Néonicotinoïdes : '''Aujourd’hui, nous n’avons plus d’espoir. Le combat est perdu'''

sam 24/10/2020 - 19:27 , Mise à jour le 27/11/2020 à 09:08

« Nous avons envoyé un courrier aux sénateurs du département pour leur expliquer l’importance de notre combat, souffle Aurore Treille revêtue de sa combinaison blanche d’apicultrice. Le texte va passer le 27 octobre au Sénat puis de nouveau devant les députés. Mais aujourd’hui, nous n’avons plus d’espoir. Le combat est perdu. »
Avec elle, ce sont environ soixante personnes de toutes générations qui remontent le Breuil pour venir s’installer timidement devant la préfecture. Dans leurs mains, des panneaux avec ce même mot imprononçable de néonicotinoïdes et les conséquences dramatiques que sa réutilisation ferait subir à toute la biodiversité.

« Il y a forcément des intérêts qui nous dépassent tous »
Le cortège, composé d’électrons libres et de personnes appartenant à diverses associations de défense de l’environnement, occupe la chaussée sans bruit, apportant quelques ruches vides pour les déposer devant le bâtiment d’État. Si les convictions sont là, il règne une atmosphère de défaite parmi les rangs.

« Nos chers députés ont voté pour le retour des néonicotinoïdes, rappelle Aurore Treille. Après leurs votes, nous nous sommes entretenus avec Jean-Pierre Vigier et Isabelle Valentin. Une fois exposés les risques d’une telle décision, ils nous ont clairement dit qu’ils revoteraient de la même façon. On sait le combat terminé mais nous ne devons pas baisser la tête. Il faut montrer aux gens qu’on est toujours là. » Elle ajoute : « Après, il ne faut pas se leurrer. Il y a forcément des intérêts qui nous dépassent tous ».

« C’est un retour en arrière impensable pour nous »
Face aux grilles de la préfecture, ils entonnent une chanson sur le sujet, des couplets sur le mur qui nous arrive droit devant mais que les dirigeants du Monde ne veulent pas voir venir. « Aujourd’hui, les apiculteurs et nombre d’associations partenaires sont très en colère, souligne Jean-Jacques Orfeuvre, vice-président de la FNE 43 (France Nature Environnement). Nos députés ont voté le retour des néonicotinoïdes alors que ça fait 20 ans que nous nous battons contre. C’est un retour en arrière impensable pour nous. Car il faut savoir qu’ils ont été interdits en 2016 après une très longue lutte. Sous la pression des betteraviers du Nord, l’Assemblée Nationale a décidé leur retour pour 3 ans. »
Aurore Treille complète : « Et il est assuré que d’autres lobbies vont suivre le pas comme ceux du maïs ou du colza par exemple ».


(Un totem fait de ruches peintes avec les couleurs du drapeau de la France et une lugubre croix noire ont été installés devant la préfecture par les participants. Photo Nicolas Defay/Zoomdici.fr)

« C’est la biodiversité dans son entier qui s’effondre à grande vitesse »
Avec les apiculteurs, la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) est présente. « En France, nous avons plus de 1 000 espèces d’abeilles sauvages dont les apiculteurs ne s’occupent pas et dont se préoccupent la LPO, témoigne Franck Chastagnol de la LPO Auvergne-Rhône-Alpes. C’est pour ça que nous nous sommes regroupés au sein des 17 associations nationales en lutte dans ce combat. Ce produit est rémanent pendant plusieurs années dans le sol et on le retrouve dans les plantes trois ans plus tard. »

Franck Chastagnol indique alors des ratios édifiants pour illustrer l’agonie dramatique et galopante que la nature subit aujourd’hui. « 50 % des insectes qui iront butiner ces plantes vont vers une mort certaine. Qui dit insectes impactés dit oiseaux impactés. Dans les campagnes, entre 30 et 60 % des oiseaux ont disparu comme les linottes, les bruants, les pies grièches, et bien d’autres qui faisaient les joies de nos campagnes il n’y pas si longtemps ». Il résume en ces termes : « En fait, c’est la biodiversité dans son entier qui s’effondre à grande vitesse ».

Les bulletins de vote comme la solution ultime
Derrière sa visière grillagée d’apiculteur, Jean-Jacques Orfeuvre refuse de baisser les bras et pense qu’il existe encore un espoir non pas forcément pour la lutte contre les néonicotinoïdes mais pour la sauvegarde de l’environnement en général. « Nous pensons que les populations se réveilleront un jour, livre-t-il. On espère qu’une grande majorité, par les bulletins de vote, choisira les élus qui détiennent un minimum d’informations sur toutes ces questions et qui ne soient pas dépendants des lobbies en face. Oui, je pense réellement qu’une partie de l’espoir réside dans les urnes et la conscience des gens ».

Nicolas Defay

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