« On ne naît pas féministe, on le devient. »

, Mise à jour le 15/12/2022 à 19:00

Parodiant la conclusion de l’œuvre "Une farouche liberté" de Gisèle Halimi, les élèves de toutes les classes de troisième du collège public des Gorges de la Loire travaillent depuis le début de l’année 2022, en cours de français, sur le thème de la femme et du féminisme. Ils ont parachevé cette étude avec l’intervention de trois comédiens de la compagnie L’Emporte-voix du 28 novembre au 2 décembre 2022 et représenté leur travail devant leurs pairs et devant Monsieur Karim Benmiloud, Recteur de l'Académie de Clermont-Ferrand, le jeudi 8 décembre dernier.

Un projet ancré dans le projet d’établissement et les quatre « parcours » éducatifs du collège

Depuis plusieurs années, le collège des Gorges de la Loire soutient le travail de l'oralité et de formation de la personne et du citoyen mené par les enseignants ; que l'on se souvienne de la Nuit du Droit d'octobre 2021 ou du concours d'éloquence du CDAD43 de mai 2021 et avril 2022.

Cette année, les compétences langagières, orales et écrites, ont été travaillées à travers la thématique de la femme dans la littérature et la société : de l’évolution de la définition du mot « femme » dans le dictionnaire, aux extraits de romans d'Annie Ernaux, élu prix Nobel de littérature à l'automne 2022, en passant par des écrits autrices féminines et féministes, les élèves ont parcouru, étudié, lu des œuvres de femmes et ont écrit eux-mêmes des textes engagés à partir de propos sexistes : « T'as tes règles ou quoi ? », « Femme au volant, mort au tournant ! », « La place de la femme est dans la cuisine ! », « Il y a du monde au balcon ! », « T'es habillée comme une p*** »...

Ils ont également travaillé sur les grandes femmes de l'histoire et des sciences, les dates clefs de la lutte pour les droits des femmes et l'égalité femme-homme, ont appris à porter un regard critique sur cet état de faits – thématiques ancrées dans le parcours santé demandant de se pencher sur « l’égalité, les discriminations et les stéréotypes liés au genre : éduquer, prévenir, protéger » et le parcours citoyenneté poussant à mener un travail sur la notion de discrimination, de liberté, d’égalité femme-homme, de citoyenneté, et sur l'importance de la parole dans la sphère publique.

Le travail du corps et de la voix au cœur de ce projet d'éducation artistique et culturelle

Il fallait donc que ce travail fût partagé et exploité. C'est dans ce but qu'il a été demandé à la compagnie parisienne L'Emporte-voix de mener des ateliers de pratique artistique avec les élèves de 3ème.

Seize heures d'intervention ont alors permis aux trois comédiens de la compagnie de mettre en place des méthodes et outils pour apprendre aux élèves à prendre la parole devant un public et à se mouvoir dans l'espace ; à travers des exercices de plateau et d'improvisation (« questions pour une championne », mise en scène de tableaux et de scène d'oppression et de résistance, organisation d'une manifestation dans le réfectoire et au sein de l'établissement pour apprendre à pousser la voix et à lui associer le geste…), ils ont ainsi pris confiance en eux, réussi à maîtriser l'espace, leur corps, leur gestuelle et banni leurs gestes parasites, osé prendre la parole devant autrui, pour être entendus, audibles, persuasifs ; ce travail fait, il ne restait plus qu'à mettre en scène des extraits d'autrices, des dates, des slogans féministes... et de le représenter.

Un travail salué par Monsieur le Recteur de l’académie de Clermont-Ferrand

Après que les élèves ont assisté eux-mêmes à la représentation véhémente d'Antigone d'Anouilh interprétée par Maroussia Henrich et Arnaud Beunaiche, deux des comédiens de la compagnie, après qu’ils ont été mis en confiance par l'équipe de comédiens dans le cadre des master classes, les élèves ont présenté leur propre travail à leurs pairs de 3ème et de 4ème... en espérant faire réfléchir cette jeune génération aux problématiques féministes dans tout ce qu'elle a de plus humble, c'est-à-dire la quête d'égalité femme-homme.

