'est sûr que nos élus préfèrent privilégier 200 emplois à une trentaine d'habitations, mais on peut quand même trouver une zone d'activité où aucune habitation ne sera victime de ces nuisances sonores et de la poussière générée". De plus, l'école publique Michel Pignol, de Sanssac-l'Eglise, se trouverait à 400 mètres à vol d'oiseau de ce concasseur.
Daniel Vigouroux, secrétaire de l'association, revient sur les nuisances dont seraient victimes les riverains et les écoliers et déplore qu'il soit obligé de se battre pour empêcher les élus d'implanter des "activités malvenues dans un lotissement". Ecouter. {{audio1}}

"Mes salariés ne sont pas malades ou sourds et les arbres ne sont pas blancs de poussière !"
Nous avons également contacté l'entreprise de concassage, dont le directeur Yves Pal tient lui aussi à nuancer les craintes des riverains : "s'il y avait tant de nuisances, déjà, on n'aurait pas d'autorisation pour exercer cette activité et regardez parmi mes salariés qui y travaillent depuis plusieurs années, aucun n'est malade ou sourd ! Ils ne portent pas de masque et les arbres ne sont pas blancs de poussière non plus !".
Mais si le concassage génère si peu de nuisances, alors pourquoi la maroquinerie n'en veut pas sur la zone d'activité ? "Ils veulent un site propre et sans bruit", répond-il, "ils ont posé leurs conditions lorsqu'ils ont acheté le terrain et nous étions d'accord pour nous déplacer". Toujours selon Yves Pal, le concasseur devrait être transféré à Sanssac "d'ici la fin de l'année".

----La communauté d'agglomération du Puy-en-Velay a choisi ce terrain pour le concasseur car, comme l'explique son Président, "la configuration s'y prête bien, c'est un secteur en pente qui permet de réaliser une cavité pour y installer le concasseur et qu'il fasse un minimum de nuisances autour".-----Du précaire... depuis 10 ans
Le Président de l'agglo tempère toutefois ces propos : "rien n'est encore définitif, on va encore discuter avec les habitants concernés, le but n'est pas de gêner qui que ce soit, mais il ne pourra plus concasser sur place, à Chaspuzac, donc il faudra vite trouver une solution". En revanche, il n'avance pas l'argument de la maroquinerie en premier lieu : "le concasseur est au bord du ruisseau en zone naturelle et il ne peut pas se mettre aux normes ni faire d'aménagements. Je l'avais installé là à titre précaire pour qu'il démarre son activité".
Depuis dix ans, c'est donc une installation précaire... longue durée non ? "Oui mais ça montre bien qu'il n'y avait pas de problème de nuisances justement", répond-il dans une habile pirouette. Quant à la maroquinerie, il concède à demi-mots : "l'activité de concassage est nécessaire, il faut des entreprises comme ça, dans le recyclage de matériaux, mais ce n'est pas vraiment compatible avec la maroquinerie, en terme d'image de marque surtout".

"C'est peut être une monarchie à l'agglo mais on n'est pas des serfs et on ne va pas se laisser faire"
Le concasseur occuperait deux hectares sur la douzaine d'hectares que propose la zone, elle-même jouxtée à une zone de 16 hectares, ce qui offre au final une réserve foncière de 28 hectares environ. "Il y avait un projet de ferme photovoltaïque à Saint-Christophe, qui a été refusé pour des raisons environnementales", explique Fabrice Falgere, "on pourrait la mettre ici, mais non, nous on existe que pour les projets comportant des nuisances, ce qui dévalue considérablement le foncier".
Selon l'association, la mairie, même si ce n'est pas de son ressort (le terrain et la compétence appartiennent à l'agglo), les soutient à demi-mot "mais refuse de faire barrage à l'agglo de peur de perdre des subventions potentielles" et Daniel Vigouroux ajoute : "c'est peut être une monarchie à l'agglo mais on n'est pas des serfs et on ne va pas se laisser faire". Une réunion publique a lieu ce jeudi soir à 20h30 à la salle de la mairie de Sanssac-l'Eglise, "et on est prêts à durcir le mouvement".

----"Michel Joubert fait un travail formidable pour sa commune, il faut bien le reconnaître, mais c'est parfois au détriment des communes périphériques, alors qu'il est conseiller général et qu'il doit défendre l'intérêt de toutes les communes du canton", observe Fabien Falgere.-----Une entreprise d'une trentaine de salariés, présente sur la zone, opposée au concasseur
Dernier argument de poids pour l'association, le soutien de l'entreprise MIV (Menuiserie Industrielle du Velay), qui compte une trentaine de salariés et qui fabrique des cercueils sur la zone depuis plus de 20 ans. "Ayant appris le projet d'installation d'une centrale de concassage à moins de 300 mètres de notre emplacement, nous nous permettons d'émettre des réserves quant à son installation aux vues des poussières qu'elle pourrait engendrer et qui pourraient nuire à nos fabrications (cabine de vernis hors poussière, aspirations des machines et air comprimé)", écrit Didier Malartre, de la direction de MIV, dans un courrier daté du 18 septembre dernier.
"On n'est pas contre l'emploi mais contre les nuisances", synthétise le secrétaire de l'association qui souligne qu'ils sont tous bien contents de voir une activité créatrice d'emplois s'installer à Chaspuzac mais que l'arrivée du concasseur à proximité de leurs habitations ne correspond pas à leur volonté d'avoir fait construire dans un lieu calme. Ecouter. {{audio2}}

Maxime Pitavy

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