Ce jeudi 8 décembre 2022, ce travail de l’oralité a également été présenté à Monsieur le Recteur de l'Académie de Clermont-Ferrand, venu visiter l’établissement et découvrir quelques-unes des actions mises en place au sein du collège des Gorges de la Loire : quart d’heure lecture, projet contes et danse africaine, préparation de la journée de la laïcité et, enfin, oralité.

Ainsi, après quelques exercices et réflexions sur la posture, la gestuelle, le regard et la voix, les élèves ont joué leur saynète devant un aréopage de personnalités donc Monsieur Karim Benmiloud, recteur de l’académie de Clermont-Ferrand, lequel n’a pas manqué, à l’issue de la représentation, de féliciter les élèves, leur enseignant et la compagnie L’Emporte-voix pour la qualité du travail éducatif, pédagogique, artistique et culturel mené avec les élèves, par les élèves, pour les élèves, ni de saluer la performance de ces derniers, la qualité de leur interprétation, leur engagement dans ce projet collectif féministe visant à dénoncer les propos sexistes, à scander le postambule de la Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges et à revendiquer, par l’incarnation de leur jeu, une égalité femme-homme, précisant que la cause des femmes doit être l’affaire de toutes et de tous, filles comme garçons.

Un projet dans lequel les élèves de 4ème ne sont pas en reste

Et pour que cette opération fasse sens, il fallait qu’elle soit partagée ; c’est à cet effet, nous l’avons dit, que les élèves de 4ème ont pu assister à la présentation du travail de leurs pairs. Pour préparer ce travail, ils avaient lu et étudié au préalable des nouvelles de Guy de Maupassant dans lesquelles la femme occupe une place prépondérante, ; ils avaient également assisté à représentation de La Parure interprétée par Maroussia HENRICH et Erwan ORAIN de la même compagnie parisienne L’Emporte-voix : Monsieur Loisel invite sa femme, Mathilde, envieuse de vivre comme les femmes du « monde » auquel elle n’appartient pas, à une soirée dansante au Ministère de l’Instruction publique.

Pour paraître, elle emprunte une sublime parure à son amie, Madame Forestier, et, radieuse, elle profite allègrement du bal. Mais en rentrant chez elle… malheur… la parure a disparu. On fouille en vain. Que faire ? Pour en faire fabriquer une presque identique, il ne reste plus au couple qu’à s’endetter… et à mener la vie des nécessiteux ; sur scène, Mathilde se décompose peu à peu, se vêt de haillons, s’occupe aux tâches avilissantes qui étaient délaissées jusqu’alors à la servante… Quand dix ans plus tard, elle rencontre Mme Forestier, cette dernière ne la reconnaît pas ; et lorsqu’elle lui raconte sa mésaventure… les élèves découvrent hagards et effarés la fin de la nouvelle que leurs professeurs de français s’étaient bien gardé de leur révéler.

À l’issue de la représentation, un débat était animé par les comédiens, poussant les élèves à s’interroger sur les choix de mise en scène (décors, costumes et accessoires d’époque), sur les rythmes du tableau proposé, mais aussi sur l’artificialité de Mathilde – en est-on si éloigné avec les selfies et réseaux sociaux ? – et bien sûr, la vision de la femme au XIXème siècle et, plus largement, des relations femmes-hommes dans une société où « je pense donc je suis » laisse trop souvent place à « j'ai, je parais donc je crois être».

Un travail sur l’oralité à poursuivre

Le travail sur l’oralité et la découverte d’autrices des collégiens de 3ème des Gorges de la Loire ne s’arrête pas là puisqu’ils prépareront dès la rentrée le concours d’éloquence organisé par le tribunal du Puy-en-Velay par la lecture et l’étude de discours de femmes, la rencontre d’un membre du barreau du tribunal ponot, sans oublier la découverte de poèmes d’autrices, lyriques et engagés, un temps d’échange avec une intervenante du CIDFF43.

L’ensemble du projet est soutenu moralement et financièrement par la DAAC, notamment aux interventions des artistes de la compagnie L’Emporte-voix.

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